Lire une ordonnance et surtout la comprendre. Cela pourrait sembler simple à la plupart de vos patients, pourtant, pour certains, la tâche est beaucoup plus grande. L’illettrisme n’a pas disparu et bon nombre de français malgré un niveau de scolarité en hausse en sont les victimes. Et vous les infirmiers libéraux, avez-vous des patients qui souffrent de ce mal insidieux et surtout, comment faites-vous pour communiquer avec eux ?

L’illettrisme en France : savoir lire et écrire n’est pas encore une chance pour tous

Évidemment lorsque nous parlons de l’illettrisme de certains de vos patients nous ne les jugeons pas sur la capacité à comprendre les hiéroglyphes gravés de leur médecin généraliste à la main sur leur ordonnance… Bien qu’heureusement pour tout le monde, les ordonnances informatisées sont devenues beaucoup plus lisibles que le scripte ancien de la main du médecin, ce qui, normalement, a dû faciliter grandement votre travail d’infirmier libéral !

Plaisanterie à part, le sujet de l’illettrisme est bien plus grave car il concerne encore en France 2 500 000 personnes selon l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Comment se soigner correctement lorsque l’on n’est pas à même de comprendre les instructions données, très souvent par écrit ? Comment remplir des documents de santé lorsqu’ils ne sont que des signes incompréhensibles sur des feuilles ?

En quoi cette situation pénible peut concerner les infirmiers libéraux ? Tout simplement parce que plus de la moitié de la population atteinte d’illettrisme a plus de 45 ans et le groupe d’âge le plus touché reste les 56-65 ans à 12 % (14 % en 2004).

Sans compter que cette situation d’« handicap du mot » n’est pas répartie de façon égale sur le territoire français. Sachant que la moyenne nationale d’illettrisme est de 7 % de la population française en 2013, on constate qu’en Île-de-France elle est de 5 %, en Haute-Normandie elle est de 8 % jusqu’à atteindre en Picardie les 11 % tout comme la région Nord-Pas-de-Calais 11 % (contre 14 % en 2004).

L’illettrisme avait été déclaré « grande cause nationale » en 2013, lorsque l’on voit ces chiffres préoccupants alors que la scolarisation est de plus en plus longue, il devient nécessaire aux personnels de santé de proximité de s’adapter à cette population socialement en grande difficulté, une difficulté qui augmente bien sûr avec l’âge et la perte de certaines capacités cognitives.

Comment les IDELs et le personnel médical peut-il adapter sa communication à des patients illettrés ou analphabètes ?

Bien évidemment face à cette situation, le gouvernement a mis en place, par l’intermédiaire de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, de nombreux programmes de formations pour pallier aux difficultés de ces personnes ayant perdu l’usage de l’écriture ou de la lecture. Toutefois les seniors, selon un rapport de l’OREF Poitou-Charentes de 2012, ne représentent par exemple que 11 % des apprenants picto-charentais bénéficiant d’un parcours renforcé dans le cadre du programme d’accès aux Compétences-Clés en 2011.

Les deux facteurs déterminants de cette population de seniors touchée par l’illettrisme seraient « qu’ils aient suivi des études moins longues que les générations suivantes, ce qui a pu fragiliser leur apprentissage de la lecture et de l’écriture. Mais aussi qu’elles auraient également quitté le système scolaire depuis longtemps : faute de les appliquer, leurs apprentissages ont pu se défaire et demanderaient à être réactivés ».

Les seniors d’aujourd’hui sont donc les patients des infirmiers libéraux de demain. Pour autant, il ne s’agira pas de considérer que le patient illettré ou analphabète ne puisse pas avoir les mêmes capacités de compréhension orale que les autres. Ainsi, bien souvent, pour palier à ce type de handicap à l’écrit la personne souffrant de cet enfermement écrit va développer de fait d’autres capacités de façon appropriées au handicap telles que la mémoire visuelle et auditive.

Il faudra donc d’adapter vos messages et votre communication à « un langage simple et des choix de médias et de messages adaptés peuvent aider à surmonter les obstacles à la bonne communication et vous aider à rejoindre un plus grand nombre de personnes ». N’hésitez pas non plus chers IDELs pour vos patients en difficultés avec l’écrit à vous appuyer sur les réseaux régionaux et départementaux fournis par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme sur leur site Internet.

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, avez-vous des patients ayant des difficultés lourdes avec l’écriture ou la lecture ? Comment avez-vous adapté votre façon de communiquer avec ces personnes ? Trouvez-vous que le réseau d’aide et de formation contre l’illettrisme en France soit suffisant pour lutter contre ce grave fléau touchant toutes les catégories d’âges confondues ?