Même si on parle peu souvent, la relation entre une infirmière libérale et ses patients représente un enjeu majeur dans l’efficacité des soins dispensés. Existe-t-il réellement une juste distance et si oui est-il possible de la respecter, quoi qu’il arrive ?

Les patients et la patientèle, le cœur de l’activité des IDEL(s)

C’est une évidence, et pourtant il est bon de le souligner. Les infirmières et les infirmiers libéraux n’ont pas de clients mais des patients, et cela change tout. Nous entendons déjà certaines et certains oser un rapprochement entre les deux notions. Mais les soins dispensés par l’IDEL ne sont pas de simples prestations d’un professionnel indépendant. Tous les professionnels libéraux de santé prennent en charge plus qu’ils ne vendent. Cette précision sémantique dépasse largement la seule question de vocabulaire mais définit en profondeur la nature même de l’exercice libéral de la profession infirmière.

Les soins eux-mêmes doivent pouvoir être réalisés par toutes les infirmières libérales dans le respect des protocoles et des règles, édictées par les multiples autorités sanitaires et médicales du pays. Même les tarifs sont strictement encadrés. Cette situation n’empêche pas une concurrence entre les IDEL(s) eux-mêmes, et récemment, c’est cette autorité de la Concurrence qui est intervenue pour défendre les droits des infirmières et des infirmiers libéraux à l’occasion de la rédaction d’un Code de déontologie.

L’infirmière ou l’infirmier libéral gère donc des patients et non pas des clients, mais en quoi cela modifie-t-il la nature des relations entre les deux parties ?

La relation entre le patient et son infirmier, la clé de voûte d’une politique de santé

C’est LA différence entre les professions libérales et ces mêmes professionnels agissant dans le domaine de la santé. La relation entre une infirmière et son patient représente l’essentiel de son activité. Bien évidemment, chaque infirmière, chaque infirmier, qu’il soit hospitalier ou libéral, a été formé pour apprendre à gérer ses relations humaines. Mais contrairement aux infirmiers œuvrant en milieu hospitalier, l’infirmier(e) libéral(e) doit faire face seul(e) aux difficultés inéluctables de ces relations humaines.

Les patients des IDEL(s) nouent en effet, au fil du temps, des relations particulières avec ces soignants. Parfois, l’infirmière libérale sera l’une des seules visites d’une personne âgée, qui attend alors son arrivée avec empressement. Dans d’autres, l’infirmier libéral permettra à un patient d’être écouté pendant quelques minutes, rompant ainsi une solitude difficile à vivre. Ces relations peuvent, en apparence, s’opposer à la nécessaire prise de distance, enseignée à tous les professionnels de santé. Mais considérer l’activité de l’infirmière ou de l’infirmier libéral, sans prendre en compte la dimension humaine, reste inconcevable.

Entre relation professionnelle et amicale, quelle « juste distance » pour l’IDEL face à ses patients ?

Entre une infirmière libérale et son patient, il n’existe, en théorie, ni relation professionnelle ni relation amicale mais un rapport soignant/patient. Cette exigence implique le respect d’une « juste distance », permettant au soignant de se protéger en ce qui concerne l’affect. Le travail dans un milieu hospitalier permet d’envisager cette juste distance en équipe (groupe de paroles, de travail, commission d’éthique, …), alors que l’IDEL doit répondre à toutes ces problématiques, sans trop perdre de temps.

C’est une difficulté majeure, qui s’impose à toutes les infirmières et à tous les infirmiers libéraux, à un moment ou à un autre de leur parcours. Répondre favorablement à un patient, demandant à son infirmière de lui remonter son courrier lorsqu’elle le visite …est-ce déjà une dérive ou n’est-ce que le prolongement d’une saine relation soignant/patient ? Les IDEL(s) répondent au cas par cas à chacune de ces demandes et doivent s’adapter à toutes les situations. Car même s’il existe de nombreux conseils et d’innombrables règles, régissant ces rapports entre les infirmiers et leurs patients, la relation humaine ne peut pas être traitée comme une variable comme les autres : une règle applicable à tous en toutes circonstances. Cette relation soignant / patient relève d’une approche qualitative (elle va influer directement sur la qualité du soin dans son ensemble) et non pas quantitative (une relation ne se mesure pas, et donc ne se « gère » pas). Ce constat ne doit pas occulter, que comme chaque profession indépendante, l’IDEL est soumis également à une pression quantitative (assurer une activité suffisante en visitant un certain nombre de patients) pour lui permettre de vivre tout simplement. Et ce « stress du chiffre » ne fait que compliquer un peu plus cette approche de la relation avec la patientèle !

Avez-vous mis en place des barrières, que vous vous interdisez de franchir ? Que signifie selon vous cette « juste distance » ?