Même si le sujet semble être tabou, l’épuisement professionnel pose question pour les infirmières et infirmiers libéraux. Mais comme pour bien d’autres professions médicales ou paramédicales, l’origine de ce burnout semble être à rechercher dans la nature même de cette vocation, devenue activité professionnelle.

Les infirmières libérales et leurs patients, une relation difficile à construire

Que ce soit à l’hôpital ou au domicile des patients, la relation entre une infirmière ou un infirmier et ses patients apparaît être un difficile compromis à trouver. Il s’agit naturellement d’une relation impliquant un plus grand pouvoir de l’infirmière, qui dispose en effet d’une « position de force » vis-à-vis d’un patient en situation plus ou moins vulnérable. L’infirmière libérale effectue ses soins contre rémunération, alors que le patient dépend de ces derniers pour sa santé et/ou son confort de vie au quotidien. Ce déséquilibre de la relation reste naturel et inhérent à la profession infirmière, et on entend souvent certaines personnes parler d’une injustice de cette relation.

La situation des personnes âgées, préférant le maintien à domicile plutôt que l’hospitalisation, concentre une grande partie des questions liées à cette thématique. Personne ne peut le contester, et nous ne concevons pas de remettre cette relation soignant/soigné en cause, mais il faut aussi attirer l’attention sur l’injustice, ressentie par les infirmières et les infirmiers. D’une nature différente, cette injustice ressentie concerne tous les professionnels de santé et en particulier les infirmières libérales, représentant souvent le lien direct avec les patients et leur famille.

Le malaise des infirmières libérales face à leur patientèle

On ne s’attardera pas -alors que le sujet mériterait néanmoins d’être traité en profondeur – sur l’injustice née d’une rémunération non revalorisée depuis des années ou encore sur celle à venir en ce qui concerne l’accès partiel à la profession. L’injustice principale ne réside pas là mais dans les soins mêmes prodigués par les professionnels de santé, que sont tous les infirmiers de France.

C’est souvent par vocation, que les infirmières libérales ont choisi d’exercer leur activité et cette ambition trouve, depuis peu, une concrétisation officielle : « L’infirmier, au service de la personne et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient, de sa famille et de ses proches. «

Ces principes de respect sont par contre trop souvent en opposition avec la réalité du terrain. Comment être fidèle à ces principes, lorsque le chronométrage s’est invité dans le quotidien des infirmières libérales ? Des soins ne devant pas dépasser une demi-heure, l’absence de la prise en compte de la nécessité de dialoguer et d’échanger avec ses patients, … Cette contradiction entre « ce qu’il faudrait faire » et « ce qui doit être fait » représente une injustice quotidienne pour les infirmières et les infirmiers libéraux. Ce sentiment est aggravé, dans la mesure où le pouvoir de changer cette approche de la relation soignant/soigné ne dépend plus de ces professionnels de santé mais bien des autorités de tutelle.

Un sentiment d’injustice pouvant mener au burnout

Cette réalité des infirmières libérales se retrouve également dans le malaise du personnel hospitalier. Lorsque les infirmières hospitalières condamnent le glissement de leurs patients vers un nouveau statut de clients, elles expriment également le ressenti des IDEL(s) au quotidien. Certains souligneront que cette injustice structurelle n’est pas unique aux professions médicales. Certes, mais il s’agit en l’occurrence de la santé des patients et des patientes, ce qui confère une importance essentielle à cette question.

Cette injustice de ne pas pouvoir respecter ses engagements originels conduit en outre les infirmières libérales comme tous les autres professionnels de santé sur la voie de la dévalorisation de soi. En effet, même si elles n’en sont pas responsables mais victimes, les infirmières libérales ressentent au quotidien les conséquences de ces soins prodigués dans les règles de l’art et en conformité avec les prescriptions en vigueur, mais sans la prise en compte de l’importance de cette relation soignant/soigné. Et à la longue, cette dévalorisation peut conduire à l’épuisement professionnel. Déjà décrit à de nombreuses reprises en ce qui concerne le milieu hospitalier, le burn out n’est en effet pas étranger aux infirmières et infirmiers libéraux, bien au contraire, même si souvent il est passé sous silence et considéré comme un « mal nécessaire » ….

 

Ressentez-vous cette injustice dans votre quotidien ? Considérez-vous que les infirmières libérales sont particulièrement menacées par cet épuisement professionnel ?