Il est des anniversaires qu’on aimerait ne plus souhaiter… le Sidaction a 20 ans cette année. La mobilisation des médias fait toujours son œuvre : 5 millions d’euros de promesses de dons furent récoltées en 3 jours selon un communiqué de presse de l’association. Quel est le vrai visage du sida aujourd’hui ? Et vous, infirmiers libéraux et personnels soignants extrahospitaliers, quel rôle avez-vous joué face à cette maladie depuis sa découverte en 1983 ?

Le sida aujourd’hui

Après avoir diminué considérablement entre 2003 et 2008 on constate une hausse des découvertes de séropositivité. Selon l’INVS, dans le Bulletin épidémiologique du 1er avril 2014, ce chiffre se porte à 6.372 nouveaux séropositifs en 2012, dont 1.500 ont développé une pathologie indicatrice de sida, sur une population totale française de 150.000 personnes atteintes du VIH. Ces chiffres, guère satisfaisants, mettent en évidence la nécessité d’une campagne de dépistage encore plus globale car il semblerait que, malgré toutes les alarmes lancées, certains se croient encore épargnés : 18 % des nouvelles découvertes de séropositivité concernent des hommes et des femmes de plus de 50 ans, 12 % les moins de 25 ans. Aujourd’hui, malgré tous les efforts déployés tant dans la communication que dans la rapidité ou la facilité d’utilisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), nous déplorons encore 50.000 porteurs du VIH qui s’ignorent. 50.000 personnes qui ne pourront accéder aux traitements antirétroviraux et qui ne découvriront leur séropositivité bien souvent que trop tard…

 « Le VIH n’est ni une maladie d’ailleurs, ni une maladie du passé » rappelle Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé lors d’un communiqué de presse pour le lancement du Sidaction 2014, tout en rappelant que des autotests seront bientôt disponibles en pharmacie.

Malheureusement, en 20 ans, si le Sida désormais se prévient et se soigne, on n’en guérit toujours pas… Les traitements en trithérapie ont largement fait s’accroître l’espérance de vie d’un séropositif : il était devenu indispensable que l’accent soit mis sur la prise en charge médicale de proximité, dont les infirmiers libéraux sont notamment acteurs.

sidaction1L’évolution de la prise en charge médicale et la formation des soignants

En 20 ans, notons que les mentalités ont considérablement évolué tant au niveau du public que des personnels soignants : les malades sont mieux encadrés et l’importance morale et psychologique du traitement à domicile a été prouvée.

Rappelons à ce titre le rapport de Daniel Sereni de 1996 (L’aide à la vie à domicile des malades du Sida) remis au ministre de la Santé de l’époque : « Tous les moyens propres à optimiser la qualité humaine et psychologique de la prise en charge au domicile doivent être favorisés. L’encouragement du maintien des patients à leur domicile fait partie de la lutte contre l’exclusion et l’isolement. » .

Aujourd’hui, grâce notamment à la loi du 21 juillet 2009 dite « Hôpital, patients, santé, territoires », le décloisonnement entre soins hospitaliers et soins infirmiers à domicile poursuit son chemin. La prévalence croissante de structures médicales extrahospitalières telles que les HAD (hospitalisation à domicile), les SAD (soins à domicile) ou bien encore les MAD (maintien à domicile), bénéficie donc, bien qu’encore en minorité par rapport à d’autres pays, d’un encouragement fort puisqu’en 2007 elles ont bénéficié d’un budget de 29 milliards d’euros.

Certains infirmiers libéraux peuvent encore avoir peur, et ne pas vouloir traiter des séropositifs, peut-être par crainte d’être contaminés.

Ainsi, les professionnels libéraux d’aujourd’hui sont directement concernés par les soins aux malades chroniques et leurs importances qualitatives quant à l’observance des traitements ou concernant le suivi médical et psychologique n’est plus à démontrer.

Par ailleurs si une infirmière libérale formée en 1982 témoignait encore il y a 8 ans dans Le journal du Sida que « ses clients ne sont pas à risque (plus de 55 ans), et elle ne fait donc pas trop attention », un autre jeune infirmier libéral (formé en 1997) déclarait en même temps « qu’il s’estime bien informé, maintient ses connaissances avec les revues médicales et l’expérience du terrain » mais que « certains infirmiers libéraux peuvent encore avoir peur, et ne pas vouloir traiter des séropositifs, peut-être par crainte d’être contaminés »… Deux visions différentes qui s’expliqueraient peut-être par la différence générationnelle mais aussi par la modification de la formation en IFSI de 1992.

En effet la formation en École d’infirmières a été modifiée par un arrêté de 1992 en y ajoutant un module obligatoire nommé « Soins infirmiers aux personnes atteintes de maladies infectieuses et aux personnes atteintes de l’infection par le VIH » : des cours et des ateliers qui informent concrètement les aspirants infirmiers. Être mieux formés et donc informés pour ne plus avoir peur de soigner l’inconnu, peut-être…

Mais ces changements profonds ne sont-ils pas dus aussi en partie à l’implication volontaire et importante des professionnels libéraux dans la coordination des soins entre hôpital et domicile ?  Par leur professionnalisme et leur sens du « prendre soin »,  ils permettent à tous ces patients, si ce n’est de les guérir, de leur offrir une meilleure qualité de vie et de soins.

En 20 ans nous pouvons donc remarquer beaucoup de progrès notables. Des améliorations restent toutefois à effectuer tant au niveau de la prévention, du dépistage, des recherches, du traitement que du suivi des malades séropositifs, sans compter une meilleure prévention, dans votre cas d’infirmiers libéraux, aux AES qui resterait à priori encore insuffisante.

Le Sidaction est donc devenu un maillon indispensable de la solidarité humaine face à ce fléau.

« Depuis 20 ans, cette chaîne de solidarité a permis à Sidaction de collecter 300 millions d’euros qui ont été répartis à 50 % à l’aide aux malades et à la prévention et à 50 % à la recherche et aux soins. Sidaction est ainsi une association financée à 93 % par des dons privés ». Les dons pour le Sidaction sont encore possibles en ligne via don.sidaction.org et par téléphone par le 110  jusqu’au 15 avril.

Que pensez-vous de cette opération du Sidaction ? En tant qu’IDEL, comment avez-vous remarqué et contribué à ces changements du traitement de la maladie et des malades du sida ? Comment améliorer, selon vous, une prise en charge encore plus efficace du quotidien de ces patients ?