La question peut faire peur ou déranger, et pourtant elle se pose en ces termes. Il faudra, à moyen terme, apporter une réponse définitive à cette question, en redéfinissant précisément la place de l’infirmière libérale ou en accentuant ce que certains qualifient déjà d’ « ubérisation » de la santé.

 

Les infirmières étrangères pour épauler le travail des infirmières libérales ?

Chacun se souvient du tollé provoqué en janvier dernier, lorsque le Ministère de la Santé avait officialisé, le 19 janvier, l’Ordonnance 2017-50 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la Santé. Sans détailler à nouveau ces dispositions, rappelons que cette ordonnance permet aux habitants de l’Union Européenne, et qui possèdent un diplôme de soins non compensable (pour être plus pragmatique, on pourrait remplacer cette expression par celle plus parlante de « non reconnu »), d’exercer tout ou partie des actes de soins relevant des infirmières en général. Si l’objectif affiché était d’uniformiser la législation européenne, certains dénonçaient les aspects économiques de cette mesure, permettant de se dispenser des infirmières libérales notamment en préférant recourir à des intermédiaires étrangers, dont le statut varierait entre infirmière et aide-soignant.

Cette question avait suscité un grand nombre de réactions de la part des infirmières, des infirmières libérales et de bien d’autres professionnels de santé, d’autant plus, il faut le rappeler, que la mesure avait été rejetée à l’unanimité par le Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCCP). Mais cette concurrence étrangère à la fonction d’infirmière libérale n’est pas la seule

Des infirmières libérales en voire de reconversion pour devenir … factrices ?

Inutile de revenir, une nouvelle fois, sur la concurrence, jugée déloyale par un grand nombre d’infirmières libérales, opérée par les multiples formes de l’Hospitalisation à Domicile (HAD). Une nouvelle concurrence se fait désormais sentir avec …La Poste. A priori, aucun rapport entre le métier de soignant et la distribution de courrier, et pourtant, depuis 2015, le groupe La Poste a expérimenté une assurance dépendance avec la visite à domicile pour des parents isolés. L’expérience doit être concluante, puisque le groupe La Poste a dévoilé ces derniers jours sa prise de participation au capital d’Asten Santé, une société de prestations de services de santé à domicile.

Dans le cadre de l’expérimentation évoquée ci-dessus, et qui a conduit au lancement de l’opération « Veiller sur mes Parents », le facteur devait « juste » (après tout relève du sens que l’on donne à ce terme en apparence si simple) s’enquérir que tout aille bien auprès des personnes visitées. 40.000 facteurs ont été formés et on se doute bien, que la formation ne devait pas consister uniquement à la formulation de la question essentielle « Comment ça va ? »

En revanche, on ne sait pas encore quelles synergies seront créées à l’occasion de la prise de contrôle d’Asten Santé. La finalité du groupe spécialisé dans la distribution de courrier reste cependant d’accompagner les personnes âgées dans leur volonté de maintien à domicile, et on peut raisonnablement penser, que les facteurs, qui visitent ces « patients » tous les jours, se voient confier de nouvelles missions. Certains syndicats d’infirmiers s’en émeuvent déjà même s’il faudra attendre quelques semaines, ou mois, pour en savoir plus.

 

Repenser la place de l’infirmière libérale dans le système de soins

 

On comprend bien, en allongeant cette liste des nouvelles formes de concurrence aux infirmières libérales, que la question du coût est au centre de ces problématiques de santé au domicile des patients.

D’un côté, le coût est minoré en faisant appel à des infirmières, qui n’en sont pas réellement. Il ne s’agit aucunement de dénigrer les soignantes étrangères ou encore le diplôme obtenu dans leur pays mais bien de souligner que ce transfert de compétences implique une réduction des coûts.

D’un autre côté, en faisant appel à des prestataires qui se déplacent déjà quotidiennement au domicile des personnes âgées, la finalité repose alors sur la mutualisation des coûts. Le » facteur – soignant « se déplace une fois pour réaliser deux, trois ou quatre missions distinctes.

Aucune de ces expérimentations n’est assez aboutie pour savoir vers quelle organisation du système de santé à domicile on se dirige. En revanche, la multiplication de ces tests renforce cette conviction, que l’organisation, telle qu’elle existe aujourd’hui, vit ces dernières années. Quelle place sera alors réservée à l’infirmière libérale, qui devra, en outre, s’adapter à l’ambition affichée de promouvoir plus encore la télé médecine et la e santé ?

 

Craignez-vous ces nouvelles formes de concurrence ? Quel avenir prédisez-vous pour la profession d’infirmière libérale à moyen et à long terme ?