Même si les infirmières et les infirmiers libéraux peuvent se targuer de disposer d’un Ordre National mais aussi d’un Collège National, ils ne sont, au final, pas représentés dans leur diversité. N’est-ce pas ce manque de représentation, qui pourrait expliquer les tensions récurrentes entre les IDEL(s) et les autorités publiques ?  

Le Collège Infirmier Français connait-il vraiment les infirmières libérales ?

En fédérant 17 organisations représentatives, le Collège Infirmier Français (CIF) a vu le jour le 14 mars 2015, comme s’il fallait absolument que la profession infirmière, dans toute sa diversité, singe les kinésithérapeutes ou encore les médecins généralistes, qui disposaient déjà d’un tel organe. Les plus sceptiques s’étaient déjà interrogés à l’époque sur les missions d’un tel Collège. Le CIF répondait alors en définissant ses missions d’une manière laconique puisque ce CIF ambitionnait d’« apporter la meilleure réponse aux besoins de santé de la population, dans une vision positive et innovante de la profession infirmière ».

Sans entrer dans des polémiques, qui n’ont cessé de se multiplier depuis la création du CIF, signalons néanmoins que le 25 mai dernier, le Syndicat National des Infirmiers et Infirmières libérales (SNIIL), qui faisait partie des 17 organisations originelles de ce collège, se retirait au prétexte, que les infirmières et infirmiers libéraux n’étaient pas suffisamment représentés. Mme TOUBA, présidente du SNIIL, s’énervait même de cette situation : « (…) ce sont uniquement des salariés et le plus souvent des cadres, qui prennent la parole au nom de tous. » En réponse à ces accusations, le CIF soulignait que les IDEL(s) étaient encore représentés au sein de l’organisation. Néanmoins, l’unité affichée il y a plus d’un an semble bien être brisée, en ce qui concerne l’exercice libéral de cette profession dans tous les cas.

Un Collège pour pallier à l’insuffisance de l’Ordre National des Infirmiers ?

On est en droit de se poser légitimement la question tant l’Ordre national des Infirmiers est décrié et critiqué depuis sa fondation. Cette dernière est récente puisqu’elle fait suite à la loi du 21 décembre 2006. Comme pour le CIF, nous n’allons pas, faute de place et par souci d’objectivité, lister tous les griefs portés par les uns et par les autres contre l’ONI. Force est de constater néanmoins, que les infirmières et infirmiers libéraux estiment, pour une bonne partie d’entre eux, que cet ordre ne représente pas l’exercice libéral de la profession. Non représentatif, cet ordre est également accusé d’être inutile. Plusieurs syndicats d’infirmières se sont, depuis longtemps, prononcé pour cette suppression.

Même les autorités publiques s’interrogent, puisque le 10 avril 2015, la suppression de l’ONI était même votée par les députés (l’amendement sera alors ensuite abandonné à son tour). Pour justifier de cette suppression, les députés se justifiaient en écrivant :

« Certaines des missions dévolues à l’ordre n’apparaissent pas opportunes. Tel est le cas, à l’occasion de l’inscription au tableau, de la vérification par l’ordre des garanties ‘de compétence, de moralité et d’indépendance’ requises pour l’exercice de la profession après que les contrôles d’identité et de casiers judiciaires aient été effectués à l’inscription à la formation«  

Quelle organisation pour représenter les infirmières et les infirmiers libéraux ?

La Ministre de la Santé, Marisol Touraine, annonçait même, en mai 2014, que « l’avenir de l’ordre national des Infirmiers est clairement menacé ». Si la Ministre semble avoir adouci ses propos depuis, elle ne cesse de regretter qu’on n’ait pas donné plus de pouvoir au Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP).

On comprend la situation difficile de cet O.N.I., auprès duquel les infirmières et infirmiers libéraux doivent obligatoirement s’inscrire pour pouvoir exercer, et cette obligation, mise en parallèle avec le jugement sévère des IDEL(s) quant à leur ordre, n’est pas étrangère à ce climat de défiance.

C’est donc un véritable problème de représentation de la profession infirmière qui est posée. Plus précisément de l’exercice libéral de celle-ci. En milieu hospitalier, les infirmières et infirmiers disposent des organes représentatifs pour discuter et négocier notamment en ce qui concerne leurs conditions de travail. Mais parce ce que par définition, l’infirmière ou l’infirmier libéral exerce dans une certaine forme de solitude, et que ni le collège National des Infirmiers ni l’O.N.I. ne semblent en mesure de pouvoir porter leurs revendications, les IDEL(s) semblent bien seuls pour se faire entendre. L’accumulation des tensions entre infirmières libérales et Ministère de la Santé peut (ou doit ?) être recherchée de ce côté-là, puisque la seule voie offerte aux infirmières libérales pour se faire entendre semble résider dans l’action syndicale, voire dans la création de collectifs d’infirmières et d’infirmiers en colère. Deux situations, qui, il faut bien l’avouer, ne prêtent pas à une négociation apaisée…

Pensez-vous que vous êtes suffisamment représentés ? Estimez-vous que les syndicats peuvent se substituer à un véritable organisme représentatif des IDEL(s) ?