Le tribunal de Grande Instance de Denain jugeait une infirmière libérale mardi 7 novembre 2017. La plainte, déposée en 2014 par la CPAM, ne peut pas être comparée aux procédures de réclamation d’indus, qui ponctuent l’actualité des infirmières libérales.

Une procédure d’indus pas tout à fait comme les autres

On relate souvent les procédures d’indus, intentées par l’Assurance Maladie à l’encontre d’infirmières ou d’infirmiers libéraux. Mais l’histoire de cette infirmière libérale du Hainaut mérite cependant d’être soulignée. Tout commence en 2014, lorsque la CPAM de cette région transfrontalière constate des anomalies en ce qui concerne l’activité d’une infirmière libérale de la région. Une plainte est alors déposée auprès du procureur de la république. A première vue, la procédure semble ressembler à toutes les autres, qui nous sont relatées au fil des semaines. La CPAM évoque une augmentation incompréhensible des actes en même temps qu’une baisse du nombre de patients de l’infirmière libérales. Après avoir étudié 2.600 factures de cette infirmière libérale, la CPAM évalue le préjudice à 230.000 euros environ. Les services de police, sous l’autorité du procureur de la République, ont alors pris le relais pour comprendre, et les interrogatoires de patients, de médecins mais aussi de l’infirmière et de sa remplaçante se sont multipliés. C’est sur ces analyses, que se sont tenus les débats devant le tribunal. L’infirmière libérale était accusée d’avoir falsifié des ordonnances et se retrouvait donc poursuivie pour faux et usage de faux, exercice illégal de la profession de médecin et escroquerie.

L’infirmière libérale, qui complétait et modifiait les ordonnances

Placée devant les ordonnances, qu’elle avait complétées ou modifiées, l’infirmière libérale s’est expliquée en déclarant : « Je ne pensais pas être dans l’illégalité, a expliqué l’infirmière aux juges. Ça me simplifiait la vie. » Infirmière libérale depuis 1993, l’infirmière libérale a souligné une vie familiale compliquée (divorcée avec un enfant) pour tenter de légitimer cette volonté de se « simplifier la vie ». Devant les juges, les résultats de l’enquête sont présentés et on apprend que la grande majorité des médecins interrogés ont trouvées les falsifications de leurs ordonnances ….pertinentes. L’infirmière libérale falsifiait donc ces ordonnances mais ces changements, aussi illégaux soient-ils, étaient donc justifiés. En outre, les enquêteurs ont réussi à retrouver les factures émises par les pharmacies, et attestant que les actes ajoutés par l’infirmière libérale ont bel et bien été réalisés.

C’est donc sur ces faits, qu’était jugée cette infirmière libérale. L’avocate de l’infirmière libérale a ainsi pu expliquer sa réalité des faits : « Elle a fait des faux, mais pour de vrais soins. Elle ne fabrique pas automatiquement des ordonnances. C’est une question d’économie de temps. Le travail est fait ! C’est une femme seule, abandonnée par son mari, qui a des problèmes avec son fils. Elle doit subir tout ça. Elle est partie dans la fuite de ses problèmes, elle s’est réfugiée dans son travail. Depuis février, elle a tout remis en ordre. Elle n’a pas de voiture de luxe, de bijoux, de robe de luxe, elle n’a pas pris de vacances qui sortent du lot. »

Même en reconnaissant la falsification d’ordonnances, l’infirmière libérale entendait donc bien de démontrer que tous les soins facturés avaient été prodigués, et que la santé des patients n’avait à aucun moment été mise en danger. On se doute, que l’approche du substitut du procureur a été diamétralement opposée. En rappelant l’existence de 880 usages de faux, le représentant du Ministère Public a balayé les justifications évoquant la vie familiale compliquée de l’accusée. « Ce n’est pas une question de surmenage, de petite erreur. C’est très habile : elle a peu de patients mais qui rapportent gros, pris en charge à 100 %. La moyenne, c’est un acte toutes les dix-huit minutes par jour. Vous êtes à un acte toutes les six minutes. Je me demande si elle n’a pas voulu faire du fric. Elle stocke les originaux des ordonnances, elle est capable de s’organiser lorsqu’il s’agit d’argent. »

Le 7 novembre, les juges du Tribunal de Grande Instance de Denain ont suivi les arguments du substitut du Procureur en condamnant l’infirmière libérale à rembourser 242.000 € à la CPAM, à un an de prison avec sursis et trois ans d’interdiction d’exercer.

Et vous, que pensez-vous de cette histoire d’indus pas tout à fait comme les autres ? Des falsifications pertinentes, est-ce un argument qui aurait dû alléger la condamnation ?