Les récentes dispositions prises à l’échelle nationale afin de remédier aux « déserts médicaux » ont porté leurs fruits. Toutefois il reste encore des régions où l’installation de trop nombreux infirmiers libéraux reste problématique, en particulier dans des zones où ils sont déjà en surnombre et malheureusement pas encore reconnues en tant que « zones sur-dotées ». A l’horizon 2030, d’après une projection effectuée par la DREES 2011, le problème de la répartition régionale des infirmiers libéraux ne s’arrangera guère si l’on n’y trouve pas rapidement une solution…

La colère des IDELs du Lot : sont-ils vraiment trop nombreux ?

Lors de la dernière assemblée générale des infirmiers libéraux du Lot en février 2015, un vent de révolte souffla sur l’assemblée. Pourquoi autorise-t-on encore des infirmiers libéraux à s’installer alors qu’ils sont déjà trop nombreux ? Telle est la question récurrente de ces IDELs qui se sentent piétinés par les nouveaux arrivants en masse.

En effet les installations de cabinet d’infirmiers libéraux sont déterminées par la CPAM qui en autorise l’ouverture en fonction de l’offre de soins déjà sur place, répartie par zones. Or, le problème du Lot est qu’aucun territoire du département n’est considéré comme « zone sur-dotée », de ce fait il n’y donc aucun blocage de l’ARS à l’installation de nouveaux IDELs. Ainsi on compte dans le Lot, selon les statistiques de la DREES, une totalité de 380 infirmiers libéraux ou mixte au 1 er janvier 2014, en 2013 ils étaient 367 … Des augmentations pas forcément significatives en tant que telles, sauf si l’on compare ces chiffres à la densité de population qui, elle, n’a pas suivi cette augmentation.

Ainsi, il suffit de se rendre sur le site de l’ARS pour se rendre compte qu’effectivement le ratio nombre d’infirmiers libéraux/patients bénéficiaires de soins infirmiers est bien trop élevé dans beaucoup de cantons du Lot et à l’inverse beaucoup trop bas dans d’autres. Toutes ces inégalités géographiques créent beaucoup de tensions entre collègues. Surtout qu’à priori certains n’hésiteraient pas, pour mettre à mal la concurrence, à braver les interdits de la profession…

Alain Bargues, président de la section du Lot du SNIIL, a donc ouvert l’assemblée avec ces mots, repris dans le journal La Dépêche : « Les ouvertures en série de cabinets d’infirmiers, des rapports difficiles entre les professionnels de la santé et sur quelques anomalies déontologiques comme l’attitude de certains nouveaux arrivés dans la profession qui enfreignent certaines règles publicitaires en distribuant leurs cartes de visite ou à les laisser chez des commerçants. Ce n’est pas légal. Cela est seulement autorisé au domicile d’un patient soigné par l’infirmier. Pas autrement ».

Les inégalités régionales de la répartition des infirmiers libéraux

En avril 2009 pour répondre aux besoins grandissants de la population française vieillissante et au manque cruel de soins médicaux pour certaines zones territoriales, appelées tristement « déserts médicaux », les quatre grands syndicats d’infirmiers signèrent avec L’Assurance Maladie, les « contrats santé solidarité ». Le principe en est très simple : favoriser l’installation des infirmiers libéraux dans les zones très sous-doutées.

Ces « contrats santé solidarité » devenus depuis « contrats incitatifs infirmiers » prévoient ainsi une aide à l’équipement de 3 000 euros par an pendant 3 ans et une prise en charge des cotisations d’allocations familiales (en moyenne, 2 760 euros par an). Une aide fortement appréciable et appréciée. Dès son lancement, Frédéric Van Roekeghem, directeur de l’Assurance Maladie, a présenté les résultats enregistrés entre avril 2009 et janvier 2010 lors d’une conférence de presse en octobre 2010 : « dans les zones sous-dotées, les effectifs des infirmiers libéraux ont augmenté de 10,6 % alors qu’ils ont diminué de 3 % dans les zones sur-dotées ».

De plus, ajoutons qu’il fut instauré le 18 avril 2009, l’obligation pour les installations de cabinet d’IDELs en zones sur-dotées d’attendre « la cessation définitive d’activité d’un infirmier libéral conventionné dans cette zone » ou d’avoir «

[…] un projet professionnel dans cette zone (reprise d’un cabinet, intégration dans un cabinet de groupe) dans un objectif d’assurer une continuité dans la prise en charge de l’activité assurée par l’infirmier cessant son activité et d’intégration avec les autres professionnels de la zone considérée ».

Toutefois ces dispositions n’ont pour autant pas forcément résolu le problème de base : on note dans certaines régions plus d’infirmiers libéraux que de patients en besoins de soins infirmiers. Ainsi, malgré le zonage effectué par l’Assurance Maladie selon les 5 grands types de zones et les dispositions prises pour les zones très sous-doutées comme pour les zones sur-dotées, l’Assurance Maladie note que « dans les communes « sous-dotées », « intermédiaires » ou « très dotées » en infirmiers libéraux, aucune mesure spécifique n’est prévue ».

Le Lot, à en voir les cartes précises de l’évolution du nombre d’infirmiers en fonction du nombre d’habitants, ferait donc parti de ces zones intermédiaires qui pourtant nécessiteraient d’une régulation des créations de cabinets infirmiers afin de réduire la concurrence entre confrères. Ainsi certains infirmiers libéraux se voient alors en perte de vitesse là où ils avaient pourtant une clientèle établie.

« Depuis 2010 il n’y a aucune zone reconnue sur-dotée officiellement. Chacun a le droit de s’installer quand il veut et où il le souhaite. La prochaine réévaluation de zone médicale est programmée en 2017. C’est tard ! »  Alain Bargues.

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, rencontrez-vous ce problème de concurrence au quotidien ? Que pensez-vous des différents zonages effectués ? Pensez-vous qu’il soit nécessaire de les revoir ?