La récente querelle entre un chirurgien et son infirmière dans un bloc lui aspergeant une seringue de sang au visage, rappelle à quel point les relations entre professionnels de santé sont parfois très complexes. En tant qu’infirmiers libéraux, vous êtes bien souvent obligés de travailler en union avec des médecins généralistes. Et, à en croire les multiples témoignages sur Internet ces relations sont bien souvent tumultueuses… Pourtant lorsque les rôles sont clairement définis et la coordination aidée efficacement par un réseau valable, le duo médecin-IDEL fonctionne à merveille !

Une communication difficile entre les professionnels de santé de proximité faute de moyens de coordination efficaces

La loi HPST de 2009 a voulu réorganiser les réseaux de santé de proximité afin de les rendre prioritaires. Ces réseaux s’appuient notamment sur le rôle principal du médecin généraliste, concentrant les soins, le dossier médical et les diverses pathologies du patient. Au médecin généraliste d’organiser le parcours de soins en communiquant aux professionnels concernés, dont l’infirmier libéral, les informations nécessaires à la bonne prise en charge du patient.

« La loi place le médecin généraliste de premier recours au centre de la coordination des soins, en lui confiant la responsabilité « d’orienter ses patients, selon leurs besoins » et de « s’assurer de la coordination des soins nécessaire à ses patients » (article L.4130-1 du code de la santé publique) ».

Sauf que la réalité des prises en charge, en particulier lorsqu’elles sont complexes, est tout autre. Et là s’installe un brouhaha d’informations en tout genre, de médecins généralistes au mieux débordés, au pire indifférents, aux soucis rencontrés sur le terrain par l’infirmier libéral seul face à sa prescription.  Au résultat, des témoignages variés d’infirmiers libéraux tels que « Les IDELs doivent faire le boulot de coordination dont les médecins ont la charge ». Doit-on pour autant blâmer les médecins généralistes ? Il semblerait que cela soit un peu trop simpliste…

Beaucoup de rapports font état de ce problème de coordination et de la multiplicité des acteurs et des réseaux de santé. Les deux derniers y faisant référence étant celui de l’IGAS publié le 4 février 2015 et celui, plus ancien, publié par le ministère de la Santé lui-même Améliorer la coordination des soins : comment faire évoluer les réseaux de santé ? À trois ans d’intervalles les mêmes conclusions s’imposent : la multiplicité des structures de ville est intéressante mais perd de son efficacité par un manque cruel de communication et d’interaction entre les différents acteurs. Sans compter que cette multiplicité perd son intérêt principal : la maîtrise des dépenses de santé.

« L’objectif des coordinations était de rationaliser la dépense publique, de la réguler ou de la planifier : c’est ici le point de vue des pouvoirs publics en réponse aux excès, aux redondances et aux gaspillages que certains attribuent à l’obsolescence des principes de la médecine libérale d’autres à la faiblesse des capacités d’anticipation ou d’adaptation de la planification. Il n’est pas sûr, toutefois, que la mise en place des coordinations puisse remplir l’objectif d’économies attendues ».

Forcément ces problèmes poussent parfois à l’incompréhension des uns face à l’impuissance des autres, espérons toutefois que ces désaccords n’aient jamais mis l’un d’entre vous face à des actes aussi violents que cette dispute en bloc opératoire…

Certaines expériences réussies telles Asalée montrent le chemin d’une bonne relation médecin-IDEL

La fameuse expérience Asalée. Connue de tous par ce doux nom de fleur, elle démontre surtout que si le gouvernement souhaite réellement rendre efficientes les politiques de santé de proximité, il doit leur en donner les moyens. Mais qu’est-ce que le programme Asalée ?

Le programme Asalée a été mis en place dans le département des Deux-Sèvres afin de répondre aux besoins évidents de travail coopératif entre médecins généralistes et IDELs. En 2004 le dispositif comptait 3 cabinets, 12 MG et 3 IDSP, en 2007 il disposait de 20 cabinets, 40 MG et 7 IDSP étendus sur quatre régions Poitou-Charentes, Rhône-Alpes, Lorraine et Bourgogne. C’est dire le succès de l’expérimentation !

L’objectif de ce dispositif est simple : les médecins généralistes délèguent aux infirmières, formées depuis toujours à l’éducation thérapeutique, les consultations bilans. Ce qui permet une amélioration de la qualité des soins et une plus grande disponibilité du médecin généraliste. Comme le prévoit le programme, les infirmières, salariées de l’association, interviennent à différents niveaux : le diabète, l’hypertension artérielle, des consultations de dépistage des troubles cognitifs après 75 ans, les facteurs de risques cardio-vasculaires. Elles assistent également le médecin pour le dépistage de certains cancers (sein col colon) ou bien encore pour le dépistage des troubles cognitifs.

L’expérience Asalée est un succès tant au niveau de la prise en charge des patients que dans la collaboration infirmiers libéraux et médecins généralistes. À tel point que le président de l’association, le  Dr Jean Gautier déclare : « Pour le moment le bilan de l’expérimentation est positif, nous espérons la pérenniser et l’étendre. […] Il appartient maintenant aux pouvoirs publics de nous dire si nous passons du stade expérimental à la concrétisation ».

Alors infirmiers libéraux et médecins généralistes tous les espoirs sont permis ! À condition que le ministère de la Santé sache en tirer les leçons qui s’imposent…

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, avez-vous déjà rencontré de soucis d’entente avec le ou les médecins généralistes pour lesquels vous effectuez les prescriptions ? Que pensez-vous du programme Asalée ? Seriez-vous prêts à vous engager dans ce type de programme ?