Un nouveau patch high-tech mis au point par une équipe d’ingénieurs britanniques, permettrait de surveiller en permanence les constantes vitales d’un patient à l’hôpital. Il vérifie les données et prévient l’infirmière chargée du malade en cas de signes alarmants. Une belle innovation qui pourrait sauver des vies, mais n’est-ce pas un beau pansement technologique appliqué sur la plaie béante du malaise hospitalier ?

L’intérêt du patch SensiumVitals

On pourrait s’y tromper et ne le voir que comme un pansement alors que ce petit gadget est truffé d’électronique. Accolé au torse du patient il surveille par intervalles de deux minutes toutes ses constantes vitales : sa fréquence cardiaque, sa fréquence respiratoire et sa température. Puis il recueille les données et se charge aussi de convertir ces signaux électriques en signaux électroniques envoyés en wifi via le smartphone de l’infirmière ou l’ordinateur de contrôle.

Un dispositif électronique permettant aux infirmières de ne plus avoir à surveiller ces constantes manuellement afin de leur libérer du temps pour d’autres actes. Ainsi le Dr Ian Jackson, un anesthésiste au York Hospital ayant participé aux recherches de mise au point de ce nouveau matériel, explique au Daily Mail : « Je pense que ce patch va changer la prise en charge des patients. Toutes les deux minutes, nous pouvons obtenir des informations grâce à ce dispositif cutané, ce qui nous permet de détecter précocement des anomalies chez un patient ».  Des anomalies détectées plus tôt, ce sont bien sûr des vies sauvées : une étude du Royal College of Physicians (2012) estime à 6.000 patients annuels morts par défaut de suivi des constantes vitales.

Toutefois il semble évident, aux yeux d’autres praticiens interrogés lors de cette interview du Daily Mail, que ce patch ne compte pas remplacer le travail des infirmiers mais bien leur apporter une aide technique. Pourtant, ne peut-on pas légitimement s’étonner du fait que plus on évoque la crise des hôpitaux surchargés aux personnels débordés, plus on cherche des solutions technologiques là où le problème est aussi, et avant tout, humain ?

La technologie pour venir au secours du malaise hospitalier

« Ce patch sera très utile dans les hôpitaux surchargés car il permettra de mieux surveiller les patients »   selon le Dr Jackson. Ainsi le patch sera testé dans les hôpitaux britanniques au plus fort surcroît de travail. Pourquoi pas, qui pourrait s’opposer à ce que l’on puisse sauver des patients tout en allégeant ponctuellement la responsabilité des soignants ? Pourtant face à des infirmiers au bord du burn-out, des robots infirmiers et des patchs électroniques suffiront-ils ? Pas si sûr…

À chaque patient supplémentaire par infirmier correspond une hausse de 7% du risque de mort pour le patient.

Cette triste réalité a été mise en lumière notamment par la Commission européenne qui réclamait en 2013 à la France de légiférer sur les temps de travail dans les hôpitaux : une législation qui devrait conduire le personnel hospitalier à travailler 48 heures par semaine, ce qui semble au vu des multiples témoignages, chose rarissime voire obsolète.

Une étude effectuée mondialement sur un réseau de 2.000 infirmières présentée au Conseil international des infirmières le 1er juillet 2009, estime que «

[…] neuf infirmières sur dix (92%) se déclarent soumises à des contraintes de temps les empêchant de consacrer à leurs patients l’attention qu’elles estiment nécessaire. »  et que pour 96 %, mieux se consacrer à leurs patients leur permettraient de leur prodiguer de meilleurs soins et donc un meilleur état de santé… Récemment les résultats d’une autre étude effectuée par le magazine médical The Lancet est venu en corrélation de ces affirmations, démontrant que « À chaque patient supplémentaire par infirmier correspond une hausse de 7% du risque de mort pour le patient. »  De quoi faire frémir…

Vouloir résoudre des problèmes humains par des technologies sophistiquées peut donc bien s’avérer être une piste valable, mais n’est-il pas grand temps de s’attaquer aux problèmes de fond plutôt que d’apporter des solutions qui ne peuvent être que des aides ponctuelles à des personnels et des patients déboussolés ? Quand à ce qui concerne l’exercice infirmier en libéral, il est probable que ces dispositifs connectés de recueil des constantes vitales des patients finissent par être utilisés au domicile, de manière à mieux suivre les évolutions des états cliniques des patients. Mais quelle responsabilité pèserait alors sur l’infirmière libérale qui recevrait, en temps réel et sur son smartphone, les constantes des patients dont elle a la charge ? Pensez-vous que ce soit possible, acceptable, et souhaitable ?

Et vous les IDELS que pensez-vous de ce type d’outil technologique ? Croyez-vous qu’il pourrait être précieux pour vos collègues infirmiers et infirmières hospitaliers ou un gadget inutile ? Le malaise hospitalier est une des plus « graves maladies » à traiter, est-ce notamment pour cette raison que vous avez fait le choix d’exercer votre profession en tant que libéral ?