Vous êtes pourtant nombreuses et nombreux à sillonner les routes de France pour soigner nos personnes âgées. Nous vous croisons souvent mais nous ne vous connaissons pas beaucoup. Votre rôle est pourtant essentiel. Votre sourire, votre présence leur donne envie de continuer à vivre… Malgré tout. Un documentaire touchant a été diffusé par France 2 sur ce sujet. Un sujet trop rarement évoqué par les médias. La vieillesse fait-elle encore peur ?

Le rôle indispensable de l’infirmier libéral : un peu de bonheur dans la solitude

En tant qu’infirmier libéral la majorité de vos patients sont des personnes âgées. Des personnes fragiles, parfois malades, parfois dépendantes, parfois très seules aussi…

Lorsque l’on s’attache au rôle de l’infirmier libéral au domicile de la personne dépendante, bien souvent on retient le rôle médical : la toilette, les perfusions, les soins infirmiers. Mais que retient la population française en général mis à part ce rôle médical ? A-t-elle vraiment conscience de l’impact relationnel qui se joue entre une patiente de 85 ans qui attend derrière sa fenêtre SON infirmier, parfois sa seule visite d’une longue journée ? Pas si sûr et pourtant…

L’ONI présentait sa position dans un communiqué de 2011 ainsi : « L’infirmière ne se contente pas de gérer le curatif, elle maintient et valorise l’existant et travaille en prévention. Son rôle à domicile est incontournable ». Bien plus que la gestion d’une maladie, elle aide la personne âgée dans son quotidien, lui tient la main quand elle a peur, lui tend un sourire là où elle n’a que des murs pour lui tenir la conversation.

Pourtant ce rôle-là n’est pas pris en compte par les pouvoirs publics, parce qu’il n’est pas quantifiable ou parce qu’il ne doit pas l’être ?

Comme l’indique votre logiciel de gestion infirmier, il n’est payé à l’infirmier libéral qu’un temps complètement irréaliste d’une trentaine de minutes deux fois par jour pour les soins infirmiers d’une personne âgée. Le matin pour des soins de toilette et le soir pour la préparation au coucher. De plus durant ce laps de temps, l’IDEL est aussi censé accomplir les actes de la vie quotidienne tels que la pose de bas à varices, la préparation du pilulier… Et le temps de parole, de communication dans tout cela ?

Donner de l’attention, du soin, un peu de bonheur ne compte-t-il pas assez pour être reconnu comme tel ? Donner un rayon de soleil à son patient est-il encore une mission divine de la fonction passée de l’infirmière religieuse du début du siècle ? On peut se demander alors si le relationnel qui pousse chaque infirmier libéral à aimer ce métier plus que tout, n’est pas considéré comme un bénévolat nécessaire… Triste société.

Heureusement la motivation et la passion sans borne des infirmiers libéraux pour leurs patients âgés sont parfois mises sous les projecteurs. Le témoignage d’une de vos consœurs Françoise, sur France 2 et en salle à partir du 4 mars, dans un documentaire nommé La vie des gens est bouleversant d’authenticité et d’affection pour ses « petits vieux ». Enfin la lumière est mise sur votre beau métier !

Pourquoi la profession d’IDEL et son implication vis-à-vis des personnes âgées est-elle rarement évoquée par les médias ?

Pourtant la dépendance, considérée comme le « fardeau » ou le « problème » de ces prochaines années est au cœur des débats politiques tel le projet de loi établi sur le rapport remis le 8 octobre 2013 aux mains de Michèle Delaunay et de Marisol Touraine. On voudrait améliorer la fin de vie et la prise en charge des personnes âgées, leur donner une meilleure qualité de vie. Un beau projet, une évolution nécessaire de notre société qui doit à tout prix sortir du système de l’hospitalisation systématique.

Mais ne faudrait-il commencer par arrêter de considérer la vieillesse comme un fléau, une maladie incurable qui va venir dévorer notre société atteinte de jeunisme aigu ? Une société qui n’ose plus regarder ses papys et mamies en face, qui ne sait même plus les nommer d’ailleurs : ils sont au fil des modes et des années soit des « personnes âgées », des « seniors », des « aînés » ou des « anciens ». Comme si la société avait peur de les nommer en mélangeant, à tort, vieillesse et mort.

La vieillesse n’est pas une maladie ! Comme le fait remarquer si justement l’enquête sur les directives anticipées (Libération du 11 octobre 2011), « la majorité des personnes très âgées montre une envie forte : celle de vivre ». En effet rares sont les personnes âgées à avoir prévues ses directives et beaucoup souhaitent, malgré leur retenue fréquente, continuer à profiter de leur vie dans les meilleures conditions possibles…

Il n’en reste pas moins que trop souvent la société exclut toute une classe d’âge jugée inapte… jusqu’à la vie citoyenne, un droit fondamental ! Ainsi Le Monde diplomatique  relate les propos de l’essayiste Yves Michaud, directeur de l’Université de tous les savoirs, estimant qu’il faut « se poser la question d’une fin de la vie citoyenne. Je pense que tôt ou tard il faudra envisager qu’il y ait un âge de la retraite du citoyen. Je verrais bien des gens votant par exemple entre 16 et 80 ans. Et puis, à 80 ans, on arrête… ». Des propos tenus par d’autres qui laissent sans voix quant à la place accordée à nos anciens dans notre société. Une société trop engagée dans une course effrénée au productivisme et à l’efficacité ?

Ainsi, les infirmiers libéraux tenant la main de ses personnes âgées font leur travail du petit matin jusqu’au soir bien souvent dans la même indifférence que celle qui entoure leurs patients, trop vieux pour intéresser certains médias. La reconnaissance des liens unissant l’IDEL à son patient auraient  pourtant beaucoup à nous apprendre sur la façon de prendre soin, d’écouter et d’aider son prochain, quel que soit son âge, qu’elles que soient ses différences…

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, trouvez-vous que votre métier manque de reconnaissance dans la société ? Souhaiteriez-vous que votre rôle soit plus médiatique ? Que pensez-vous de la place laissée aux personnes âgées dans la société actuelle ?