L’exercice coordonné est appelé à se substituer à la solitude de l’infirmière libérale et des autres professionnels de santé. Les autorités multiplient les incitations mais aussi les structures pour y parvenir, quitte à rendre parfois le système difficilement compréhensible.

L’exercice coordonné, une nouvelle exigence pour les infirmières et infirmiers libéraux

 

Inutile de revenir sur le sujet, mais l’exercice coordonné fait partie des objectifs du gouvernement et du Ministère de la Santé s’agissant des professionnels de santé. Qu’il s’agisse des infirmières et infirmiers libéraux, des médecins ou des autres professionnels de la santé dits de ville, la coordination est érigée comme une des bases de la transformation de notre système de santé. Bien évidemment, elle doit accompagner la part de plus en plus importante, que l’on veut donner à l’ambulatoire notamment. En incitant les infirmières libérales et les autres professionnels libéraux de santé (PLS) à s’engager dans cette voie de l’exercice coordonné, l’objectif est double :

  • Renforcer l’efficience du système de soins en France, et permettre les réformes de l’Hôpital (Maintenir les patients à domicile, s’assurer de la possibilité d’un retour rapide au domicile après une hospitalisation, …)
  • S’inscrire dans les objectifs budgétaires et donc économiques du Ministère de la Santé.

Si l’objectif est clairement défini, les moyens d’y parvenir sont en revanche bien plus complexes à comprendre, tant les dispositifs se sont multipliés ces dernières années. Lors de son installation, une infirmière libérale devra prendre en compte cette nécessité de se rapprocher des autres professionnels, tout en cherchant la solution la plus adaptée à sa situation.

De multiples possibilités offertes à l’infirmière libérale pour s’engager dans l’exercice coordonné

 

La loi de modernisation du système de santé (2016) a induit l’apparition des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), dont le rôle a été renforcé et précisé par la réforme actuelle portée par la Ministre de la Santé, Mme Agnès Buzyn. Pourtant, la loi de 2016 avait déjà défini les missions de l’équipe de soins primaires (ESP), qui représente « un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours […] sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. «

L’infirmière libérale peut donc légitimement s’interroger sur les différences existantes entre l’ESP et les CPTS. L’ESP reste une coordination de proximité, organisée autour de la patientèle (du médecin généraliste, de l’infirmière libérale, et/ou du professionnel de santé concernée). La coordination se rêvée très souple entre deux (ou plus) professionnels de santé. En revanche, la CPTS doit, quant à elle, s’inscrire dans une dimension territoriale et ne plus se limiter à cette seule patientèle. Comme l’ESP, la communauté repose sur l’élaboration d’un (ou plusieurs) projet(s) de santé, et ceux-ci doivent correspondre aux problématiques du territoire concerné. Pour ces deux structures distinctes, il n’existe pas de formalisme obligatoire, bien que la forme de l’association loi 1901 soit préconisée pour la création des futures CPTS.

  ESP CPTS
Qui est concerné ? Tous les professionnels de santé volontaires Tous les professionnels de santé volontaires et tous les acteurs du social et médico-social.
Forme Juridique : Aucune obligation dans le choix des statuts Aucune obligation avec préconisation du statut loi 1901
Pour répondre à quels besoins ? Les besoins de la patientèle Les besoins au niveau d’un territoire défini.

 

Plusieurs ESP peuvent donc constituer une CPTS. Dans tous les cas, ces structures destinées à la coordination, qu’elle soit de proximité (ESP) ou territoriale (CPTS) résultent de l’initiative des professionnels de santé de 1er recours. Il faut néanmoins souligner, que si les PLS d’un territoire donné ne prennent pas cette initiative, chaque agence régionale de la santé (ARS) peut se substituer à ceux-ci en vue de la création d’une (ou plusieurs) communautés.

Concernant la coordination au sein d’un territoire, certains cas peuvent être plus complexes et nécessiter une expertise et/ou un concours extérieur. C’est le rôle des Plateformes territoriales d’appui (les PTA), créées par les ARS, et répondant aux besoins des ESP ou des CPTS.

 

Des conditions d’exercice nombreuses pour l’infirmière libérale

 

Choisir entre ESP ou CPTS n’est pas toujours aussi facile que cela, d’autant plus que la population de certains territoires peut être assimilée à une forme de patientèle. Mais bien avant la réforme Ma Santé 2022, des efforts avaient été pris pour guider les infirmières libérales et les professionnels concernés vers un exercice coordonné. En d’autres termes, les PLS n’ont pas attendu la loi de 2018 pour se regrouper au sein de structures, qui existent encore aujourd’hui.

Ainsi, les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) se définissent comme un regroupement de professionnels exerçant au domicile des patients comme dans la maison de santé. Les Centres de Santé (CDS) se consacrent, quant à eux, exclusivement à l’accueil des patients au sein de leurs locaux. De leur côté, les Pôles de santé concernent les regroupements de professionnels, se consacrant exclusivement aux soins à domicile (et ne nécessitant donc pas de locaux communs à ce regroupement). Les MSP et les CDS, déjà constitués, peuvent adhérer à une CPTS en tant que personne morale. En revanche, les pôles de santé sont appelés à être tous transformés en CPTS. La complexité, due à la multiplicité des formes possibles, peut induire les professionnels de santé en erreur. Les autorités appellent fréquemment les professionnels de santé à se faire conseiller par des experts, qu’il s’agisse d’avocats, de conseillers juridiques ou même d’experts comptables.

 

  Statut des professionnels de santé Adhésion Possible à une CPTS Forme juridique
Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) Libéraux Oui en tant que personne morale Pas d’obligations de statut
Pôles de Santé Libéraux Transformation automatique en CPTS Pas d’obligations de statut
Centres de Santé (CDS) Salariés Oui en tant que personne morale Forme associative

 

Ainsi, une ESP peut prendre la forme d’un centre de santé ou d’une maison de santé, et chacune de ces structures pourra adhérer ensuite à une CPTS. La coordination a été organisée et encadrée par les pouvoirs publics, rendant le dispositif moins souple qu’on aurait pu le croire.

La forme juridique de l’exercice coordonné, un choix à faire en toute connaissance de cause

 

Après s’être décidée pour la structure la plus appropriée, l’infirmière libérale devra, avec les autres professionnels avec lesquels elle a décidé de s’associer, se décider pour une forme juridique, et les conseils des avocats seront, à ce moment précis, précieux pour ne pas dire indispensables. Il existe de multiples formes, que les professionnels de santé et les infirmières libérales peuvent choisir, mais les plus fréquentes sont :

  SCM

Société Civile de Moyens

 

SCP

Société Civile Professionnelle

 

SEL

Société d’exercice libéral

SEL

SISA

Société Interprofessionnelle de soins ambulatoires

 

Association loi 1901
Objet Monodisciplinaire ou pluriprofessionnel Monodisciplinaire Monodisciplinaire Pluriprofessionnel Monodisciplinaire ou pluriprofessionnel
Objectif Faciliter exercice de la profession de chacun des membres Exercice en commun d’une profession Exercice en commun d’une profession Mise en commun des moyens pour Coordination et permanence des soins Mise en commun dans un but non lucratif
CPTS Impossible Possible Possible Possible Possibilité de créer une CPTS sous forme d’association

 

 

Voilà donc les différents stades, que tous les professionnels de santé se doivent de franchir pour s’engager dans cet exercice coordonné. Bien évidemment, lorsqu’une infirmière libérale s’installe, elle peut rejoindre une maison de santé pluriprofessionnelle, qui est déjà adhérente à une CPTS. Elle n’aura donc pas à étudier les différentes possibilités mais intégrera une structure, dont le statut a été choisi par les fondateurs. On peut raisonnablement imaginer, que les procédures seront simplifiées à plus ou moins long terme, puisque l’ambition du gouvernement reste de créer plus de 1.000 CPTS d’ici 2022. On devrait assister, dans les mois à venir, à une tentative d’uniformisation des statuts de ces différentes structures.

 

Et vous, quelle forme avez-vous choisi pour vous engager dans l’exercice coordonné ? Et sous quel statut ? Quelles sont selon vous les simplifications à adopter le plus rapidement pour rendre le dispositif plus lisible et compréhensible ?