Quelques années après l’agression d’une des leurs puis la lettre ouverte au député-maire d’alors annonçant leur boycott, les infirmiers libéraux de Maubeuge intervenant dans certains quartiers sensibles tentent de trouver des solutions afin de rétablir la tranquillité d’exercer et l’équité du service médical à domicile. L’insécurité dans le domaine des infirmiers libéraux est d’autant plus d’actualité depuis ce bien triste été 2014 où nous avons eu à déplorer des victimes chez les IDELs. Qu’en-est-il des solutions évoquées, concrètement quels systèmes sembleraient-ils être les plus efficaces sur le terrain ?

L’insécurité quotidienne dans le travail des infirmiers libéraux

Nous en avions parlé cet été dans notre blog, suite à la tragique disparition d’une des vôtres dans l’exercice de son travail d’infirmière libérale, à Strasbourg. Si l’émotion reste et que votre détermination à faire entendre votre colère et votre indignation face à des faits aussi tragiques qui nous ont profondément touchés, il n’en reste pas moins que le sujet demeure présent mais pas encore suffisamment évoqué par les pouvoirs publics. En effet, la profession d’infirmière libérale étant particulièrement féminine, se déroulant sur des plages horaires infinies et devant garantir une continuité de services quel que soit le lieu de l’intervention, rend la profession d’IDEL particulièrement vulnérable aux agressions de toutes sortes : de la plus minime bien que très désagréable incivilité ou insulte, à la plus grave, l’agression physique sur l’infirmier libéral ou sur ses biens.

Ainsi, si votre profession reste une passion pour beaucoup d’entre vous et que vous considériez votre mission qui se doit d’être au service de tous, le sentiment d’insécurité règne bien plus qu’ailleurs dans vos esprits. En effet, selon une étude de 2013 effectuée par l’ONI, vous étiez 81 % à vous sentir préoccupés par la violence au travail.

Cette étude montre effectivement que les principales violences subies par les infirmiers libéraux comme salariés sont verbales, des intimidations et menaces, des violences physiques et des harcèlements moraux. Tous ces actes sont produits dans une écrasante majorité au domicile du patient. Lorsque l’on sait que cette étude n’a pas été spécifiquement effectuée dans les quartiers dits sensibles, on peut très facilement imaginer que ces chiffres sont alors nettement plus importants dans certains lieux qu’ailleurs… Les infirmiers et infirmières de Maubeuge suite à l’agression d’une des leurs le 27 novembre 2012 dans un quartier dit sensible avait alors adressé une lettre ouverte au député-maire de l’époque, Rémi Pauvros, sous forme d’alarme. « Depuis, les infirmières ont décidé de boycotter le quartier ainsi que plusieurs autres secteurs sensibles de Maubeuge pour protester contre l’insécurité qu’y ressentent ces professionnels libéraux, même si un service minimal est assuré auprès des patients les plus gravement atteints ».

Justine, une IDEL de Maubeuge concernée par ce grave problème de violence, interrogée par nos confrères de BFM TV, leur confiait : « Je me fais discrète, voire transparente, il faut éviter absolument les mallettes, on enlève les caducées des voitures », témoigne-t-elle. « Même si j’ai un soin de trois minutes chez les clients, je vais me retrouver avec des clous dans les pneus, c’est vraiment monnaie courante de se faire voler ses affaires. J’ai même eu un collègue qui s’est fait braquer deux fois son véhicule avec une arme ». Avec cette obligation parfois d’annuler des rendez-vous par peur ou angoisse de l’agression… Des réactions qui bien évidemment se comprennent facilement mais qui, à l’heure de la décentralisation des soins de l’hôpital vers la ville, aggravent le problème de l’égalité des patients face à la continuité des soins.

Un protocole d’accord : Santé-Sécurité-Justice-Ordres

Ainsi à Maubeuge, il était temps d’instaurer un autre climat pour que professionnels de santé comme patients puissent retrouver le calme et la sérénité. « Rien n’a été fait, à notre grand désarroi, jusqu’à ce qu’Arnaud Decagny, le nouveau maire, nous écoute et mette en place un système pour que nous puissions continuer à intervenir » déclare une IDEL au journal La voix du Nord, tout en affirmant qu’elle n’osait plus aller dans ces quartiers dit sensibles mais que désormais elle pensait retourner y travailler. Mais quelle est donc la solution trouvée à Maubeuge pour sécuriser ces professionnels médicaux ?

Elle est en réalité très simple et auraient pu être mise en place dès la signature du protocole gouvernemental Santé-Sécurité-Justice-Ordre. En effet ce protocole établit le 10 juin 2010 , entre les divers partenaires de santé et les partenaires gouvernementaux, se veut permettre, selon l’ONI « aux professionnels de santé et à leurs représentants de décliner de façon concertée et adaptée aux spécificités locales, en partenariat et en synergie avec l’ensemble des acteurs institutionnels , toutes les mesures propres à assurer une meilleure prévention et un meilleur suivi des violences faites aux soignants qui ne doivent pas rester impunies ».

Donc concrètement, ce protocole a été appliqué à Maubeuge de la façon suivante : le classement de la ville en zone de sécurité prioritaire, un dispositif qui prévoit, entre autres, un renforcement de la présence policière dans certains faubourgs et ainsi sécurise le travail des infirmiers comme de tous les professionnels de santé en instaurant une présence des forces de l’Ordre plus développée, plus visible et centrée sur les secteurs les plus à risques. A priori le système fonctionnerait plutôt bien, toutefois la municipalité attend le rapport de ces démarches avant d’en faire le bilan. Pourtant à s’en référer à notre fameuse étude de l’ONI de 2013 les IDELs interrogés n’étaient pas forcément pour ce type de présence sécuritaire et y auraient préféré une meilleur formation à la gestion du risque professionnel ou bien encore une adaptation des locaux. Alors n’y aurait-il que la répression face à l’insécurité qui ne puisse être efficace ? L’avenir nous le dira …

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, croyez-vous qu’il faille généraliser cette présence policière d’un point de vue national ? Avez-vous développé par vous-mêmes des solutions ou des astuces pour vous sécuriser lorsque vous vous déplacez à des horaires ou des lieux risqués ?