Le 30 septembre 2014 vous étiez de nombreux professionnels libéraux, toutes catégories confondues, à manifester contre des sanctions gouvernementales qui ne semblent justifiées que par un rapport nébuleux du grand public. Revenons ensemble sur l’historique des faits puis voyons les résultats de cette exceptionnelle mobilisation.

Les raisons de la colère des IDELs : les projets d’Arnaud Montebourg puis du nouveau ministre de l’Économie Emmanuel Macron

A l’origine de la discorde nous trouvons un rapport de l’Inspection générale des finances publié le 14 juillet 2014 sur les professions libérales commandé par Pierre Moscovici lorsqu’il était encore à la tête du ministère de Bercy. Ce rapport fut repris par les grands journaux (Le Figaro, Les Échos) qui le décrivent comme accablant en rapport aux chiffres publiés.

En effet, selon Les Échos,« le rapport a d’abord cherché à savoir si ces professions bénéficiaient bien de rentes particulières. Et que, si l’on en juge par leur niveau de rentabilité, la question ne fait pas de doute. Leur bénéfice net avant impôt représente en moyenne 19 % de leur chiffre d’affaires, soit 2,4 fois la rentabilité constatée dans le reste de l’économie». Ainsi on aurait jugé que certaines professions libérales bénéficieraient d’un monopole largement établi et de revenus clairement  discutables en rapport au reste de la population active : « Le rapport estime que des réformes ciblées sur certaines professions (fin de certains monopoles, modification de la fixation des tarifs réglementés…) pourraient générer une baisse des prix de 10 à 20 % dans les secteurs concernés ».

Ainsi le gouvernement jugea qu’il était nécessaire de légiférer sur la question afin de, selon lui redonner du pouvoir d’achat aux français. Le Figaro rappelait d’ailleurs dans un article du 12 septembre 2014 que le projet de loi était toujours d’actualité en septembre et qu’Emmanuel Macron, nouveau ministre de l’Économie, «a confirmé qu’elle figurait bien en première position sur sa feuille de route ».

Or les professionnels libéraux s’interrogèrent, ne comprenant guère ce revirement brusque n’ayant, en tout premier lieu, jamais réussi à accéder à la totalité de ce fameux rapport IGF. La déclaration estivale fracassante d’Arnaud de Montebourg les voyant comme des rentiers mit le feu aux poudres. Le Docteur Michel Chassang, président de l’UNAPL, le syndicat national des professions libérales déclara vivement dans le même article du Figaro : «Comment peut-on traiter de rentiers, c’est à dire de gens qui ne vivent pas du fruit de leur travail, des personnes qui bossent en moyenne 58 heures par semaine ». Ainsi donc la décision de faire grève le 30 septembre 2014 face à cette décision jugée comme brutale, inexplicable et infondée, fut prise à l’unanimité par les principaux regroupements de professionnels libéraux, dont, pour les infirmiers libéraux, la FNI, l’ONSIL et l’Ordre National des infirmiers.

30 septembre 2014 : une mobilisation historique des professionnels libéraux

L’idée gouvernementale fut donc « de restituer aux Français 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat captés par ces professions

[libérales] ». L’UNAPL conteste ouvertement ce chiffre n’ayant finalement aucune idée précise du contenu du rapport produit.

De plus la contestation s’intensifie sur les moyens proposés, en particulier sur celui d’ouvrir les capitaux des professionnels aux investisseurs privés, dans le but avoué de faire baisser les marges, et donc les tarifs, de ces derniers. Et c’est bien là que le bât blesse. En effet ouvrir le capital d’un professionnel libéral de santé signifie bien sûr aussi faire prendre le risque à celui-ci de devoir se plonger dans une logique de mercantilisme plus que de santé. Ainsi la FNI s’accorda avec l’UNAPL pour dénoncer cette logique « La santé vendue comme une marchandise, l’introduction du capital dans les sociétés d’exercice libéral, la perte d’indépendance des professionnels de santé qu’engendrerait cette réforme, c’est contre ces dangers majeurs que la FNI appelle toutes les infirmières libérales à se mobiliser avec l’UNAPL le 30 septembre ». L’ONI partage cette même opinion ajoutant qu’il s’agit « […] de prendre en compte en premier lieu les impératifs de qualité et de sécurité des soins et de se départir d’une approche économique simpliste et caricaturale ».

Ainsi donc le 30 septembre 2014 fut une journée de mobilisation sans précédent, toutes professions libérales confondues, bien qu’évidemment les professionnels de santé assurèrent un service minimum, d’où la plus faible participation de ces professionnels. Toutefois les chiffres des grévistes, selon l’UNAPL, sont éloquents : 87 % des officines, 70% des cabinets dentaires étaient fermés mardi à 15 heures, 90% des laboratoires d’analyses médicales, 60% à 70% des cabinets dentaires, 50% des cabinets d’infirmiers et 50% des cabinets de podologie.

« Le bilan que je peux en tirer aujourd’hui est que cette journée est totalement historique »  a déclaré Michel Chassang. Et surtout cette mobilisation a fait bouger les opinions et les déclarations du nouveau ministre de l’Économie, Emmanuel Macron : « Nous n’ouvrirons pas le capital des pharmacies, des notaires ou que sais-je à des partenaires financiers extérieurs. (…) Il ne faut pas agiter les peurs, il ne faut pas mentir aux gens. Je pense que beaucoup de gens aujourd’hui sont en grève parce qu’on ne leur a pas dit la vérité ». Toutefois si sa présentation du projet de loi a été décalée à une date indéterminée, le sujet n’est pas encore clos…

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, avez-vous fait partie des grévistes du 30 septembre 2014 ? Que pensez-vous de ce projet de loi, vous sentez-vous concernés par l’idée que les tarifs des libéraux soient trop chers pour les Français ? Craignez-vous, malgré le recul apparemment pris par le gouvernement, cette logique commerciale qui voudrait s’instaurer dans le système de santé français ?