Infirmières et infirmiers libéraux, combien de temps par jour consacrez-vous aux trajets de votre tournée ? Combien de kilomètres par an avez-vous effectué dans votre fidèle destrier d’acier avec sur les genoux votre si adorable logiciel de gestion infirmier ? Des études, en particulier une de 2013 menée par l’ARS de Haute-Normandie, nous démontrent que ces chiffres sont exorbitants et que vos cabinets infirmiers sont bien souvent vides de patients qui préfèrent ne pas avoir à se déplacer. Et pour vos patients autonomes pourquoi ne pas les inciter plus souvent à venir à vous, dans votre cabinet infirmier ?

Beaucoup de kilomètres quotidiens dans la tournée de l’infirmier libéral…

Évidemment on pourrait vous rétorquer que, pour tous ces kilomètres avalés tels des « routiers de la santé », vous touchez des indemnités kilométriques ou que vous déclarez pour vos impôts des frais réels… Évidemment, on pourrait aussi ajouter que cela fait partie de votre métier, qu’un infirmier libéral à domicile, se déplace forcément à chez les patients…

Pourtant une fois ces « grandes vérités » énoncées, estime-t-on que ces chemins empruntés, selon vos témoignages entre 100 et 250 km par jour selon votre lieu d’exercice, sont pénibles, usants, et dangereux ? Non, malheureusement.

Plusieurs réseaux ont effectué des études sur ce sujet, nous avons décidé d’utiliser l’enquête effectuée par l’ARS de Haute-Normandie en 2013 auprès de ses IDELs. Il s’avère que « 50% de la population

[d’infirmiers libéraux] estime parcourir entre 17 000 et 32 000 km par an. Et une très large majorité (79%) passe entre 2 et 4 heures par jour en temps de trajet ».

Ce qui représente une moyenne calculée de 25 500 km annuels pour une durée moyenne par jour de 3 heures et 52 minutes pour une journée de travail s’étalant en moyenne selon cette même étude  « le matin de 6h45 à 13h et l’après-midi de 16h30 à 20h » soit 9 heures et quarante-cinq minutes. En suivant ce calcul on distingue que les 4 heures quotidiennes de route, représentent donc presque la moitié de la durée du temps de travail d’un infirmier libéral…

Pourtant point de pénibilité reconnue, point de recherches pour améliorer ces conditions de travail surhumaines, alors certains infirmiers libéraux ont décidé de changer la donne…

Utiliser son cabinet infirmier pour faire venir les patients autonomes au « domicile » de l’IDEL…

Et oui certains infirmiers libéraux, las de passer leur vie dans leur voiture et de payer pour un cabinet infirmier souvent inutilisé, ont décidé d’essayer une nouvelle façon d’exercer : faire venir leurs patients autonomes à eux. Et cela peut fonctionner !

Jean-Pierre Doussot, infirmier libéral installé en milieu rural en Seine-et-Marne expliquait récemment à nos confrères d’Actusoins, de quelle façon il avait modifié son cabinet, ses habitudes de travail et les habitudes de ses patients. Il se souvient qu’au départ « cela n’a pas été facile de les faire bouger » mais qu’aujourd’hui à force de motiver ses malades autonomes pour lesquels il considère que le déplacement à domicile est « de la complaisance », une vingtaine d’entre eux consultent à la permanence. Ainsi il envisage d’agrandir l’équipe, ils sont actuellement deux, tout comme d’élargir les plages horaires du cabinet…

Une façon originale de rentabiliser à la fois le temps de travail, les coûts de location ou de remboursement d’un local servant de cabinet infirmier, la charge que peut représenter les kilomètres avalés tout en « éduquant » le patient autonome à ne pas se laisser entrainer dans la sédentarisation…

En effet, l’étude que nous citions en première partie de cet article relate aussi, assez logiquement, d’un effet de vide dans le cabinet infirmier : pour 31% des infirmiers libéraux de Haute-Normandie, aucune permanence n’est tenue au cabinet … Et pour cause, comment être à la fois à son cabinet infirmier et sur la route ? À moins que… Non, vous n’avez pas ces supers pouvoirs-là !

La location comme l’appartenance d’un cabinet infirmier fait partie des postes de dépenses relativement importants mensuellement pour un infirmier libéral, sans compter les actuelles mises en conformité…

À l’heure où vous devez tous nécessairement avoir ou être en train d’effectuer vos travaux concernant l’accessibilité de votre cabinet aux handicapés  suite à la loi de 2005, pourquoi ne pas envisager une nouvelle façon de travailler ?

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, arrivez-vous à rentabiliser les coûts que supposent la location ou la possession d’un cabinet infirmier ? Avez-vous aussi déjà envisagé de concevoir votre activité d’infirmier libéral d’une autre façon ? Si oui, quels sont les arguments que vous avez utilisés pour faire venir vos patients autonomes à vous ?