Les 4 et 5 juin dernier se tenait à Paris une manifestation devenue d’envergure internationale : Doctors 2.0 and you. Regroupant les professionnels de la santé, les institutionnels, les poids lourds pharmaceutiques et les start-up de l’e-médecine tout comme leurs patients connectés, ce colloque a permis de faire le point sur la médecine et ses avancées informatiques et électroniques pour le meilleur… ou pour le pire ? La technologie sera-t-elle une réponse à cet enjeu majeur que représente l’évolution croissante de la population âgée dépendante ?

Les personnes âgées et la médecine high tech

La santé connectée, la médecine et la dépendance aidées par des outils qui amélioreraient le quotidien des malades… On en a longtemps rêvé, les ingénieurs médicaux les ont créés ces fameux outils ! Et force est de constater que, dans un pays où selon l’INSEE la population âgée augmentera de 43% à l’horizon 2040, il est temps de s’intéresser à ce qui pourrait être une solution à un problème qui nous touchera tous au quotidien tant comme accompagnant que comme professionnel de santé. Un problème qui atteindra bien évidemment les infirmiers libéraux en première ligne, puisque ce sont les professionnels les plus proches de ce type de patients.

0ans
Moyenne d’âge de la patientèle d’une IDEL
0%
de personnes âgées dépendantes en plus d’ici à 2040
0%
des patients d’IDELs sont en perte d’autonomie
0%
des patients d’IDELs ont une connexion internet

 

Aujourd’hui, selon une enquête du CREDES datant de 2001, la moyenne d’âge de la clientèle des IDELs est de 79 ans, en majorité féminine et malheureusement présentant à 37% une « perte d’autonomie prononcée » et à 28% « sont presque, voire totalement dépendants », ce qui laisse entrevoir pour nos horizons futurs des besoins infirmiers de plus en plus importants et prépondérants. Avoir des aides informatiques et technologiques en réponse à ce surcroît de patients deviendrait donc une nécessité. Ainsi Maryse Guillaume, infirmière libérale et chargée du déploiement national de la e-santé à la FNI, affirme « Les infirmières libérales attendent beaucoup de la e-santé »  et votre fidèle logiciel de gestion infirmier vous le rend bien !

14% des plus de 70 ans disposent d’un accès internet à domicile

Si nos seniors actuels ne semblent pas prêts à un tel déploiement de technologies, selon le Credoc seulement 14% des plus de 70 ans disposent d’un accès internet à domicile, il semblerait bien que les enfants du Baby-boom, nos 50-65 ans, soient « favorables aux nouveaux réseaux de soin et à la télémédecine ». Cette ouverture à l’esprit high tech de nos « futurs anciens » pourrait donc bien voir apparaître de nouveaux outils médicaux de pointe. Si certains de ceux-ci semblent encore des gadgets, d’autres se révèlent à l’expérience très utiles, à l’exemple de l’initiative du GCS Cardiauvergne.

Cette structure s’adresse aux malades cardiaques, un des fléaux de notre siècle, en proposant un service de télésurveillance coordonnée. Selon le Professeur Jean Cassagnes, responsable de la structure : « Quantitativement, nous avons réduit de moitié environ la mortalité et de près de deux tiers le taux de réhospitalisation sur les 558 premiers patients inclus et suivis en moyenne un an. ». Une belle réussite et un bel exemple de technologie au service du professionnel médical comme du patient.

Néanmoins toutes les nouvelles techniques informatisées ne sont pas toujours aussi efficaces et restent actuellement coûteuses et pas forcément utilisées à bon escient, en particulier pour des personnes âgées dont les revenus et les capacités sont affaiblis…

Les limites du quantified-self, de l’auto-mesure et de la technologie médicale sur les seniors de demain

Si les bénéfices médicaux de l’auto-mesure sont appréciables à de multiples niveaux, il semblerait judicieux toutefois que cette démarche soit contrôlée médicalement afin qu’elle n’en devienne pas de l’automédication. Actuellement ces démarches d’auto-mesure se sont complexifiées en particulier par la faute du développement massif des outils sous forme d’applications multiples ayant vu le jour grâce à la technologie cellulaire des smartphones. Ainsi le Professeur Cassagnes affirme que « cela peut indéniablement être un plus pour le suivi des patients, à condition qu’ils soient suivis par un médecin et puissent partager ces données avec lui. En effet, ces outils semblent pour l’instant être majoritairement utilisés par des personnes en bonne santé, il ne faudrait pas que cela génère plus d’angoisse que de prévention… ». Ces appareils ne doivent donc pas entretenir une sensation de maladie créant l’anxiété de son apparition ou nourrissant l’hypocondriaque en mal de pathologies visibles…

De plus, le Docteur Jacques Lucas, vice-président du CNOM (Conseil national de l’Ordre des médecins), lors du colloque Doctors 2.0 and you, rappelle notamment que ce développement de technologies de toutes sortes et de toutes importances (de l’outil de pointe hospitalier à l’application basique pour smartphone) a un réel intérêt médical et que l’on peut « regarder l’avenir avec enthousiasme, mais en sachant se prémunir d’un certain nombre de risques ». En effet le volume des applications mobiles a été multiplié par 5 entre 2012 et 2013, on en compte à peu près 100 000 actuellement ! Mais sommes-nous réellement tous en mesure de savoir les utiliser correctement, sont-elles toutes bonnes pour notre santé, ne génèrent-elles pas plus d’angoisse de la maladie que la maladie elle-même ? Et que deviendront nos seniors habitués à ce type  d’« hypermédicalisation » lorsqu’ils ne seront plus en âge de les gérer ?

Ainsi face à cet engouement des Français envers le contrôle minutieux de leur santé, il conviendra de créer un cadre sécurisant d’évaluation de tous ces nouveaux paramètres informatiques médicaux, afin qu’ils soient réellement profitables et que les données, un peu trop partagées via les réseaux sociaux actuellement, ne deviennent pas des sources inépuisables de renseignements faciles pour les opportuns de toutes sortes ou créatrices de « fausses pathologies » alimentées par une surinformation préjudiciable au patient comme aux professionnels de santé.

 

Et vous, les infirmiers libéraux que pensez-vous de tous ces progrès technologiques ? Pensez-vous qu’ils soient bénéfiques à votre métier ou qu’ils deviennent des outils trop encombrants ? Comment imaginez-vous l’exercice de votre profession dans les années à venir, est-ce que cet afflux démographique de « nouveaux dépendants » vous inquiète ?