L’Adhap, société de services à domicile dont la clientèle représente en majorité des personnes âgées, fait vivre à ses personnels une expérience inédite depuis quelques mois : passer de son âge réel à 80 ans par l’intermédiaire d’une curieuse combinaison. Comprendre, aider et travailler pour les personnes âgées est une chose, vivre dans sa chair les symptômes du vieillissement en est une autre. Une immersion étonnante en des terres pas tout à fait inconnues !

Les symptômes du vieillissement : la perte d’autonomie, l’audition et la vue

La révolution de l’âge n’est pas seulement qu’une remise en cause des systèmes juridictionnels, politiques ou institutionnels mais aussi une réalité démographique : aujourd’hui les personnes âgées de plus de 85 ans sont 1,4 million, en 2060 elles seront 5 millions. L’adaptation de la société au vieillissement représente donc un enjeu majeur pour les années à venir. Même si les personnels encadrants tels que les auxiliaires de vie ou les infirmiers libéraux sont bienveillants et professionnels à leur égard, il n’en est pas moins que comprendre les inaptitudes physiques de nos aînés n’est pas toujours une évidence lorsque l’on est soi-même en pleine possession de ses moyens.

Rappelons ainsi que, si nous ne sommes pas tous égaux face à la vieillesse de notre corps, les écarts des capacités internes et physiques entre les différentes classes d’âge sont importants :

  • La masse musculaire diminue ostensiblement, ce qui provoque faiblesses et baisses de tonicité. Un homme de 70 kg a 28 kg de muscle à 20 ans, il en a 24 kg à 70 ans.
  • Les personnes de plus de 80 ans perdent 60 % de leurs capacités respiratoires.
  • La baisse de l’acuité visuelle est prépondérante : 90 % des sujets de 20 ans ont 10/10 à chaque œil alors qu’à partir de 50-60 ans ils ne sont plus que 45 %. Sans compter les difficultés de visions nocturnes, ainsi une personne de 80 ans met trois fois plus de temps à s’habituer à l’obscurité qu’une personne de 20 ans.
  • Le système auditif souffre d’une baisse de la sensibilité face à la hauteur et la fréquence des sons : le bruissement de feuilles dans les arbres (6 kHz) est entendu par un sujet de 30 ans si il est émis à 4 décibels et par un sujet de 65 ans si il est émis à 40 décibels.

Bien évidemment tous les personnels encadrant les seniors en perte d’autonomie ont bien conscience de ce type de problèmes de par leurs formations ainsi que de par leur travail au quotidien. Il s’agit surtout de pouvoir faire vivre à ces personnels l’expérience de ce vieillissement afin de mieux s’adapter aux exigences et aux besoins, parfois difficiles à cerner, de leurs patients âgés.

Ainsi l’Adhap eut l’idée en 2013 de lancer une opération de formation par l’intermédiaire d’une combinaison de vieillissement et des exercices du quotidien afin de rapprocher les générations et les soignants des problèmes physiques de leurs patients.

Et si ce type de simulation s’avérait concluante, pourquoi ne pas la proposer à tous les personnels en charge de personnes âgées, dont vous les infirmiers libéraux ?

Une expérience inédite : vieillir de 40 ans en cinq minutes par la combinaison de vieillissement

« On a lancé ces formations à l’automne dernier

[2013, ndlr] après l’acquisition de la combinaison, explique Béatrice Stourbe, directrice générale des centres Adhap. […] C’est une manière pour nous de les [les assistantes, ndlr] sensibiliser encore davantage à ce que peuvent ressentir les personnes âgées. ».

Force est de constater que l’opération est complète : casque altérant l’audition, lunettes diminuant la vision, corset pour limiter la rotation du bassin, poids pour rendre la marche douloureuse, gants pour altérer le toucher. En quelques instants, l’assistante de vie « cobaye volontaire » passe de 38 à 80 ans et tout se complique. Impossible d’effectuer des gestes simples comme d’ouvrir une bouteille d’eau, s’asseoir et se relever : « Ce n’est pas facile du tout, du tout, du tout, confie la trentenaire. La marche est plus compliquée, la raideur est désagréable et en plus, on ne voit pas grand-chose… ». La seconde expérience est menée avec une autre collègue. Et s’achèvera sur un même constat « C’est épouvantable ! ».

Au final les exercices terminés avec cette fameuse combinaison, les assistantes sont unanimes :

« […] On comprend finalement pourquoi elles [les personnes âgées] sont parfois acariâtres. J’ai l’impression d’être isolée, d’avoir une oppression thoracique. Et encore, on n’a pas les douleurs qu’elles peuvent ressentir… ».

L’objectif de la simulation est atteint tant la conclusion semble évidente : « Même si on fait déjà beaucoup d’efforts, on sera encore plus attentifs dans notre façon de faire », conclut une des assistantes. Un moyen nouveau et original pour réaliser un rapprochement intergénérationnel unique et une nouvelle façon de travailler, toujours avec autant de bienveillance mais avec encore un peu plus de compréhension…

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, êtes-vous intéressés par ce type d’expérience ? Pensez-vous que cette simulation pourrait vous permettre de mieux appréhender les difficultés quotidiennes de vos patients ou, au contraire, cela vous semble-t-il inutile ?