Une trentaine de députés se sont rassemblés afin de lancer un appel au gouvernement pour que le burn-out, lié principalement au travail, soit enfin reconnu comme maladie professionnelle. Ce mal, fléau des années 2.000 et résultat du productivisme à outrance, fait de plus en plus de victimes parmi tous les travailleurs. Certaines catégories professionnelles sont plus touchées que d’autres et les personnels soignants font partie des plus vulnérables à cette dépression professionnelle. Quant aux infirmiers libéraux, malheureusement, ils ne sont guère mieux lotis que leurs collègues…

L’épuisement professionnel des infirmiers libéraux : un fléau

Souvenez-vous nous vous parlions déjà du burn-out des infirmiers en octobre dernier, vous avez été très nombreux à réagir sur le sujet et à partager vos expériences difficiles ainsi que les solutions que vous aviez trouvées pour parvenir à sortir de cet état d’épuisement nerveux. En parler est donc la toute première solution.

Si l’épuisement professionnel pourrait devenir le sujet d’un débat national (enfin !), n’oublions pas que vous faites partie en tant qu’infirmiers libéraux des professions les plus touchées par ce mal. Ainsi, il est nécessaire de s’exprimer à nouveau, encore et toujours, afin que ce sujet « tabou » soit dévoilé au grand jour. Contrairement à l’idée commune, soigner ne fait pas de vous des super-héros intouchables…

L’enquête réalisée par l’AAPML et l’URPS concernant le burn-out dont les résultats viennent de paraître est très éloquente : 62% des infirmiers(ères) et 61% des masseurs-kinésithérapeutes se sentent personnellement menacé(e)s par l’épuisement professionnel. Pourquoi vos professions sont-elles plus sensibles que les autres ?

Tout simplement parce que le moteur même du choix de la profession de soignant nait de la notion de « rendre service » aux autres, d’être « utile aux autres » tout « en prenant soin de »… Une très belle et bonne raison qui va parfois se transformer en un sacerdoce qui intervertira à tort le « rendre service » à être « au service de », de la part des exigences exubérantes de certains de vos patients ou de la part de vos défis personnels qui vous pousseront au-delà de vos limites nerveuses et émotionnelles. Tout le problème étant en effet dans ces professions de savoir délimiter les possibilités de soin à ses moyens et à ses capacités pour les patients, mais aussi pour son bien-être, le maintien d’un équilibre familial ou bien encore sa sécurité, sur la route notamment.

Cette même enquête livrait les principales causes de ce stress accumulé :

  • l’excès de paperasserie (87% des infirmiers et 90% des masseurs-kinésithérapeutes),
  • le manque de temps pour sa vie privée (84% des masseurs-kinésithérapeutes),
  • des patients de plus en plus exigeants (79% des infirmiers).

Sarah Dauchy, psycho-oncologue à l’Institut Gustave Roussy à Villejuif (Val-de-Marne), expliquait dans l’Express les raisons pour lesquelles les soignants, d’une manière générale, sont touchés à plus de 40 % par l’épuisement professionnel : « une charge émotionnelle très forte, des horaires changeants qui pèsent sur la vie familiale et sociale, un rythme de travail excessif et une forte tension, « surtout pour les non-décideurs qui sont soumis à des décisions changeantes et parfois contradictoires » »…

Le burn-out doit faire partie des maladies professionnelles

Bien tristement, le syndrome de l’épuisement professionnel est bien loin de s’arrêter aux professions médicales. On considère aujourd’hui qu’environ 3,2 millions d’actifs risquent un épuisement nerveux au travail selon le Journal du Dimanche, premier grand média à avoir relayé l’appel des députés dans son édition du 6 décembre 2014.

Pourquoi ce cri d’alarme des élus ? Pour deux raisons ô combien légitimes : la première étant de juguler un mal qui ronge potentiellement un salarié sur quatre du secteur privé (selon le baromètre Cegos de novembre 2014), le second étant de partager la responsabilité de cette pathologie avec ceux qui la cause, les employeurs.

Ainsi selon cette même enquête, 26% des salariés et 22% des manageurs  considèrent que le travail est la raison de leurs troubles et plus de 50% disent subir un stress régulier au travail. Un fléau qui touche toutes les catégories professionnelles et qui ne fait que s’étendre au fur et à mesure des années noires où la productivité, le temps de travail et le management humain poussés à leurs extrêmes font oublier dans le sens de « ressources humaines » l’humain… Remplacé par l’importance des bénéfices et profits…

D’une façon plus économique et pragmatique, toutes ces maladies psychologiques liées au stress professionnel incombent à la seule et unique charge de la Sécurité Sociale, donc de l’État. Le constat des élus signataires de l’appel est simple : la Sécurité Sociale est en déficit lourd depuis des années alors que la branche Accident du Travail et Maladies Professionnelles (AT-MP financée par les cotisations patronales) est excédentaire, selon la Cour des Comptes.

Il s’agit de « faire ainsi basculer le financement des effets du burn-out sur la branche Accident du travail et maladies professionnelles – financée par les cotisations patronales à 97% – mettrait fin à une situation inéquitable ». De plus les députés considèrent qu’ « il ne s’agit pas de définir un système punitif mais de s’engager dans la voie de la responsabilité partagée et ce pour le bien commun ».

Et vous, que pensez-vous de cet appel des élus pour que l’épuisement professionnel soit reconnu comme une maladie professionnelle ? Quand bien même en tant que professionnel libéral ce changement ne vous concernera pas directement, pensez-vous que cela puisse avoir un bénéfice important sur tous ces troubles graves causés par le travail ? Avez-vous déjà fait appel dans votre cas à des cellules de soutien aux soignants en état de burn-out ? Cela vous-a-t-il aidé ?