600.000 et même un peu plus, c’est le nombre, toutes spécialités et toutes formes d’activités confondus, d’infirmières et d’infirmiers en France. Chaque structure, chaque spécialité, chaque infirmier a des griefs à faire entendre. Mais c’est avec le but de représenter toute la profession, que 4 infirmières ont écrit un manifeste. 600.000 signatures même électroniques, l’objectif est ambitieux comme l’est aussi celui de la vocation profession, dont on parle.

Vous pourrez retrouver l’intégralité du manifeste et le signer directement en ligne, même si nous avons décidé de vous en présenter certains des points les plus importants, si tant est que l’on puisse établir une hiérarchie en la matière.

4 infirmières pour représenter la diversité de la profession depuis la formation initiale …

Pour tendre vers cette représentativité, les 4 infirmières ont volontairement décidé de ne pas relater leur propre parcours mais de s’en inspirer pour dresser un portrait aussi juste que possible. De l’étudiant infirmier à l’infirmière libérale, en passant par son homologue hospitalière, le quotidien d’une profession est dévoilé dans toutes ses dimensions.

Le manque d’encadrement en formation est juste souligné sans accusation « Il n’y a personne à incriminer en particulier, seul le manque de temps ou de personnel peuvent être responsables de telles situations. » L’étudiant ou l’étudiante se débrouille donc avec les moyens du bord, se disant qu’il faut en passer par là comme l’ont fait les infirmières et les infirmiers actuellement en exercice. Sauf qu’aujourd’hui « le chômage a fait son entrée dans la profession. Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les manques d’effectifs dans les hôpitaux de ce pays. » Il en faut donc pour suivre la formation à son terme, mais qu’importe puisque l’amour du métier est intact.

… jusqu’à l’arrivée en milieu hospitalier…

L’arrivée à l’hôpital représente la concrétisation de cette passion mais aussi la prise de conscience sans faux-semblants : « Une clinique où soin rime avec rentabilité, où le patient est aussi un client. » Et en la matière, la différence est ténue entre l’hôpital et la clinique désormais. Les conditions de travail y sont aussi difficiles et question rémunération, le privé ne fait plus rêver. « J’ai ma besace pleine d’heures sup’ mais peu sont payées et les récupérer, je n’y pense même pas. »

Des conditions de travail usantes pour un métier déjà si fatiguant. « Le soir, j’ai mal aux jambes à cause de tous ces kilomètres parcourus dans la journée. Le soir, j’ai mal au dos à cause de tous ces corps meurtris que l’on doit manipuler. Le soir, j’ai mal au cœur à cause de toute cette souffrance côtoyée. »

A cela s’ajoute les responsabilités, à commencer par la première d’entre-elles : le bien-être des patients, mais aussi les peurs, dont celle d’être poursuivi en cas d’erreurs. Et des erreurs, elles sont nombreuses les infirmières à y penser, à s’angoisser, parce que soigner dans les conditions actuelles ressemble davantage à du travail à la chaîne. Parce qu’il faut remplir le plus de lits, faire sortir les gens de plus en plus vite pour en accueillir d’autres.

… avant l’aventure de devenir infirmière libérale

Parfois, ces conditions poussent certaines à chercher des issues plus favorables. « les objectifs financiers prenant le pas sur la prise en charge globale et humaine du patient, j’ai pris la décision de quitter la fonction publique et de m’installer en libéral. ». La passion reste toujours aussi tenace mais les difficultés aussi, sans compter ces horaires à faire rougir les plus farouches défenseurs des 35 heures.

Un manque de reconnaissance aussi criant qu’à l’hôpital et une rémunération qui n’augmente pas dans les mêmes conditions que les charges pesant sur l’infirmière libérale. « Quinze ans à recevoir des honoraires dont le prix moyen est de cinq euros et qui n’a quasiment pas augmenté depuis trente ans. ». Le constat est affligeant, et explique les nombreux départs d’infirmières et infirmiers libéraux, qui conservent toujours néanmoins la « vocation » d’infirmière mais qui abandonnent, vaincus, écrasés par le système. « Quinze ans que je prends soin des autres et que je ne peux me permettre de m’arrêter malgré une sciatique persistante faute de protection sociale suffisante. »

Infirmière, bien plus qu’une profession à protéger

Le manifeste témoigne bien de la réalité d’une grande majorité des infirmières et infirmiers de France. Un constat dressé sans à-priori et sans exagération, mais un constat terrible, et dans lequel de nombreux professionnels se reconnaitront. Mais les patients ou leur famille aussi pourront retrouver dans ces récits le dévouement de ces infirmières, le seul point commun de toutes ces tranches de vie. «  (…) je suis infirmière libérale mais je pourrais être l’infirmière qui t’accueille aux urgences, celle qui soigne ton tout‐petit en pédiatrie, celle qui soigne ton vieux en gériatrie. Celle qui s’occupera de toi à ton réveil de chirurgie, celle qui tiendra la main de celui qui s’endort, que tu aimes et que tu as tellement de peine à voir mourir… ». Car soigner les patients reste le maitre-mot de cette profession. Libérale ou hospitalière, l’infirmière c’est « celle qui tient les pinces, les aiguilles et qui te touche de ses mains gantées de latex blanc en continuant de te sourire alors que tu auras perdu le tien. »

4 infirmières ont donc rédigé ce manifeste non pas pour se lamenter ou faire pleurer dans les chaumières (même si elles savent fort bien que leur texte arrachera plus d’une larme) mais pour mobiliser et attirer l’attention, puisque les autres moyens ne semblent pas suffire. « (…) , quand nous, les soignants, sommes dans la rue au lieu d’arpenter les couloirs de nos services de soins, nous devons faire face au silence des médias, de l’État et des institutions qui nous embauchent. » Le manifeste veut donc sonner le rassemblement de tous, des infirmières et des infirmiers, mais aussi des patients et de leur famille et plus généralement de toutes celles et tous ceux, se préoccupant du système de santé en France ? « la santé française est malade et les soignants sont en souffrance de devoir se battre à conjuguer santé et rentabilité en vue de combler le sacrosaint trou de la sécu que l’État »

 

Le manifeste des 600.000

Parce que toutes les infirmières libérales sont concernées par l’avenir de la profession, parce que seule une forte mobilisation et d’innombrables relais permettront de mobiliser autant de monde, … nous avons décidé de relayer cette action portée par ces 4 infirmières. A ce jour, près de 8.000 signatures ont déjà été enregistrées, le chemin est donc encore long avant d’attendre 600.000 mais l’objectif est réalisable. Le manifeste n’est en rien un appel corporatiste, ni même une liste de revendications mais bien un appel à l’aide pour qu’enfin les autorités publiques ne tournent plus la tête devant la litanie hurlée par les infirmières et infirmiers de France. Aussi dépasse-t-il amplement la sphère des seuls infirmiers en s’adressant à tout un chacun, puisque nous sommes tous appelés, à un moment ou à un autre de notre vie, à faire appel à … une infirmière.

A tous les membres du gouvernement : Nous sommes aujourd’hui environ 600 000 infirmiers en souffrance, 600 000 infirmiers maltraités, 600 000 infirmiers qui n’attendent que votre soutien.

Aux patients, aux familles, à tous ceux qui, un jour ou l’autre, auront besoin d’un infirmier : Nous avons plus que jamais besoin de vous pour préserver la qualité de nos soins. Nous avons besoin de vos voix pour nous faire entendre.

A toi qui lis ce manifeste : Nous avons besoin de ta signature pour enfin être entendus ! ».

Corinne, Myriam, Peggy, Charline, quatre infirmières parmi 600 000 …