Les personnes âgées sont les malheureuses victimes de nombreux clichés et de nombreux tabous : leur vie amoureuse ou sexuelle en est un énorme. Pourtant cette vie-là est bien réelle, différente de leurs cadets, mais au moins aussi importante. Un directeur de groupement d’EHPAD du Finistère, le SIVU Elorn, a mis en place des formations afin d’aider les soignants à préserver cette vie indispensable pour leurs patients. A 80 ans, l’amour existe encore !

Les infirmiers pour préserver un juste équilibre dans la relation amoureuse des seniors : le SIVU Elorn propose des formations uniques

Évidemment parler de la sexualité des seniors demande une transposition indispensable du soignant en une personne âgée, ce qui semble impossible et souvent gênant. Pourquoi ce sujet gêne-t-il d’ailleurs ?

Selon un gérontologue interrogé lors des débats de l’Assemblée concernant ces questions en 2013, Richard Vercauteren, la réponse est simple : « L’idée selon laquelle une personne âgée ne pourrait pas avoir de relations sexuelles reste prédominante chez les plus jeunes car pour eux, la sexualité est liée à la beauté. Donc quand le corps est fripé, il devient inadapté ». Or, la réalité de nos seniors est toute autre et implique que la question de la préservation de ce droit à l’intimité, au désir et à l’amour soit préservé, comme tous les autres, malgré la vieillesse.

Ainsi, face à ce constat et fort de plusieurs années d’expérience en EHPAD, Éric Seguin directeur du SIVU Elorn propose une formation aux soignants qui souhaitent apprendre à gérer et équilibrer ce besoin indispensable aux patients. « Elle vise à poser les bases physiologiques du besoin affectif des aînés, puis à amener le personnel soignant à parler des situations qui l’ont mis mal à l’aise ». Car, soyons francs, il n’y a pas que des roses et du romantisme chez nos ainés. Certaines dérives dues à l’inhibition causée par des maladies comme Alzheimer peuvent provoquer des comportements sexuels à risques. Il s’agit donc de préserver le patient tout en le laissant vivre sa vie.

Michèle Delaunay, la ministre déléguée aux Personnes âgées en visite dans cette formation a pourtant été vivement critiquée, estimant « qu’un ministre avait autre chose à faire ». Ce à quoi elle a répondu, révoltée : « On n’a pas compris que le droit à la vie privée est un droit inaliénable de la personne humaine ! C’est un sujet essentiel, qui en recouvre beaucoup d’autres ».

Le droit d’aimer à 80 ans : le respect de l’intimité comme une forme de bientraitance

Selon Richard Vercauteren : « Chez les seniors, la sexualité est cependant plus basée sur le désir que sur la reproduction. Ils n’ont certes pas les mêmes pratiques sexuelles que les jeunes, mais ils en ont toujours ! ».

Les EHPAD sont souvent les lieux de rencontres de ces couples qui se forment au gré du temps ou qui décident de venir s’y installer ensemble. Les couples dorment séparément mais existent encore, la vie est différente mais elle se joue encore main dans la main. Cependant côté équipe soignante on teste différentes solutions : des chambres plus grandes ou communicantes, des lits doubles… Chaque patient est différent et chaque histoire a ses particularités.

L’histoire de Jean-Noël et Marcelle est emblématique. Tous deux pensionnaires en EHPAD, tombés amoureux l’un de l’autre durant ces années à se côtoyer, à se cacher pour s’embrasser ou à échanger de doux regards à l’abri de leurs enfants, contre cette relation. Ils se sont mariés en cachette et ne regrettent rien. « C’est très fusionnel entre nous. Si nous n’étions pas là l’un pour l’autre, on deviendrait fous » confie Marcelle au journal Le Monde.

Oh, mon amour…

Mon doux mon tendre mon merveilleux amour

De l’aube claire jusqu’à la fin du jour

Je t’aime encore tu sais je t’aime.

La Chanson des vieux amants, Jacques Brel

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, avez-vous été témoins de belles histoires d’amour entre vos patients ? Comment gérez-vous au quotidien les demandes plus ou moins farfelues en matière de sexualité de vos patients ? Souhaitez-vous que ce sujet, encore très tabou, puisse être débattu au même titre que d’autres libertés nécessaires au « bien vieillir » ?