Une étude récente menée par le CRIP (Cercle de Réflexion de l’Industrie Pharmaceutique) et l’IMS Health France concernant l’observance des traitements médicamenteux sur six grandes pathologies, malheureusement très répandues, a rendu des résultats édifiants. Selon cette étude, seuls 13 à 52 % des patients suivent correctement le traitement qui leur a été prescrit, d’autant plus que les pathologies chroniques étudiées sur ces patients ont de lourdes conséquences sur leur santé mais aussi provoquent un lourd gaspillage d’argent public. Que faire pour stopper l’hémorragie et quel rôle ont les professionnels de santé dans cette mission ô combien importante ?

Le respect des traitements médicamenteux : un enjeu médical comme d’argent public

Les six pathologies examinées lors de ce bilan sont : l’hypertension artérielle (HTA), l’ostéoporose, le diabète de type 2, l’insuffisance cardiaque, l’asthme (traitement de fond) et l’hypercholestérolémie. Des maladies aujourd’hui de plus en plus fréquentes et aux conséquences de plus en plus graves sur l’individu.

Taux d’observance optimale du patient selon le type de maladie

0%
Hypertension
0%
Ostéoporose
0%
Diabète T2
0%
Insuf cardiaque
0%
Asthme
0%
Cholestérol

 

Ces résultats ont été menés grâce à un suivi de plus de 170.000 patients en France dans 6.400 pharmacies en utilisant le ratio MPR mesurant le nombre de patients se présentant à la fin effective de la durée de leur traitement pour un renouvellement.

Selon les pathologies les résultats sont plutôt disparates mais il est assez simple de comprendre les principes de fonctionnement des non observances dans ces cas. Dans le cas de l’asthme par exemple, nous parlons du suivi du traitement de fond, or bien souvent les patients n’utilisent ce traitement que lorsque les crises sont plus fréquentes ou que les raisons (allergiques par exemple) deviennent gênantes. Même principe pour les maladies les plus insidieuses telles que l’hypertension, le diabète ou l’hypercholestérolémie. Sans compter les multiples autres causes extérieures telles qu’un certain déni de la maladie, un manque d’implication du patient dans son traitement, de réels oublis chez les personnes âgées…

Pourtant nous savons bien que ces pathologies fréquentes sont la cause de maux beaucoup plus dangereux voire mortels, ainsi pour compléter cette étude, sont inclus pour chaque pathologie son aggravation directe (par exemple le diabète 2 avec pour conséquence un infarctus du myocarde) afin d’une part de mettre en relief la dangerosité d’un traitement non suivi et d’autre part d’évaluer les coûts de tels comportements « irresponsables » pour notre budget de santé publique.

9,3 milliards d’euros par an: le coût pour la CPAM de la mauvaise observance par les patients

Il en résulte que ces mauvaises observances de traitements cumulées auraient un coût de 9,3 milliards d’euros annuels sur le système de santé français et que, selon l’OMS, pour les mêmes raisons de non observance les journées d’hospitalisation induites sont estimées à 1 000 000 et les décès à 8 000 … De quoi faire réfléchir…

Le rôle des professionnels de santé, dont les IDELs, dans le suivi du soin médical

Ce constat effectué des évidences s’impose et trouver les moyens humains, financiers voire technologiques pour changer cette donne semblerait devenir une priorité. Beaucoup de pistes ont été évoquées, certaines évidentes d’autres plus allégoriques, pour tenter d’endiguer ce Mal du mal qui ronge nos corps et nos ministères de la Santé.

Tout d’abord le système punitif, comme nous l’avions évoqué pour l’apnée du sommeil, en instaurant un système de télésurveillance sur les fameuses PPC prescrites aux malades et en déremboursant petit à petit les « mauvais élèves » qui ne l’utiliseraient pas assez… Un système jugé arbitraire par beaucoup de patients tant et si bien que le Conseil d’État a tranché le 13 février dernier en suspendant l’arrêté ministériel pris le 22 octobre 2013.

Puis une étude faite Outre-manche par Observia, une société de conseil et d’ingénierie de programmes d’observance, démontra que d’autres solutions étaient envisageables pour répondre à ce problème. En Grande Bretagne, on constate par exemple que « 64 % seulement des malades du sida sous trithérapie restent observants ou bien encore que deux ans après la greffe d’un rein qui a transformé leur vie, près d’un tiers des transplantés suivent correctement leur traitement antirejet ».

Ainsi donc fut testée une solution inédite : inciter financièrement les malades à prendre leur traitement « Les incitations citées dans ce travail varient de 5 dollars pour un patient atteint de tuberculose à 1 000 dollars pour un individu suivant un programme de désintoxication à la cocaïne ». Malgré tout, cela améliorerait l’observance des traitements pharmaceutiques de seulement 20 %, ce qui n’est pas spectaculaire et surtout, une fois le financement supprimé, les résultats seraient en chute libre.

Enfin, on teste actuellement au service de cardiologie de l’hôpital de la Timone à Marseille, une solution moderne et peu couteuse, l’envoi de SMS aux patients pour leur rappeler la prise de leur traitement. Pourquoi pas ?

Quant à la fameuse étude de l’IMS, elle prévoit 6 grands leviers pour changer cet état de fait :

  • une meilleure information au patient sur l’utilité et l’efficacité des traitements,
  • une meilleure formation des professionnels de santé concernant la communication sur l’importance du traitement,
  • la création d’outils simples d’usage pédagogique que ce soient pour les consultations en cabinet ou pour la consultation à distance (sites internet, mails, SMS…),
  • inciter tous les professionnels de santé, de façon financière par exemple, à promouvoir de façon plus importante et régulière le bon suivi d’un traitement,
  • apprendre à mobiliser les associations et l’entourage des malades, pour que la pathologie ne soit plus isolée mais bien l’affaire de tous,
  • déclarer l’observance « Grande cause nationale » afin de bénéficier d’une meilleure couverture médiatique et institutionnelle.

Ainsi donc la meilleure des solutions viendrait, en priorité, du personnel médical. Que ce soit dans le rôle pédagogique du prescripteur du traitement donné ou dans le suivi du patient au long court, ce qui revient aux personnels médicaux de ville tels que le médecin traitant ou encore vous, les infirmiers libéraux, les plus proches de ce type de malades !

Mais nul ne doute que sans la totale implication du patient à vos côtés, point de résultat… Ainsi donc ce problème de non observance des traitements des maladies pathologiques est bien l’affaire de tous !

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, êtes-vous surpris par les résultats consternants de cette nouvelle étude ? Souhaiteriez-vous que l’Observance devienne « grande cause nationale » afin de vous aider à médiatiser une des priorités de votre travail quotidien ? De quelles façons agissez-vous, en tant qu’IDELs, pour que vos patients atteints de maladies pathologiques suivent correctement leurs traitements médicaux ?