Une des mesures fortes de la réforme de la santé du gouvernement a été l’annonce de la création de 4.000 postes d’assistants médicaux. A la fois administratif et soignant, ce nouveau métier fait débat notamment en ce qui concerne les compétences et les missions qui lui seront dévolues. Les infirmières libérales redoutent, qu’à cette occasion les aides-soignantes deviennent des concurrentes. Ces dernières, elles, restent dans le flou, même si elles espèrent bien bénéficier, à cette occasion, d’un éclaircissement sur leur rôle et leur mission. 

Les infirmières libérales ne sont pas les seules à réclamer une plus grande reconnaissance

On connait les motifs, qui poussent de nombreux infirmiers libéraux à revendiquer plus de reconnaissance de la part des pouvoirs publics. Les sujets de discorde entre les infirmières libérales d’une part et les autorités publiques d’autre part sont innombrables, et un nouveau dossier devrait tendre un peu plus les relations entre les deux parties. Au quotidien, la profession infirmière travaille en bonne intelligence avec les aides-soignants, qui, eux aussi, ont des revendications à faire entendre. Seulement, avec le projet de réforme « Ma Santé 2022 », ces bonnes relations risquent de s’altérer au sujet d’un dossier, qui a fait déjà couler beaucoup d’encre : les assistants médicaux.

En effet, lorsque le président de la République et la Ministre de la Santé ont détaillé les dispositifs de ce plan en septembre 2018, ils ont suscité la colère de la très grande majorité des infirmières et infirmiers libéraux. C’est l’annonce de la création de 4.000 postes d’assistants médicaux, subventionnés par l’Assurance Maladie, qui a initié la colère des IDEL(s). Car même si à ce jour ces nouveaux emplois, dont l’objectif est de « libérer du temps médical pour les médecins », ne sont pas clairement définies, la profession infirmière craint que ces derniers empiètent sur leurs compétences propres. Ainsi l’ancien président de la Fédération Nationale Infirmière (FNI), Mr Philippe Tisserand, était plutôt sévère envers cette mesure, qu’il résumait ainsi : « Ma lecture, c’est que les médecins réclament une secrétaire médicale, et qu’ils ajoutent à ce poste une composante sanitaire pour le rendre éligible à un financement par l’Assurance maladie ». Et c’est sur la base de ce texte, que grandit une querelle entre les infirmières libérales et les aides-soignantes.

Infirmières libérales et aide-soignante, un avenir incertain avec la création d’une nouvelle fonction

Car si la fiche de poste de ces nouveaux assistants médicaux n’a pas encore été définie, Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) en dresse un portrait assez détaillé : « Celui-ci dans sa globalité comportera une partie de formation à l’accueil et au secrétariat, et une partie de formation à la prise en charge d’un patient sur délégation du médecin ». On comprend bien, que ces assistants médicaux représentent plus qu’une secrétaire médicale sans pouvoir toutefois remplacer une infirmière libérale. Mi-administratif, mi-soignant, l’emploi du temps de ces assistants médicaux ne laisse pas planer de doutes, et dès les premières heures, ayant suivies l’annonce de leur création, les acteurs de la Santé ont voulu y voir une voie ouverte pour les aides-soignants.

Même si les syndicats représentant les aides-soignants affirment avec force qu’ils n’ont pas été consultés et encore moins associés aux travaux préparatoires, les aides-soignantes estiment que cette mesure pourrait être l’occasion de mieux faire reconnaitre leur profession. C’est ce qu’explique Thérèse Palla, présidente de l’Union française des aides soignant(es) (Ufas) : « Il faut savoir que la profession d’aide-soignant n’est pas reconnue, et que notre formation nous permet de faire des actes qui appartiennent au rôle infirmier. (…) Or on nous oblige à faire des actes qui ne sont pas de notre compétence, parce qu’il n’y a personne d’autre pour les faire. »

Et les premières indiscrétions sur les négociations en cours, principalement entre les médecins et l’Assurance Maladie, tendent à confirmer que les aides-soignants pourraient être associés à la création de ces 4.000 postes d’assistants médicaux.

 

Des aides-soignantes pour devenir assistants médicaux ? Une menace pour les infirmières libérales

En janvier dernier, un document de travail de l’Assurance Maladie précisait ainsi que des négociations étaient en cours pour « «étendre le champ d’intervention des aides-soignants au milieu ambulatoire ». Dans le même temps, il était expliqué que la délégation de l’infirmier à l’aide-soignant serait appelée à évoluer pour permettre aux médecins de déléguer directement aux aides-soignants. Les acteurs de la santé, au premier rang desquels les infirmiers libéraux, ont bien compris, que les autorités publiques n’ont guère le choix ; Pour réussir à créer 4.000 postes d’assistants médicaux, elles ont besoin d’une réserve de candidatures, et les aides-soignants constituent une part importante de cette réserve. Il est donc essentiel, dans cette optique, de protéger les futurs assistants médicaux, afin qu’ils ne soient pas hors la loi. Si les aides-soignantes sont appelées à devenir assistants médicaux, une meilleure reconnaissance de leur profession ainsi qu’un élargissement de leurs compétences seront exigés.

Et c’est là, que les infirmières libérales se sentent menacées. Dès janvier les syndicats représentant la profession s’était alarmée de cette grave menace. Convergence Infirmière (CI) alertait les consciences en expliquant : « L’équilibre naturel du système de soins est sur le point de rompre ». Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) allait encore plus loin : « Le gouvernement va appauvrir, voire faire disparaître, le rôle propre infirmier ». Bien que les mesures à venir restent encore floues et incertaines à cette heure, les infirmières libérales craignent bien d’être, dans un avenir proche, concurrencées par les aides-soignantes pour certains actes. Cette concurrence est déjà jugée comme déloyale par de nombreuses infirmières libérales, qui soulignent que les tarifs pratiqués par les aides-soignantes seraient alors imbattables. Le Sniil va encore plus loin en rappelant, au passage, la différence existante entre la formation des infirmières et celle des aides-soignantes : « Va-t-on prendre le risque de confier en toute autonomie des patients à des aides-soignantes qui, malgré leur professionnalisme, disposent d’une formation de dix mois alors que celle des infirmières est de trois ans ? ».

Car si les infirmières et infirmiers libéraux cherchent à défendre leurs intérêts, déjà malmenés par ailleurs, ils ne souhaitent aucunement s’attaquer frontalement aux aides-soignantes, qui semblent, comme les IDEL(s), bien peu informées sur l’avancée des négociations. La question de la formation devra encore être résolue, et certaines rumeurs font déjà état d’une année de formation dispensée aux aide-soignante et secrétaires médicales pour pouvoir prétendre devenir assistante médicale. Pourtant, on évoque déjà la création de 1.000 postes d’ici la fin de l’année 2019, faisant naitre de nouvelles questions notamment liées à cette formation.

Les infirmières et infirmiers libéraux seront-ils associés aux prochaines négociations, car la profession a également des revendications à porter et des demandes à prendre en compte. Les assistants médicaux seront-ils appelés à devenir de nouveaux interlocuteurs privilégiés des autres professionnels de santé ? Beaucoup de questions restent en suspens, et en voulant négocier dans la plus grande discrétion, le gouvernement prend le risque d’une dégradation du climat social dans les rangs des professionnels de santé. Dégradation, qui n’est guère compatible avec la sérénité et la tranquillité, qu’exigent une telle Réforme. Dans tous les cas, les infirmières libérales se sentent non seulement menacées par la création de ces nouveaux emplois mais aussi dévalorisées par le manque de considération qui leur est fait à cette occasion.

Et vous, que pensez-vous de cette mesure visant à créer 4.000 emplois d’assistants médicaux ? Estimez-vous que les aides-soignantes constitueront une bonne part des recrutements à venir ? Comment, selon vous, gérer ces nouvelles tensions qui s’amorcent entre les deux professions de santé, qui, jusque-là, travaillaient ensemble en bonne harmonie ?