Le refus de soin des infirmières libérales est-il permis et à quelles conditions ?

 

La question se pose pour les infirmières et infirmiers libéraux comme pour tous les professionnels de santé. La liberté et l’égalité de traitement des patients impose-t-il aux infirmières libérales de devoir tout accepter sans restriction ?

Le refus de soin, un droit issu de la liberté des infirmières et infirmiers libéraux

Les règles d’éthique et les obligations des infirmières et infirmiers ont été récemment rappelés lors de la publication du Code de déontologie Infirmier. Ce dernier confirme ainsi les dispositions du code de la Santé Publique (CSP) ainsi que celles du code de déontologie des médecins en ce qui concerne les principes d’égalité des patients pour tout ce qui concerne l’accès aux soins. Ainsi ce Code de la santé publique définit ce droit opposable à chaque professionnel de santé qui doit « écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. »

S’il s’agit bien là d’une règle éthique pour les infirmières et infirmiers libéraux comme pour tous les professionnels de santé, cela n’empêche pas les mêmes textes réglementaires d’ouvrir le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, mis à part les situations d’urgence.

Des motifs licites pour des refus de soin justifiables

En faisant reposer les refus de soins sur des raisons professionnelles ou personnelles, les textes en vigueur ouvrent la voie à d’innombrables motifs. Certains refus sont ainsi considérés comme licites, alors que d’autres seront condamnés voire annulés par les autorités compétentes. Les études sur le sujet, qu’il s’agisse d’infirmières ou d’infirmiers libéraux ou de médecins, sont rares, et la dernière d’importance (Résoudre les refus de soins) a été rendue public lors de la Conférence nationale de la Santé du 10 juin 2010.

Pour commencer, il faut pour que le refus de soins soit considéré comme licite, que l’infirmière ou l’infirmier libéral réoriente le patient vers un autre professionnel compétent. Si cette condition est respectée, l’interrogation sur la légitimité des motifs invoqués se pose alors.

En revanche, les deux principes de continuité et de permanence des soins complexifient encore un peu plus l’acceptation de certains motifs au titre d’arguments licites au refus de soins. Pour autant, le refus de soins au prétexte que le patient bénéficie de la Couverture Maladie Universelle (CMU) ne peut être, selon le rapport de la Conférence Nationale de la Santé, une justification recevable.

Dans ces conditions, on comprend que chaque situation reste unique et spécifique, amenant les autorités à refuser de dresser une liste des motifs pouvant être considérés comme licites et préférant s’en remettre au jugement individualisé de chaque situation.

Néanmoins, la sécurité de l’infirmière libérale sera un motif légitime, comme l’a rappelé un arrêt du Conseil d’Etat en 1999. Le conseil d’Etat a donné droit à une infirmière libérale, qui refusait de se déplacer dans un centre pénitentiaire si elle n’était pas accompagnée d’un surveillant pénitentiaire.

Si l’IDEL estime que son intégrité physique n’est pas garantie, il pourra opposer un refus de soins.

L’infirmière libérale une professionnelle de santé libre de s’organiser ?

Sans manquer à ses devoirs d’humanité, l’infirmière libérale peut en revanche s’organiser comme elle le souhaite, notamment en ce qui concerne ses jours et ses horaires de travail. Ses choix peuvent justifier un refus de soins, tout comme ce dernier sera déclaré licite si les soins dépassent les compétences du professionnel de santé concerné. Si l’infirmière libérale estime que toutes les conditions ne sont pas réunies pour effectuer les soins dans les meilleures conditions, elle pourra alors les refuser.

On comprend qu’en théorie, les infirmières et infirmiers libéraux semblent être libres d’accepter ou de refuser les soins, que leurs patients leur demandent, alors qu’en pratique chaque décision pourra faire l’objet d’une remise en cause et donc d’une procédure devant l’une des nombreuses juridictions concernées. Manque de clarté ou invitation au sens de la responsabilité des professionnels de santé ?

Comment interprétez-vous la légitimité d’un motif pour justifier un refus de soins ? Estimez-vous que les règles en la matière soient assez précises ? Avez-vous déjà été confrontés à une telle situation ?