Le 28 mai 2014, la FNI écrivait une lettre à la ministre de la Santé, Marisol Touraine afin d’alerter le gouvernement sur la situation préoccupante, tant au niveau des infirmiers libéraux qu’au niveau de la sécurité des patients, qu’avait créé l’interdiction d’effectuer des injections intraveineuses de fer. Cette mesure, mise en vigueur à compter du 31 janvier 2014 sur recommandation de l’ANSM, semblait pourtant suivre, relativement rapidement cette fois, les principes de précaution préconisés par la Commission européenne. Reste à savoir où se situe le problème, à sa source ou dans sa mise en œuvre ?

Les injections intraveineuses de fer sont-elles devenues potentiellement dangereuses ?

Revenons donc sur l’historique des faits. Sur incitation française, il a été décidé à l’échelon européen d’effectuer en décembre 2011 une vaste étude concernant les bénéfices/risques des spécialités à base de fer suite à, comme le cite l’ANSM,  « l’identification de cas de réactions allergiques graves et chez la femme enceinte, d’hypertonie utérine, entraînant un risque pour le fœtus avec des spécialités à base de fer IV. ».

Cette étude a démontré que si les risques existaient, le bénéfice de ces injections demeuraient notables et que, pour tenter de limiter au maximum les conséquences parfois fatales de chocs anaphylactiques graves ou bien encore d’anoxie, de détresse fœtale voire de mortalité du fœtus lors d’un traitement chez la femme enceinte, il devenait nécessaire d’en adapter les conditions.

Ainsi, en suivant l’avis du Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA (Agence européenne du médicament) et les recommandations nationales de l’ANSM, la loi du 31 janvier 2014 promulgua les nouvelles conditions d’administration de ce type de traitement afin, à toute première vue, d’en sécuriser la délivrance et les effets indésirables. Le CHMP préconise donc un encadrement du traitement ainsi :

  • sous une surveillance médicale attentive pendant et jusqu’à 30 minutes après chaque administration,
  • avec la disponibilité immédiate d’un personnel formé pour évaluer et prendre en charge les réactions anaphylactiques,
  • dans un environnement disposant des moyens nécessaires pour assurer une réanimation.

Donc ces médicaments seront classés « en réserve hospitalière, c’est à dire qu’ils ne seront plus disponibles en ambulatoire, en ville ou en rétrocession, ils ne seront dispensés qu’au sein des établissements de santé publics ou privés. », et  les infirmiers libéraux qui administraient ce type de traitement se sont vus interdire d’effectuer ces fameuses injections intraveineuses de fer.

Les conséquences de l’interdiction de ces injections intraveineuses de fer IV, la révolte du FNI

Cette décision entraîna un report de ces activités réservées jadis aux infirmiers libéraux vers les HAD. Ce qui bien évidemment entraîna une perte de revenus conséquente pour les libéraux pour des raisons que beaucoup ne comprennent pas et estiment injustifiées, au regard de leurs qualités de soins. Notons, comme le précise la lettre du FNI, que ces injections étaient avant février 2014 réalisées à 75 % en ville  « sans qu’à notre connaissance

[FNI], aucun signalement en ambulatoire n’ait été rapporté. ».

De plus, si les infirmiers libéraux étaient formés à ce type d’injections il semblerait bien que le personnel d’HAD, composé majoritairement d’aides-soignants, ne soit pas apte actuellement à effectuer seul ces traitements sans faire appel à des infirmiers libéraux venant en renfort. Ce qui bien évidemment pose deux problèmes majeurs : la question de la responsabilité du soignant et la question de la formation initiale.

De ce fait le FNI souhaite « la parution d’un texte précisant clairement les responsabilités juridiques des intervenants lors d’une injection intraveineuse à base de fer réalisée par un infirmier libéral dans le cadre d’une HAD », afin que l’infirmier libéral ne se situe plus dans un flou juridictionnel qui pourrait lui être préjudiciable en cas d’incident.

Ajoutons que transférer une compétence d’un personnel à un autre nécessite de créer des formations adaptées. Or il semblerait que cela ne soit pas encore le cas des aides-soignants ce qui peut faire s’interroger quant à la pertinence de ce nouveau parcours de soin, « les protocoles de prise en charge et de surveillance ainsi que les formations semblent faire défaut. ».

Bien évidemment se pose aussi la question de la pertinence du choix économique lorsque l’on procède au remplacement d’un soin ambulatoire pour un soin hospitalier, là où les politiques gouvernementales souhaitent intensifier les soins dits « de ville » afin d’économiser les deniers publics et d’épargner un séjour hospitalier à un patient qui ne le nécessite peut-être pas. Ainsi les demandes du FNI sont claires, et souhaite d’une part que « l’intérêt du patient prévale et qu’il soit replacé au centre du dispositif de ce soin. » et d’autre part de « diligenter une enquête afin d’établir une cartographie de la réalité des pratiques des HAD sur cette question » afin d’évaluer la pertinence réelle et concrète de ce choix qui ne semble pas être des plus judicieux.

Enfin, notons que le climat de coopération entre infirmières et HAD n’était déjà pas franchement au beau fixe, il est clair que cette interdiction tombant comme un couperet sur une profession libérale qui souffre au bénéfice d’une hospitalière, qui n’a absolument pas les mêmes potentiels économiques, est tout simplement vécue comme une concurrence déloyale et une dévalorisation des compétences de l’infirmier libéral. Le FNI souhaite donc que cette interdiction d’injections soit tout simplement levée.

Et vous les infirmiers libéraux, comment avez-vous vécu au quotidien cette interdiction ? Avez-vous vous aussi remarqué une difficulté pour les HAD d’exercer cette nouvelle compétence ? Les HAD ont-ils fait appel à vos services pour effectuer ces injections intraveineuses de fer ?