Présenté comme une évolution importante pour les infirmières et infirmiers, le bilan de soins infirmiers (BSI) semble être aujourd’hui dans une impasse. Les négociations entre l’Assurance Maladie et la profession ne semblent pas pouvoir aboutir, alors que la crise sanitaire a fait émerger de nouvelles priorités pour les autorités publiques.

 

Le bilan de soins infirmiers, une avancée saluée de l’avenant 6

 

Les débats ont été vifs, et les infirmières et infirmiers libéraux, déjà en activité, se souviennent des querelles qui ont accompagné l’adoption du Bilan de soins infirmiers (BSI). Mesure phare de l’avenant 6 à la convention infirmière, l’adoption du BSI entrainait donc ipso facto la disparition des démarches de soins infirmiers (DSI), qui constituait bien plus qu’un simple changement d’acronyme. Le BSI concentrait à l’époque les attentes d’une partie des infirmières libérales mais aussi les ambitions du ministère de la santé. Bien que ce bilan de soins infirmiers n’ait jamais fait l’unanimité auprès des IDEL(s), personne ne peut contester qu’il représentait une véritable évolution sur bien des aspects :

  • Optimisation de la prise en charge des patients dépendants, notamment pour favoriser et renforcer le maintien à domicile, une ambition forte des autorités publiques en faveur de l’ambulatoire et de l’hospitalisation à domicile,
  • Plus grande coopération entre les infirmières libérales d’une part et les médecins généralistes d’autre part, concrétisation de cet exercice coordonné si cher au ministère de la santé,
  • Forfaitisation du BSI par rapport à la facturation à l’acte, socle de l’ancien dispositif DSI, un véritable changement de paradigme pour les infirmières et infirmiers libéraux

 

Applicable depuis le 1er janvier 2020 pour les patients âgés de 90 ans et plus, le bilan de soins infirmiers devait donc être généralisé progressivement à l’ensemble de la population. Cette généralisation, qui devait être totale au 1er janvier 2023, devait cependant s’accompagner d’une évaluation régulière notamment sur l’impact, que le nouveau dispositif pouvait générer sur les dépenses publiques de santé. Quelques semaines après l’apparition du BSI dans le quotidien des infirmières libérales, un nouveau virus provoquait l’une des plus grandes crises sanitaires de l’époque contemporaine, crise de laquelle nous ne sommes toujours pas sortis 18 mois après.

Le BSI, sacrifié pour raisons budgétaires ou contraint en raison de la crise sanitaire ?

 

Car si les autorités sanitaires se sont efforcées de lutter contre l’épidémie, les infirmières et infirmiers libéraux ont poursuivi, l’année dernière, à s’approprier le BSI, jusqu’à ce que l’assurance Maladie applique la clause de revoyure, inscrite dans l’avenant signé par la profession (aout 2020). Cette clause de revoyure pouvait être appliqué, dès lors que l’enveloppe budgétaire était dépassée de plus de 10 %. Estimée à 30 millions d’euros, ce budget se chiffrait déjà, selon l’Assurance Maladie, à plus de 100 millions d’euros.

Cette clause de revoyure suspend le déploiement du BSI, tant qu’un accord n’a pas été trouvé entre les syndicats représentatifs de la profession et l’Assurance Maladie. Ces négociations ont été décalés au printemps 2021, pour laisser les autorités sanitaires se consacrer pleinement à la gestion de l’épidémie. Et ces négociations sont dans une impasse. L’Assurance Maladie souhaite ainsi modifier les règles pour la définition des forfaits pour alléger le coût final. Les infirmières et infirmiers libéraux ne veulent pas en entendre parler, dans la mesure où la situation actuelle a déjà fait l’objet de nombreuses demandes de revalorisation. Les patients dépendants lourds impliquent une mobilisation importante des infirmières libérales, qui refusent de voir leur rémunération (déjà jugée insuffisante) diminuer. C’est une question sociétale, puisqu’elle engage le pays dans sa stratégie de prise en charge de la dépendance.

Les négociations sont d’autant plus difficiles, que les autorités publiques se sont adaptées à cette nouvelle situation de crise sanitaire. Le Ségur de la Santé est à l’origine d’une évolution des orientations de la politique de santé publique, alors que des promesses ont été faites par le gouvernement pour renforcer la prise en charge de la dépendance dans les années à venir. Certes, la proximité des prochaines élections présidentielles peut expliquer ce regain d’intérêt pour le sujet, mais on peut craindre que la situation perdure alors jusqu’au printemps 2022.

 

Et vous, estimez-vous que le BSI sera définitivement abandonné ou totalement remanié ? Ou qu’il faudra attendre les prochaines échéances électorales pour que la situation n’évolue ?