Dans le cadre de travaux sur l’hospitalisation à domicile en France, la Mission d’évaluation des comptes de la sécurité sociale a écouté les infirmières et les infirmiers libéraux ainsi que leurs syndicats. Critiques, aspects à renforcer, compétences à définir, …les infirmières libérales ont pu s’exprimer librement.

Les infirmières libérales ont été écoutées, mais ont-elles été entendues ?

C’est le 12 juillet dernier, que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), a pris connaissance du rapport des députés relatifs à l’hospitalisation à domicile (HAD). Le titre même du rapport indique le parti pris par les représentants du peuple : L’hospitalisation à domicile : une place à conforter dans le parcours de soins.

Les députés de la Mission d’évaluation des comptes de la Sécurité Sociale ont, pour rédiger ce rapport, entendu les infirmières libérales et hospitalières, les syndicats d’IDELS et d’IDE et même l’Ordre national des Infirmiers (ONI). Mme Joëlle Huillier, députée socialiste de l’Isère et rapporteure du rapport expliquait même aux infirmières libérales :

Nous souhaitons connaitre votre sentiment sur le rôle que doit avoir l’infirmier dans les soins à domicile

L’approche mérite d’être soulignée, car le rôle central des infirmières et des infirmiers libéraux semblaient donc être au cœur des démarches. Mme Huillier allait même plus loin encore en affirmant que « (…) même si le médecin traitant est censé être le pivot des soins de ville, très souvent au domicile, le vrai pivot, ce sont les IDELS. »

 

Les infirmières libérales ne s’opposent pas à l’hospitalisation à domicile à condition que…

Forts de cette reconnaissance à priori, les infirmières et infirmiers libéraux ont pu faire entendre leurs voix auprès de la commission. Ce fut l’occasion de rappeler, que depuis le virage de l’ambulatoire, pris par la politique de santé il y a 20 ans, les Infirmières libérales ont toujours su s’adapter aux nouvelles responsabilités, que les autorités sanitaires leurs confiaient. Dans l’ensemble, syndicats et IDELS se retrouvaient pour croire aux avantages de l’HAD, dès lors que celle-ci « se substitue à l’hospitalisation conventionnelle ».

A l’inverse, les infirmières et infirmiers libéraux ont également dénoncé la captation de patients, ne nécessitant pas de soins complexes, par l’HAD en soulignant la concurrence déloyale qui leur est faite par ces structures. Le syndicat Convergence Infirmière a même fait état d’un sondage réalisé auprès de ses adhérents. Sur 1800 réponses reçues, seuls 252 IDEL(s) reconnaissent que l’HAD a été nécessaire et bénéfique à l’un de leur patient pour une raison ou une autre soit 14 % seulement. Même si l’objectif n’est pas de tirer un enseignement général, ce sondage reflète bien les dérives de l’HAD aux yeux des infirmières et infirmiers libéraux.

Entre HAD et SSIAD, les hésitations de la commission de l’Assemblée Nationale

 

Plus officiels, les chiffres du rapport préparatoire de la Cour des Comptes de décembre 2015 semblent confirmer cette situation. Dans son rapport, les magistrats soulignent que 25 % de l’activité de l’HAD concernent des pansements complexes.

Par définition, les pansements relèvent de la compétence des infirmières et des infirmiers libéraux. A l’évocation de ce sujet, le directeur juridique de l’ONI, Yann de Kerguenec, semblait devoir rappeler :

S’il y a besoin de plusieurs personnes pour réaliser un pansement complexe, on peut penser qu’il relève effectivement de l’HAD. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Sans s’opposer à l’HAD, mais en réaffirmant la nécessité de bien définir les champs de compétences de chacune des parties, les infirmières et infirmiers libéraux ont donc écouté attentivement la position de la commission, exprimée par Mme Huillier :

Nous nous interrogeons sur la façon dont sont pris en charge les patients à domicile. Nous avons eu l’impression que certains sont trop « légers » pour l’HAD et qu’ils seraient mieux dans un Service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), tandis que, dans le même temps, il semble que des patients pris en charge en libéral ou en SSIAD sont parfois trop lourds.

C’est donc en prenant en compte les attentes des infirmières libérales et en écoutant leurs positions face à l’HAD, que la Mission d’évaluation des Comptes de la Sécurité Sociale a rédigé son rapport, qui a été présenté le 12 juillet dernier. Nous reviendrons, dans notre prochain article, sur le fond du rapport en lui-même, mais il apparaissait essentiel de souligner que pour une fois, les infirmières et infirmiers libéraux ont été écoutés et questionnés. Ont-ils été entendus ? C’est une autre question, à laquelle nous apporterons des éléments de réponse dans quelques jours. 

Considérez-vous que cette prise en compte de la parole infirmière soit de bon augure pour la suite des événements ? Quelle est votre position, en tant qu’IDEL, sur l’hospitalisation à domicile ? Infirmières et infirmiers libéraux d’une part et HAD d’autre part peuvent-ils coexister de manière apaisée ?