On peut légitimement s’interroger. Dans les années à venir, une infirmière libérale pourra-t-elle toujours exercer en solitaire sans rejoindre de structure ? Avec les réformes annoncées par le plan « Ma Santé 2022 », rien n’est moins sûr !

Vouloir structurer les soins de ville, une ambition publique affichée depuis plusieurs années

Les professionnels de santé en général, et les infirmières libérales en particulier, soulignent souvent les difficultés et les contraintes, que peut engendre l’exercice solitaire de leur profession. Inciter ces infirmières libérales et tous les autres soignants de ville à se structurer et/ou à se regrouper fait partie des autorités publiques depuis de nombreuses années. Ainsi, la loi Touraine, adoptée en janvier 2016, avait créé les Communautés professionnelles territoriales de Santé (CPTS). Il s’agissait alors à l’époque d’aider à organiser les professionnels de santé de ville, en s’adaptant à un territoire donné.

La création de ces CPTS ne visait pas à concurrencer les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP), que de plus en plus d’infirmières libérales plébiscitent. En effet, Marisol Touraine insistait alors que les CPTS n’étaient pas des structures pour regrouper les professionnels de santé, mais devaient être considérés comme une « organisation et une méthode de fonctionnement ». Aussi louable soit l’ambition affichée par cette création, force est de constater que les infirmières et infirmiers libéraux comme les professionnels libéraux de santé (PLS) ne se sont pas appropriés ces CPTS. Au 30 juin 2018, les autorités publiques ne recensaient qu’une vingtaine de CPTS sur l’ensemble du territoire.

« Ma Santé 2022 » un nouvel élan donné aux CPTS pour toutes les infirmières libérales

 

Cette situation devrait connaitre un grand changement dans les mois à venir. En effet, en septembre 2018, le président de la République, Emmanuel Macron, et Agnès Buzyn, Ministre de la Santé, ont présenté la nouvelle réforme de la santé : « Ma Santé 2022 ». Les CPTS ont été placées au cœur de la coordination des soins de ville. Si cette nouvelle Réforme de la Santé ambitionne de rapprocher les soins de ville de la population, cela se traduit par la création d’un label « Hôpitaux de proximité » (annoncé pour 2020) et des efforts conséquents en ce qui concerne ces CPTS.

Avec cette réforme, les CPTS doivent aider les infirmières libérales et tous les professionnels de santé dans leur exercice quotidien. Il pourra s’agir de prendre en charge des actions de prévention, ou encore de coordonner les soins de ville avec l’hôpital, ou encore de rendre plus efficient les dispositifs devant permettre le maintien à domicile. « Ma Santé 2022 » ambitionne 1.000 CPTS à l’horizon 2021, permettant ainsi de couvrir l’ensemble du territoire.

Les CPTS, une fin annoncée de l’exercice solitaire de l’infirmière libérale ?

 

Pour pouvoir atteindre ces objectifs ambitieux, le gouvernement, sous l’égide de la Ministre de la Santé, a déjà entamé des négociations conventionnelles avec les ordres professionnels. Car il faut garantir un « financement pérenne » pour ces CPTS et de nombreuses questions sont déjà posées. Mais une autre question se pose notamment pour les infirmières libérales. En effet, interrogée par le Journal International de la Médecine, Agnès Buzyn insistait sur le rôle des IDEL(s), un rôle qualifié de central : Les infirmières et infirmiers « vont en effet avoir un rôle essentiel dans la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et dans la création des maisons de santé. » La Ministre de la Santé considère, que l’exercice coordonné ne peut pas être envisagé sans la mobilisation pleine et entière des infirmières et infirmiers libéraux.

Et en matière d’exercice coordonnée, le chef de l’Etat ne manque pas d’ambitions, puisqu’il affirmait, dès septembre dernier : « Je veux précisément que l’exercice isolé devienne progressivement marginal, devienne l’aberration et puisse disparaître à l’horizon de janvier 2022 ». Les infirmières libérales, exerçant seules, auront-elles disparues dans quelques mois, on peut en douter, même si la tendance de fond est donnée. Toujours est-il que des mesures incitatives (pour s’engager dans les CPTS) devraient être annoncées très prochainement, et qu’elles apparaitront aussi comme un obstacle à tout exercice purement solitaire.

Et vous, que pensez-vous de ce nouveau rôle donné aux CPTS ? Estimez-vous que l’infirmière libérale soit contrainte de changer sa manière d’exercer ?