Nous avions déjà évoqué, en fin d’année dernière, la transcription dans le droit français d’une directive européenne organisant l’accès partiel à la profession d’infirmière. Cette décision avait mobilisé toute une profession, et les infirmières libérales ne comprenaient pas comment la France pouvait « accorder un accès partiel au cas par cas » à des infirmières venues d’ailleurs, alors que dans le même temps, elles devaient se plier à des contraintes et des exigences de plus en plus nombreuses. Certes, cette réglementation ne concerne pas uniquement pas les infirmières libérales mais peut, en théorie, s’appliquer à tous les métiers.

L’opposition a été vive, les organisations professionnelles et l’Ordre National des Infirmiers manifestent leur désapprobation depuis des semaines, et même le Haut Conseil des professions paramédicales avait émis un avis négatif. Ces réticences n’ont pas suffi, et l’ordonnance officialisant cette décision a été publiée le 20 janvier dernier. Certes, l’action des opposants à cette loi n’est pas éteinte, et l’ONI a déjà fait savoir qu’il déposerait un recours devant le Conseil d’Etat alors que la quasi-totalité des syndicats a laissé entendre que la pression sur les députés n’allait pas se relâcher, jusqu’à ce que ces derniers rejettent cette transcription du droit européen.

 

La qualité des soins, au cœur des préoccupations des infirmières libérales

 

Mais ce sont les infirmières et infirmiers libéraux, qui se mobilisent avant tout, et vous avez été nombreux à réagir à ce sujet. La qualité des soins et la nature même de la profession d’infirmière libérale sont au cœur de vos préoccupations. Pour Nathalie Kessler, « L’Europe veut de la polyvalence, c’est à dire que les diplôme ne serviront plus à rien. N’importe qui pourra faire n’importe quoi. On voit déjà le niveau avec les médecins étrangers venant de l’est, c’est dramatique ils ne sont médecins que par le nom, mais pas par les compétences « 

Ces inquiétudes liées à la qualité des soins, qu’elles proviennent d’infirmières libérales ou de collègues hospitalières, ne visent pas les infirmières étrangères mais pointent plutôt la différence de formation, pouvant exister entre les différents Etats membres de l’Union Européenne. Il ne s’agit pas de hiérarchiser les formations respectives mais d’en faire ressortir les différences, qui peuvent conduire à une différence notable au quotidien. Après s’être renseignée sur la formation des infirmières espagnoles, Sabyne Courdesses renchérit en expliquant : «  C’est pas du tout le même niveau à la sortie. 4 ans de fac (en Espagne) ne valent pas tous les stages pratiques que l’on a. Nous n’avons pas du tout la même formation et le travail demandé en service, selon les pays, est totalement différent. » Et le fondement de cette opposition provient peut-être de cette approche différente.

 

Des infirmières, des professionnelles de santé pour une politique unique

En effet, puisque chaque Etat membre est maître pour définir sa politique de santé, il est aussi décideur en ce qui concerne la formation des professionnels, dont les infirmières. Et les objectifs poursuivis par le Ministère de la Santé ne suivent pas les mêmes buts que son homologue ibérique ou polonais. Sans émettre de jugement sur les priorités des uns et des autres, ces différences se retrouvent lorsqu’il s’agit de définir les fiches de poste des infirmières hospitalières et / ou libéral. Et vouloir transposer, de manière unique, ces innombrables approches peut en effet poser problème ;

Car à ces questions sur la qualité des soins s’ajoutent aussi les problématiques liées aux droits et devoirs des infirmières (un accès partie impliquera-t-il des devoirs revus …à la baisse), mais aussi à la rémunération. N’est-ce pas créer une nouvelle catégorie d’infirmières et ainsi créer un climat malsain au sein d’une profession déjà en souffrance. C’est ce que craint Cathou Magic, en décrivant sa propre situation :

« Le problème n’est pas qu’elles soient « étrangères », c’est que les écoles sont différentes ! En Belgique par exemple le niveau est différent malgré ce qu’on peut dire ! Mais les infirmières belges, elles pourront faire du libéral et moi non ?! Je suis Ide depuis 12 ans ! J’ai fait du service et même du bloc pendant 6 ans puis je suis en partie en labo pour avoir des horaires plus souples pour fonder ma famille et on me refuse l’autorisation d’exercer en libéral !!!!! Je dois retourner 18 mois en hospitalier pour avoir l’autorisation ! Ce qui signifie pour moi perte de salaire et horaires compliqués parce qu’il ne faut pas se leurrer, si je trouve (parce que pour l’instant 0 réponse positive) je vais faire le bouche trou durant ces 18 mois!!!! Donc super décourageant ! Je trouve cela injuste. « 

On comprend mieux, que cet accès partiel à la profession d’infirmière n’a pas fini de déchainer les oppositions entre les pro et anti, d’autant plus que la France sera le 3ème pays seulement à appliquer cette directive européenne.

Et vous, avec cette nouvelle législation estimez-vous qu’il existe un danger réel pour la profession infirmière dans son ensemble ? Ces nouvelles dispositions vous donnent-elles envie, à votre tour, d’aller exercer ailleurs en Europe ?