On se souvient des débats, suscités par la proposition de loi visant à légaliser l’exercice partiel de la profession d’infirmière. Les oppositions des infirmières et infirmiers médicaux, de plusieurs hautes autorités faisant référence dans le domaine médical et de bien d’autres professionnels de santé n’ont cependant pas réussir à faire reculer les autorités publiques. Le décret officialisant cette mesure a été publié le 03 novembre dernier au Journal Officiel. Non seulement, les infirmières libérales restent opposées à cette nouvelle disposition, visant, au départ, à harmoniser les législations européennes, mais elles entendent bien ne pas relâcher la pression. Dès le 04 novembre, l’Ordre National des Infirmiers (ONI) s’alarmait d’une telle décision, en écrivant :

« Des professionnels de santé partiellement qualifiés, issus d’un autre Etat membre de l’Union Européenne, peuvent désormais exercer avec leur titre en France. L’Ordre des infirmiers dénonce une déréglementation dangereuse de l’accès aux professions de santé et envisage de déposer un recours au Conseil d’Etat«    

Pour le gouvernement, il s’agissait d’une obligation de se conformer aux directives européennes, favorisant la libre circulation des travailleurs européens, alors que pour l’ONI, rien ne contraignait l’Etat Français à légiférer pour les infirmières libérales et plus généralement pour les auxiliaires de santé. Le décret ratifie donc l’ordonnance du 19 janvier 2017, qui avait suscité la colère de la majorité des syndicats d’IDEL(s) et il surprend par l’empressement du gouvernement à la faire ratifier. La Coordination Nationale Infirmière (CNI) s’étonne même de cette rapidité : « Pourquoi cette précipitation ? Quel besoin d’inclure les professionnels de santé dans la mise en œuvre de cette directive ? »

Une nouvelle disposition applicable dans le système de santé en France

Désormais les contestations sont devenues inutiles, puisque la mesure a force de loi. Les syndicats et les infirmières libérales elles-mêmes ne cessent de souligner que ce projet de loi a été certes voté par l’Assemblée Nationale mais rejeté par le Sénat en octobre dernier. Une commission paritaire devait se réunir, et pourtant le gouvernement est passé outre en publiant le décret d’application. 

Porté au départ par Mme Marisol Touraine, Ministre de la Santé de l’époque, le projet a été mené à son terme par la ministre actuelle, Mme Agnès Buzyn. Cette dernière a introduit des mesures de contrôle et de suivi, devant sécuriser cet exercice partiel de la profession infirmière. Ainsi, l’Ordre National des Infirmiers sera consulté avant chaque délivrance d’autorisation, même si son avis ne sera que consultatif.

Les diplômés de l’union européenne pourront donc exercer en partie la profession d’infirmière/infirmier, même s’ils sont détenteurs d’un titre n’existant pas dans l’Hexagone. A ce stade, et après la publication du décret, les questions restent nombreuses et les infirmières libérales s’interrogent, comme le souligne la CNI : « dans quel domaine exerceront ces professionnels partiellement compétents ? Seront-ils réellement dans une pratique partielle ou sollicités plus largement ? Quelles seront les garanties pour les usagers ? Pourquoi ce choix de modeler nos exercices ?« 

L’exercice partiel infirmier, vers une dévalorisation de la profession

Certains dénoncent le séquençage de la profession d’infirmière alors que d’autres pointent le flou régnant encore sur les soins, qui seront autorisés pour certains professionnels. Car l’inquiétude provient bien en grande partie de cette méconnaissance des titres, qui ouvriront droit à cet exercice partiel. Tous les infirmiers diplômés en Europe, faut-il le rappeler, peuvent exercer en France, en s’appuyant sur l’équivalence de droit. Didier Borniche président du Conseil national de l’Ordre des infirmiers, dénonce ainsi une « déréglementation scandaleuse et irresponsable de l’accès aux professions de santé dans une logique de nivellement par le bas « 

Plusieurs organisations ont déjà fait savoir, qu’un recours devant le Conseil d’Etat serait déposé, alors même que les procédures initiées à la suite de l’ordonnance de janvier 2017 n’ont toujours pas abouti.

Ces inquiétudes et ces craintes ne concernent pas uniquement les infirmières libérales mais tous les professionnels de santé, comme le rappelle le communiqué de la Fédération Française des Praticiens de Santé (FFPS) : « L’arrivée de professionnels aux compétences plus que floues entrainera une dérive vers la médiocrité de l’offre de soins et générera des coûts supplémentaires pour l’UNCAM.« 

Les prochaines semaines devraient encore être marquées par ces contestations et ces oppositions, même si il apparaît peu probable, que le gouvernement décide de faire marche arrière …

Et vous que pensez-vous de cette officialisation de l’exercice partiel pour les professionnels de santé ? Quelles seront, selon vous, les conséquences, pour les infirmières et infirmiers libéraux ?