C’est très discrètement, qu’une ordonnance a modifié, il y a quelques semaines, les centres de santé. Une modification mineure à priori, mais qui interroge sur l’avenir même des professionnels libéraux de santé. Alors, les infirmières libérales doivent-elles s’inquiéter de cette évolution ?

Quand l’infirmière libérale s’intègre à une équipe de soins avec les MSP, les maisons médicales de garde, …

Si on parle souvent aujourd’hui de maisons de santé, c’est que ces dernières s’inscrivent pleinement dans les objectifs du gouvernement. Elles peuvent représenter pour les infirmières libérales une opportunité à explorer lorsqu’elles décident de s’installer. Vous avez été nombreuses à réagir à notre récent dossier sur ces maisons de santé pluridisciplinaires. Certaines infirmières libérales sont farouchement opposées, craignant de perdre leur liberté avec cette forme plus « collective ». D’autres, en revanche, sont séduites et convaincues par cette mutualisation des besoins, même si elles l’admettent, il faut encore réussir à séduire les professionnels de santé : « Je travaille en maison de santé, c’est agréable d’avoir d’autres professionnels, en revanche (…) la maison de santé est à moitié vide. ». Ce débat ne doit pas néanmoins masquer d’autres formes possibles de collaboration entre les différents professionnels concernés par ces soins de ville : « On peut très bien collaborer efficacement sans maison de santé ! Ainsi le choix du patient est respecté. À plusieurs reprises nos patients nous l’ont déjà fait remarquer… ». Il suffit de souligner l’existence, face à ces MSP, de pôles de santé ou même de maison médicale de garde pour comprendre qu’il existe de multiples formes possibles pour sortir de l’isolement lorsque l’on s’installe en tant qu’infirmière libérale. Face à ces structures, il convient néanmoins de distinguer les centres de santé, qui reposent sur une différenciation fondamentale.

Les centres de santé, une autre voie modifiée récemment par les autorités publiques

Bien qu’ils puissent, pour les patients, être comparés à des maisons de santé pluridisciplinaires, les centres de santé restent des structures sanitaires de proximité, regroupant des médecins et des auxiliaires de santé, qui sont tous salariés de ces centres. L’approche est donc différente, puisqu’elle ne permet pas, par nature, à une infirmière libérale de conserver son indépendance. Cependant, ces centres de santé sont eux-aussi appelés à participer à la politique de santé de demain. Or, une récente ordonnance a modifié les règles encadrant la gestion de ces centres de santé, modifications qui ont entrainé une vive réaction de certains syndicats de médecins mais aussi de professionnels de santé.

L’ordonnance du 12 janvier 2018 confirme la prise en charge pluri professionnelle de ces centres de santé, en rappelant que ces centres associent professionnels médicaux et auxiliaires de santé. Cependant, si cette ordonnance pose à nouveau le principe de gestion non lucrative de ces centres (les actionnaires ne peuvent pas percevoir de dividendes), elle autorise désormais les établissements de santé à but lucratif à créer ce type de centres de santé. En d’autres termes, les mutuelles ou les cliniques peuvent depuis le 13 janvier créer et gérer des centres de santé.

L’Union syndicale des Médecins des Centres de Santé (USMSC) dénonce cette « dérive » et souligne que cela peut conduire au « pillage de la protection sociale solidaire, socle de notre système de santé». L’USMSC explique ainsi craindre, que les centres de santé créés dans des zones sous dotées deviennent de véritables passerelles vers les établissements de secteur 2 de second recours, établissements gérés par les mêmes entreprises bien évidemment. La menace existe bel et bien, puisque l’ordonnance impose, dans cette hypothèse, au centre de santé d’informer le patient sur les tarifs pratiques en secteur 1 mais aussi d’indiquer clairement au patient de l’application (ou non) du tiers payant par les cliniques concernées.

L’avenir des Infirmières libérales passera-t-il par l’encadrement des innombrables structures ?

A priori, cette menace ne concerne pas directement les infirmières libérales. Cependant, cette ordonnance n’est qu’une preuve supplémentaire, que la politique de santé de demain s’organise petit à petit, notamment en ce qui concerne les soins de ville. La multiplication des structures collectives, ouvertes aux infirmières libérales comme aux autres professionnels de santé, n’est-elle pas une menace quant à l’indépendance même de ces acteurs des soins dits de ville. En d’autres termes, n’existe-t-il pas un risque de pousser petit à petit les infirmières libérales comme les autres acteurs indépendants vers une forme « salariée » de leur activité ? Aujourd’hui, les établissements de santé à but lucratif sont autorisés à créer des centres de santé, mais demain ne leur donnera-t-on pas la possibilité de participer à des maisons de santé pluridisciplinaires ?

Comprenez-vous que ces mesures puissent inquiéter voire alarmer certaines infirmières libérales ? Estimez-vous que toutes ces modifications puissent changer l’avenir même de la profession ?