L’infirmière libérale, un modèle de vertu ou une professionnelle efficace ?

Alors que les infirmières et infirmiers libéraux portent des revendications fortes depuis plusieurs semaines, les autorités de tutelle insistent sur la nécessité de moraliser les professions médicales et paramédicales. Pourquoi un tel décalage entre la nécessité du quotidien et l’ambition d’un idéal aseptisé ?

Les infirmières médicales et autres professions paramédicales, des victimes d’un climat de défiance

La campagne électorale des Présidentielles 2017 a fait émerger une exigence de transparence et d’éthique à l’égard de la classe politique. Les Français et les Françaises ne comprennent plus leur classe dirigeante, jugée coupable de liaisons dangereuses. Pour autant, au quotidien, ce sont bien d’autres professions, à qui on impose de nouvelles règles morales, comme si elles devaient assumer un climat de contestation, pour lequel elles sont totalement étrangères. Les infirmières et infirmiers libéraux peuvent, à juste titre, ressentir ce sentiment d’injustice.

Les infirmières libérales comme tous les autres professionnels de santé sont en effet soumises à des règles plus strictes en ce qui concerne la transparence de leurs (éventuelles) relations avec des industriels du secteur. Depuis 2011, les professionnels de santé devaient déclarer les conventions les unissant à ces derniers. Depuis le décret du 28 décembre 2016, le montant de ces conventions devra également être publié. La Base Transparence Santé permet à tout un chacun de consulter ces conventions. Climat de suspicion oblige, le Ministère de la Santé a expliqué la mise en place d’outils permettant une analyse rapide et fiable de ces conflits d’intérêt.

Pourquoi les professionnels de santé doivent être plus qu’irréprochables ?

Toutes ces mesures devront entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2017, mais la ministre de la Santé, Marisol Touraine a d’ores et déjà fait savoir que « le public pourrait accéder dès le 1er avril 2017 à de nouvelles informations ». On peut se poser la question des raisons de cet empressement soudain. Le secteur médical serait-il plus concerné par les autres par les conflits d’intérêt ? Les infirmières libérales doivent-elles faire face à une présomption de culpabilité ? Alors que les infirmières et infirmiers libéraux se mobilisent depuis plusieurs semaines pour faire entendre des contestations légitimes, ils peuvent vivre mal cet empressement à vouloir « moraliser » une profession, déjà si soumise à l’Ethique.

Tout en comprenant la nécessité de contrôler une industrie médicale et pharmaceutique (trop ?) puissante, les professionnels de la santé éprouvent un malaise face à cette moralité soudaine de leur autorité de tutelle.

Les infirmières libérales, une profession déjà soumise à de nombreuses obligations

 

Bien que la profession d’infirmière libérale ne soit pas spécifiquement visée par ces dispositifs de contrôle et de transparence, elle n’en reste pas moins incluse à cette méfiance généralisée. Pourtant, des contrôles et des réglementations permettent déjà de s’assurer de la déontologie de ces professionnels de santé. Les articles R 4312.31 et R 4312.77 du Code de la Santé Publique font déjà interdiction à l’infirmière de vendre des produits au sein de son cabinet et même d’installer ce dernier dans un local commercial.

Est-ce un gage de moralité que d’interdire formellement à toute infirmière de se faire de la publicité, sous quelle que forme que ce soir ? L’infirmière libérale ne pourra pas plus attirer l’attention des patients puisque toute enseigne lui est également interdite. Seule une plaque professionnelle (les dimensions ne devront pas dépasser 25 cm sur 30 cm) pourra informer la patientèle de l’infirmière libérale. Et encore, les indications sont elles-aussi strictement limitées, puisqu’il faut coûte que coûte interdire toute forme de publicité à l’infirmière libérale. Pourront donc être mentionnés le nom, prénom, titre et diplôme de l’infirmière libérale ainsi que les horaires d’ouverture ou de consultation.

Sans détailler les obligations faites aux IDEL(s) en ce qui concerne les soins en eux-mêmes, on peut constater que les garde-fous ont déjà été créés pour moraliser la profession. Ces contraintes imposées aux infirmières et infirmiers libéraux   rendent ces nouvelles mesures encore un peu plus incompréhensibles. Mais surtout, les infirmières libérales, comme tous les autres professionnels de santé, se désolent que cette course à la moralité exemplaire empêche les politiques en général et les candidats à la fonction suprême en particulier de se pencher sur le cœur du problème : le sens même de la profession infirmière. Les revendications infirmières ne seraient-elles pas moins véhémentes et nombreuses, si le même empressement caractérisait la réforme de la Nomenclature ou encore le décret de compétences infirmier ?

 

Estimez-vous que les infirmières et infirmiers libéraux et plus généralement les professionnels de santé doivent être soumis à ces hautes exigences de moralité ? Les contraintes imposées aux infirmières et infirmiers libéraux ne sont-elles pas trop nombreuses et exigeantes ?