La loi de Santé 2015 de Marisol Touraine apporte de nombreux changements. Certains dont les professionnels de santé auraient préféré se passer, tel le tiers-payant généralisé, d’autres en revanche sembleraient bénéfiques au réseau médical de proximité. Reconnaître enfin par un amendement les compétences des officines en matière de soins bénins, un premier pas vers une reconnaissance plus globale de tous les acteurs paramédicaux de ville ? Espérons qu’il en sera de même pour les infirmiers libéraux. Rien n’est moins sûr…

La reconnaissance des pharmaciens dans le traitement des soins dits bénins

Face au nombre grandissant de pathologies lourdes, de traitements de longue durée, du vieillissement de la population et à un numerus clausus ancré dans les facultés de médecine comme un caducée tatoué au plus profond, il devient primordial de savoir décliner l’offre de santé en plusieurs pôles. Les médecins généralistes sont débordés et les urgences hospitalières ne se désengorgent toujours pas. Dans un tel contexte, on ne peut que se féliciter de vouloir « confier » les pathologies bénignes aux pharmaciens, tout à fait compétents en la matière depuis bien longtemps. La médecine de proximité prendrait donc enfin son envol en décentrant certaines des multiples responsabilités des médecins généralistes vers les autres professionnels de santé tels que les pharmaciens. Un amendement à la future loi de Santé 2015 a ainsi été ajouté sur demande des députés Dominique Orliac, Stéphane Claireaux et Jacques Krabal. Il s’agit de « contribuer à la reconnaissance du rôle joué quotidiennement par le pharmacien dans le cadre de l’identification et du traitement des symptômes bénins et du suivi des patients, notamment par sa capacité d’orientation vers un autre professionnel de santé comme le médecin généraliste » selon les trois députés qui ont proposé cet amendement. De ce fait, l’État reconnaîtra officiellement les compétences des officines dans le cadre par exemple  des douleurs légères ou modérées, la fièvre, le rhume, les maux de gorge, l’herpès labial, le reflux gastro-œsophagien occasionnel. Des maux légers pour lesquels il n’est pas indispensable de consulter son médecin généraliste. En tant qu’infirmiers libéraux nous imaginons parfaitement qu’il vous aurez été logique que vos compétences dans ce même type de syndromes légers soient reconnues de même façon. Malheureusement, il semblerait que nous n’en soyons pas encore là…

La reconnaissance des compétences médicales de l’infirmier libéral : et la loi de Santé 2015 ?

Rappelons que, selon le Code de la Santé publique (Article R4311-1), les compétences infirmières sont les suivantes :

  • l’analyse,
  • l’organisation,
  • la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation,
  • la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques,
  • la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation la santé.

En Finlande, en cas de pénurie de médecin dans une spécialité, les infirmiers peuvent accomplir, après une formation adaptée, certains actes médicaux.

Ajoutons que la France possède une population riche de 98 249 infirmiers libéraux en métropole au 1er janvier 2014 (selon la DREES) et que cette profession est la plus représentée des professions de santé de proximité. Alors pourquoi encore aujourd’hui doit-on regretter de ne pas avoir reconnu ces sources de compétences infirmières au même titre que les compétences des pharmaciens dans le traitement des maladies bénignes .

Si l’on observe nos voisins proches, l’utilisation de ces compétences infirmières est largement supérieure à celle faite en France. Un rapport de Le CISS de 2010 fait état de cette situation illogique. Ainsi on y constate que d’autres pays européens semblent bien mieux utiliser les multiples compétences de ses infirmières que nous : « En Norvège et au Royaume-Uni, des infirmiers sont formés à la médecine d’urgence pendant 2 ans et sont habilités à faire des actes médicaux. En Finlande, en cas de pénurie de médecin dans une spécialité, les infirmiers peuvent accomplir, après une formation adaptée, certains actes médicaux. La Suède les autorise également, après une formation spécifique, à prescrire un nombre limité de médicaments ». Des exemples qui font rêver nos IDELs français.

En France il semblerait nécessaire voire primordial d’accorder à ces professionnels de santé au plus proche des patients, une place bien plus importante dans le parcours de soin de proximité. Une cohérence qui est à espérer de tout cœur pour enfin répondre aux problèmes urgents de pénurie des médecins généralistes comme de la gestion de la dépense de santé publique. Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, êtes-vous satisfaits de la reconnaissance par un texte de loi du rôle des pharmaciens dans le parcours de soin ? Pensez-vous que cette première démarche puisse aboutir à un élargissement de votre rayonnement dans la médecine de proximité ? Estimez-vous que la France puisse, à l’instar d’autres pays européens, vous confier des tâches médicalement mieux reconnues ?