Véritable outil de travail pour la majorité des infirmières et infirmiers libéraux, la voiture devient, depuis quelques mois, l’objet d’une querelle opposant la profession et bien d’autres aux autorités publiques. Une nouvelle mesure contraint en effet les infirmières libérales à s’auto-dénoncer lorsqu’elles commettent une infraction sous peine d’amende.

La voiture, un outil de travail des infirmières libérales au quotidien !

Lorsqu’une infirmière décide de se lancer dans l’aventure du libéral, la question de la voiture se pose dès les premiers jours. En effet, ce mode de déplacement est souvent privilégié même si certaines infirmières libérales avouent se déplacer en transports en commun. Dans la majorité des cas, le choix d’une voiture adaptée mais aussi économique fait partie des premières décisions dans le cadre d’une installation d’infirmière libérale. Nous avons déjà évoqué ce sujet sur le blog d’Albus, le logiciel infirmier.

Les premiers mois d’activité de la jeune infirmière libérale confirmeront l’importance de cette voiture, qui deviendra vite une « annexe du cabinet infirmier ». Si la voiture reste, dans la majorité des cas, une nécessité pour pouvoir se déplacer, elle est aussi à l’origine de bien des tracasseries pour les infirmières et infirmiers libéraux :

  • Achat d’un véhicule neuf ou d’occasion, location avec option d’achat, crédit-bail, … quelle solution pour ne pas connaître le « coup de la panne » et toujours avoir une voiture disponible ?
  • Quelle solution pour optimiser le budget « voiture » dans les comptes de l’infirmière libérale ?
  • Gestion des indemnités horo-kilométriques, les IK, , qui a suscité, il y a peu, des débats passionnés entre infirmiers libéraux et le Ministère de la Santé

A ces tracasseries du quotidien est venue se rajouter, sans que personne n’y prête attention, une nouvelle source de problèmes.

 

Infirmières et infirmiers libéraux, dénoncez-vous au plus vite !

En effet, depuis le 1er janvier 2017, le Code de la Route a été modifié pour sensibiliser les entreprises au respect des règles. Ainsi, toutes les entreprises doivent, depuis le début de l’année, dénoncer les salariés, qui se sont rendus coupables d’une infraction au volant d’un véhicule de l’entreprise. On comprend aisément, que cette disposition s’adressait à l’origine aux entreprises, possédant une importante flotte de véhicules. Et pour rendre cette dénonciation généralisée, la non dénonciation du conducteur fautif est sanctionné d’une amende.

Mais le texte introduisant cette nouvelle contrainte n’a pas été rédigé assez précisément et concerne donc toutes les entreprises, y compris les infirmières libérales comme toutes les autres professions libérales. L’infirmière libérale, qui dispose d’une seule voiture et travaille seule en général, doit donc satisfaire aux mêmes obligations que l’ entreprise, gérant un parc de plusieurs dizaines ou même centaines de véhicules. L’IDEL devra donc, en cas d’infraction au code de la route, dénoncer le coupable de l’infraction, c’est-à-dire elle-même. La situation est ubuesque, mais si l’infirmière libérale ne se soumet pas à cette obligation, elle sera pénalisée d’une amende.

 

Une situation grotesque, à laquelle les infirmières libérales doivent néanmoins faire face

Plusieurs syndicats se sont alertés (tardivement) de ce dysfonctionnement, dénoncé également par l’association 40 millions d’automobilistes. La secrétaire générale de l’association, Mme Laetitia Hooghiemstra résume parfaitement la situation :

« Jusqu’au 1er janvier, un IDEL qui commettait une infraction au Code de la route, payait son procès-verbal et perdait son point. Il a toujours été responsabilisé. Or, depuis le 1er janvier, s’il paie en toute bonne foi son amende mais ne se dénonce pas comme conducteur, il reçoit alors un PV pour non-désignation de conducteur avec une amende majorée de 450 euros. »

Le manque de précision du texte incriminé amène les pouvoirs publics à sanctionner non plus l’infirmière libérale en tant que personne physique mais bien en tant que personne morale, cette dernière devant dénoncer la personne physique. C’est une situation absurde, qui est dénoncée mais aussi une dérive de cette politique censée être de prévention.

Si l’infirmière libérale ne se dénonce pas, elle devra s’acquitter du paiement du PV originel mais aussi du procès-verbal de non dénonciation. A l’inverse, elle ne pourra pas se voir retirer de points sur son permis de conduire, puisqu’en théorie les pouvoirs publics reconnaissent ne pas connaitre l’identité de ce dernier.

La fédération nationale des infirmiers (FNI) et l’association 40 millions d’automobilistes se sont donc unis pour écrire au Ministre de l’intérieur, Monsieur Gérard Collomb. Le président de la FNI, M Philippe TISSERAND, explique que « de telles mesures, prises sans discernement, vont à l’encontre du virage ambulatoire que la ministre de la Santé appelle de ses vœux, en pénalisant les professionnels de santé libéraux disponibles sept jours sur sept pour soigner les personnes les plus vulnérables à leur domicile, à des tarifs supportables pour la Nation ».

Sécurité routière ou Santé Publique, quel choix possible ?

On ne peut pas en effet demander aux infirmières libérales (et à bien d’autres professionnels) de se déplacer au domicile de leurs patients, en les sanctionnant durement d’un autre côté lorsqu’elles oublient de s’auto-dénoncer. Cette sanction pour non-dénonciation reste vécue comme une cruelle injustice, d’autant plus que peu de publicité a été faite à cette nouvelle obligation. Les résultats se font aujourd’hui cruellement sentir, et les responsables, comme M TISSERAN, avouent avoir été surpris par l’ampleur du phénomène :

« C’est un phénomène qui émerge et de façon massive. J’ai été alerté par des syndicats départementaux qui ont des adhérents confrontés au problème. C’est une situation que nous n’avons pas vu venir. »

Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes, demande même un geste immédiat du gouvernement :

« Étant donné le contexte économique particulièrement difficile, une indulgence pour ces infirmières, comme pour les autres professions libérales touchées et les autoentrepreneurs, qui, de bonne foi, ont payé leur amende sans s’auto-désigner, serait la bienvenue et le signe que le Gouvernement cherche bien à responsabiliser les salariés conducteurs et non à récolter de l’argent sur le dos des infirmières «   

Sera-t-il entendu et les infirmières libérales pourront-elles enfin se concentrer sur leur mission première : soigner ? Et quelle sera la décision du gouvernement quant aux infirmières et infirmiers libéraux déjà sanctionnés depuis le début de l’année ? L’affaire sera à suivre dans les prochaines semaines, mais nul doute que de nouveaux rebondissements devraient se dérouler dans un avenir proche.

Et vous, êtes-vous concerné par ces amendes pour non-dénonciation ? Comment avez-vous réagi et pour quels résultats ? Que pensez-vous de cette mesure, apparemment rédigée dans la précipitation ?

En pratique, comment l’infirmière libérale doit réagir à l’occasion d’un PV ?

Lorsque l’infirmière libérale reçoit un procès-verbal, la première mention à vérifier reste l’identité du destinataire. Deux cas de figure peuvent alors se présenter :

Si le PV est adressé à Mme XXXXX ou Mr XXXXX, alors l’infirmière ou l’infirmier libéral doit s’acquitter du paiement de l’amende. Le retrait éventuel de point(s) sera alors automatique.

A l’inverse, si la contravention est adressée au représentant légal, c’est à dire à la personne morale, alors l’infirmière libérale devra s’auto-dénoncer. Pour cela, il suffira de remplir le formulaire de requête en exonération en cochant la case° 2 avec indication des informations demandées (état-civil, n° de permis de conduire). Le tout devra alors être envoyé en lettre recommandé avec accusé de réception. L’infirmière libérale dispose de 45 jours pour se dénoncer, faute de quoi elle sera coupable de non-dénonciation. A réception de cette demande, un nouveau procès – verbal sera établi au nom de l’infirmière libérale en tant que personne physique. On est loin, très loin d’une simplification des procédures.