« Les infirmières libérales sont des privilégiées », une idée reçue à la dent dure

 

Dans l’esprit d’une partie de la population, les infirmières libérales restent des privilégiées tant en termes d’organisation du travail qu’en ce qui concerne leur niveau de rémunération. Une idée reçue qui contraste avec la réalité du terrain. Pourquoi ?

Le salaire des IDEL(s), une rémunération loin d’être à la hauteur de leurs revendications

 

Comme on a pu le voir dans notre précédent dossier sur le salaire moyen de l’infirmière libérale, la rémunération annuelle d’une IDEL titulaire est calculée à 43.100 € avant impôt. Toujours en moyenne, et en fonction de la situation personnelle de la professionnelle de santé, le salaire mensuel peut ainsi être estimé entre 2.600 et 3135 €. A titre de comparaison, et selon les chiffres de l’INSEE pour l’année 2019, le salaire moyen des salariés du secteur privé en 2016 (en équivalent temps plein) était de 2238 € .

Depuis des années, les infirmières et infirmiers libéraux revendiquent une hausse de leur rémunération, justifiant que celle-ci n’est pas à la hauteur de leurs responsabilités d’une part mais aussi de leur engagement d’autre part. Car pour mieux comprendre la réalité de ces moyennes, il faut aussi s’attacher à détailler les conditions d’exercice de ces professionnels de santé. Si chaque infirmière ou infirmier libéral a sa propre organisation, le temps de travail dépasse amplement les 35 heures bien qu’il reste difficile de définir un temps de travail moyen. En revanche, une étude de 2017 sur les infirmières libérales de la région Provence Alpes Côte d’Azur souligne que la majorité des IDEL(s) (55 %) ne prend qu’entre 3 et 4 semaines de congés par an.

Les infirmières libérales, des privilégiées aux yeux d’une partie de la population

 

Face à cette réalité des chiffres, une partie de la population française estime que les infirmières libérales font partie des privilégiées, pour la simple raison qu’elles peuvent s’organiser comme elles veulent en étant infirmière à domicile et que leur rémunération est supérieure à la moyenne des Français. On peut souligner que cette distorsion entre réalité chiffrée et perception de la population est en train de changer. En effet, depuis le début de la crise sanitaire du coronavirus, les interventions de spécialistes se multiplient pour souligner que les infirmières en France sont les plus mal payées d’Europe. Certes, le constat est dressé avant tout pour les infirmières hospitalières mais d’éminents économistes de la santé expliquent au grand public que cette paupérisation de la santé concerne aussi les infirmières et infirmiers libéraux et plus généralement tous les soignants.

Et pourtant, les idées reçues sont difficiles à combattre, encore plus quand certains continuent à perpétuer cette image de l’infirmière libérale, travaillant à sa guise et percevant un important salaire.

Quand la Cour des Comptes fait des infirmières libérales une profession de nanties !

 

Dans l’imaginaire populaire pourtant, l’infirmière à domicile reste attachée à l’image de « bonne sœur », et pourtant l’opinion publique a une vision tronquée de la réalité. Il faut dire, que la médiatisation des procès en réclamation d’indus de certaines professionnelles indélicates jettent le discrédit sur toute une profession, sans que personne ne vienne expliquer le dévouement et la mobilisation, qui caractérisent la profession. Pire encore, quand la Cour des Comptes publie un rapport sur les fraudes sociales, elle stigmatise les infirmières et infirmiers libéraux en renforçant cette image de « privilégiés » voire même de « fraudeurs ».

Dans son rapport, la Cour des Comptes souligne l’exemple d’un infirmier libéral de la Réunion, ayant facturé plus de 1.7 millions d’euros à la Sécurité Sociale en 2018. Médiatisée, cette situation jette alors le doute sur toute une profession, amenant même le procureur de Saint-Denis de la Réunion à demander des éclaircissements à la Caisse générale de la Sécurité Sociale. Les montants ainsi jetés en pâture par la Cour des comptes sont choquants pour l’opinion publique et c’est donc l’image de l’infirmière libérale en général qui en est affectée, faisant de celle-ci une « professionnelle qui profite du système ».

 

Et vous, comment expliquez-vous cette distorsion entre la rémunération réelle des infirmières libérales et le ressenti d’une partie de la population ? Quelles seraient les pistes à suivre pour apaiser une telle tension dans cette relation ?