Le suicide assisté d’une infirmière britannique pose à nouveau le problème de la fin de vie et de l’euthanasie. Mais par sa fonction et sa formation, cette infirmière nous pousse aussi à nous interroger sur l’accompagnement du personnel soignant en général, et des IDEL(s) en particulier.

Une infirmière britannique à la retraite se décide pour le suicide assisté

Si le fait divers fait grand bruit et polémique outre-Manche, il n’a guère été relayé dans l’Hexagone. Le 21 juillet dernier, Gill Pharaoh s’est éteinte après avoir décidé de recourir au suicide assisté. La question de la fin de vie, des soins palliatifs et de la dignité dans les derniers moments de la vie fait donc débat en Grande Bretagne. Mais bien d’autres interrogations apparaissent à la lecture du récit détaillé de ce suicide.

Certes, les deux enfants de la défunte avaient manifesté leur désaccord, alors que son compagnon lui-même, John Southall ne soutenait pas ce choix. Cela ne l’empêcha pas de défendre la position de sa compagne défunte en affirmant que « choisir le moment de sa mort est un droit dont dispose chaque être humain, qui peut se permettre de le nier ? »

Les motifs de cette décision radicale font autant polémiques que le suicide assisté en lui-même. Si Gill Pharaoh ne souffrait pas d’une maladie mortelle à court terme, elle était victime de plusieurs maladies invalidantes et permanentes, polypathologie considérée comme une maladie grave dans ce processus du suicide assisté.

Le manque d’accompagnement des infirmières, des conséquences au long cours

Agée de 75 ans, Gill Pharaoh exerça le métier d’infirmière, dont plusieurs années dans un service de soins palliatifs. Aussi lorsqu’elle explique son geste dans les colonnes du Sunday Time, elle souligne bien sa volonté de ne pas vivre comme « une vieille dame bloquée dans des lits d’hôpitaux ». Si la question de l’euthanasie, ou du suicide assisté, se pose bien, celle de la prise de conscience d’une infirmière en soins palliatifs interroge les professionnels de santé.

Tout en prenant les précautions d’usage, et sans chercher à élucider les raisons ayant conduit Gill Pharaoh à finir sa vie en Suisse, ce fait divers pose bien le problème de l’accompagnement des patients en fin de vie par les soignants.

L’isolement des IDEL(s), un risque supplémentaire ?

Même si chacun se plait à souligner l’importance du suivi et de l’encadrement du personnel soignant, on est en droit de s’interroger sur les difficultés supplémentaires, auxquelles doivent faire face infirmières et infirmiers libéraux. Avec une hospitalisation à domicile de plus en plus fréquente, les cas traumatisants de fin de vie vont se multiplier, sans qu’une réponse appropriée ne semble se dessiner pour ces professionnels (libéraux) de la santé.

L’infirmier ou l’infirmière libérale se retrouve, par définition, plus isolé(e) que le personnel œuvrant au sein de structures hospitalières. Les idées noires de Mme Pharaoh ne risquent-elles pas, dans ces conditions, de s’insinuer sournoisement dans vos cabinets ? La question mérite d’être posée, même si la thématique continue à demeurer sensible et (trop) peu souvent évoquée.

Les IDEL(s), une solitude à prendre en compte

L’accompagnement d’un patient dans les derniers instants de son existence demeure difficile à vivre pour les IDEL(s), d’autant plus que leur surcharge de travail et les journées à rallonge ne disparaitront ni ne s’atténueront pour autant.

Faire face et continuer, la mission dévolue aux IDEL(s) s’avère donc difficilement tenable. Dans une structure hospitalière, le décès implique une organisation précise et la famille du défunt est prise en charge par l’équipe soignante, elle-même « surveillée » et « accompagnée ». A domicile, la famille se retourne vers l’IDEL, qui doit donc, outre son propre traumatisme, prendre en compte la douleur des proches.

Car, au fil des mois, les infirmiers et infirmières libéraux contractent une certaine intimité non seulement avec le patient lui-même mais aussi avec sa famille.  Ces interrogations dépassent donc amplement la seule thématique de la fin de vie et des soins palliatifs mais soulignent bien un constat irréfutable  : les infirmiers et infirmières libéraux doivent être formés et accompagnés pour gérer ces cas difficiles de fin de vie. Rappelons, une fois encore, que ces cas traumatisants sont appelés à se multiplier au même rythme que se développera l’hospitalisation à domicile.

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, vous semblez-vous suffisamment formés pour affronter ces cas difficiles de fin de vie ? Comment avez-vous réagi à titre personnel ? Quelles sont les questions qui vous perturbent le plus ?