Plusieurs rapports mettent en évidence la difficulté du comptage des infirmières et des infirmiers libéraux. Mais ces difficultés sont aussi à l’origine de décisions plus discutables que jamais. Vouloir connaître le nombre exact d’infirmières et d’infirmiers libéraux à un moment donné reste nécessaire pour les autorités de la Santé. Mais le recensement des IDEL(s) est-il effectué dans les règles de l’art, et est-il fiable ?

Des infirmières et des infirmiers, si difficiles à compter…

Le dernier rapport de la direction générale de l’offre de soins (D.G.O.S.), publiée le 27 juillet dernier, est passé relativement inaperçu, alors qu’il démontre l’incapacité des autorités du pays à prendre en compte les professionnels de santé dans son ensemble. Les chiffres clés de l’offre de soins, édition 2015 recense ainsi 595.600 infirmiers et infirmières, parmi lesquels on comptabilise 97.600 IDEL(s).

Total Salariés Professions libérales
Médecins 218.300 88.200 130.100
Chirurgiens – dentistes 40.800 3.900 36.900
Pharmaciens 73.700 41.800 31.900
Sage-femmes 20.200 15.700 4.500
Prof. de santé médicaux 353.000 149.600 203.400
Infirmiers 595.600 498.000 97.600
Aide-soignants 245.400 245.400 0
Masseurs Kinésithérapeutes 77.800 16.200 61.600
Manipulateurs Radio 31.200 31.200 0
Pédicures Podologues 12.400 200 12.200
Orthophonistes 20.000 3.900 16.100
Prof. de santé non médicaux 1.529.400

Jusque-là, rien d’anormal puisqu’il est normal de vouloir connaître, à un moment précis, la réalité d’une profession, sur laquelle le Ministère de la Santé compte pour pouvoir accélérer la généralisation de sa politique de santé (ambulatoire, maisons de santé, …..)

Ce rapide tableau descriptif a donc été rendu public, sans susciter trop de questions, et pourtant il souligne une des origines du malaise, pouvant exister entre les IDEL(s) et les autorités de tutelle….

Quand compter les IDEL(s) relèvent aussi de la politique générale de santé

Là où cette étude constate l’existence de 93.600 IDEL(s), répartis sur tout le territoire national, la très sérieuse Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) en dénombre 109.925 précisément. Une telle distorsion apparait comme incompréhensible, surtout à l’ère de la numérisation et du Big Data. Une variation de plus de 17.44 % du nombre d’infirmières et d’infirmiers libéraux en fonction du rapport utilisé. La même distorsion apparait pour pour la profession infirmière, puisqu’au total la DREES en recense 638.248 contre 595.600 pour la DGOS (+7.02 %).

Très récemment déjà, et même si le registre n’était pas exactement le même, le décompte précis des infirmières et infirmiers libéraux avaient amené au report d’échéances électorales. Car à ces différences de chiffres s’ajoute aussi le problème de l’Ordre National Infirmier. En effet, quel que soit le chiffre retenu, cette instance de représentation de toute une profession ne totalisait que 172.000 inscrits soit moins d’un tiers des infirmières et des infirmiers.

Si les différentes autorités, en charge de ces études, ont déjà avancé les causes de cette distorsion (non suppression des listes professionnelles en cas de changements d’activité, …), cet écart pose un problème bien plus important que purement arithmétique, car n’est-ce pas sur ces données chiffrées, que se décide l’avenir des infirmières et infirmiers libéraux.

Une erreur de calcul ou une incapacité à prendre en compte la réalité du terrain ?

Les IDEL(s) peuvent légitimement se poser la question. Lorsque la Cour des Comptes étudie les aspects financiers et budgétaires, elle souligne la répartition inégale des infirmières et des infirmiers libéraux, en fonction des régions étudiées. Mais sur quels chiffres se base une telle étude, qui peut alors varier de 17.44 % par un simple changement de document de travail ?

De même, lorsque de hauts fonctionnaires réfléchissent à l’enveloppe des soins effectués par les IDEL(s), s’appuient-ils sur la fourchette haute ou sur la fourchette basse ? On comprend qu’une distorsion de plus de 17 % serait jugée inacceptable.

Doit-on enfin s’indigner des conséquences d’une telle erreur de comptage ou de recensement ? Car en jugeant le nombre d’actes de soins infirmiers trop élevé, le rapport de la Cour des Comptes a proposé (et obtenu depuis) le renforcement des contrôles vis-à-vis des infirmières et infirmiers libéraux. Et la seule certitude, que nous pouvons avoir à ce jour, réside dans le fait que ces contrôles auront bel et bien lieu auprès de professionnels dévoués, qu’ils soient ou non recensés sur l’une ou l’autre de ces listes.

Il apparait donc bien, que cette différence d’estimation du nombre d’infirmiers et plus précisément d’IDEL(s) n’est pas à prendre à la légère, car elle implique des conséquences plus ou moins graves sur l’avenir même d’une profession.

Infirmières et infirmiers libéraux, comprenez-vous un tel écart entre deux études officielles ? Selon vous, cette différence relève-t-elle de l’erreur/incompétence ou de la manipulation des chiffres ?