Depuis des mois, les services d’urgence sont entrés en conflit ouvert contre le Ministère de la Santé. Les médecins, infirmières et autres soignants se plaignent ainsi du manque de moyens, de la fermeture continue de lits, de la pénurie de personnel, de conditions matérielles détestables, …. Rien ne va plus selon eux, et le Ministère de la Santé a pris le problème à bras le corps. Après plusieurs annonces, au cours de l’été, Mme Agnès Buzyn a dévoilé un ambitieux plan d’action, dévoilé le lundi 09 septembre, et dès le début de sa déclaration, la Ministre de la Santé a annoncé sa volonté d’agir désormais : « L’heure n’est plus aux constats mais aux solutions. » Et parce que les projets ambitieux nécessitent des moyens, le Ministère de la santé a déjà évalué la dépense, en annonçant un budget de 750 millions d’euros jusqu’en 2022. Alors, les mesures annoncées par la Ministre constituent-elles une réponse adaptée et efficace aux revendications des soignants ?

Le SAS, un nouveau centre d’appel pour gérer toutes les demandes de soins

La vaste Réforme du service des Urgences à l’Hôpital s’articule autour de mesures, dont certaines sont annoncées depuis des années voire des décennies. Ainsi en est-il du SAS, un nouvel acronyme pour Service d’accès aux soins. Offrir à l’ensemble de la population un canal de communication (téléphone ou mail) accessible 24h/24 et 7j/7. Ce nouveau service pose déjà questions, puisqu’il est destiné, faut-il le rappeler à désengorger les urgences. Que va-t-il advenir des autres numéros d’urgence ? Comment orientera-t-on les appelants vers une infirmière libérale ou un médecin généraliste ? … L’ambition du SAS est de répondre à toutes les demandes de soins de la population, et on peut légitimement considérer que l’asphyxie est déjà envisageable avant même la création de ce nouveau service. Et le Ministère de la Santé annonce que le SAS sera opérationnel dès l’été 2020, alors le temps presse, et un projet détaillé et précis devrait être rendu public dans les deux mois.

De nouvelles responsabilités pour les infirmiers et infirmières hospitalières

Dès le 02 septembre, la Ministre confirmait le renforcement du rôle des infirmières, avec la possibilité de prescrire de l’imagerie ou de suturer des plaies (protocoles de coopération). Aux Urgences, L’infirmière de pratique avancée (IPA) pourra, quant à elle, poser des diagnostics, réaliser des actes techniques, prescrire des examens d’imagerie. Certains présentent déjà l’IPA comme la « super infirmière », et il est nécessaire de souligner que l’IPA sera armée pour faire face à ses nouvelles responsabilités, avec une formation BAC +5 et une expérience confirmée. Faire gagner du temps médical aux urgences, l’ambition des IPA Urgences correspond aux objectifs fixés par Mme Buzyn.

La profession infirmière se félicite de ces annonces, d’autant plus que les protocoles de coopération, nécessaires à la délégation des taches des médecins vers les infirmières, ont été créées en 2009 (la loi HPST) même si elle regrette le manque de cohérence au niveau national. Pourquoi ne pas donner les mêmes droits à toutes les infirmières et infirmiers, et limiter ces délégations à des accords entre certains médecins urgentistes et certaines infirmières. Reste à régler le problème de la rémunération et du financement, et en cette période de troubles à l’hôpital, la question est sensible. Toujours est-il, que les infirmières et infirmiers hospitaliers se disent offusqués que la prime de coopération, évoquée par le Ministère, ne soit que de 100 € par mois.

Les soins de ville et les infirmières libérales, pour soulager l’asphyxie des urgences

Si la coopération fait partie de la Réforme initiée en 2018 et sobrement baptisée Ma Santé 2022, elle est aussi un des axes pour permettre aux Urgences de se sortir de la Crise. Ainsi, des protocoles de coopération devraient permettre aux masseurs kinésithérapeutes de prendre en charge les situations de traumatologie bénigne, comme une entorse de cheville par exemple. Le passage par la case médecin ne sera plus nécessaire, et cette mesure devrait entrer en vigueur avant la fin de l’année 2019.

Dans le même esprit, il a été rappelé le rôle assigné aux Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS). Ces dernières doivent devenir la véritable liaison entre médecine de ville et les services d’Urgence. Lors de sa présentation de son plan d’action, Mme Buzyn a également annoncé la création de 50 maisons médicales de garde (MMG), une structure supplémentaire donc. Ces MGG sont destinées à être implantées à proximité des Urgences Hospitalières les plus saturées, c’est-à-dire les services avec plus de 50.000 visites par an. Des mesures complémentaires doivent permettre de fluidifier le passage aux Urgences, notamment avec la possibilité de prescrire un transport sanitaire vers des structures de ville.

Les personnes âgées bientôt réorientées et exclues des services d’Urgence

C’est une mesure ambitieuse de ce projet de Réforme, et la ministre de la Santé l’a affirmé : l’objectif est que dans 5 ans, aucune personne âgée de plus de 75 ans ne passe par la case urgence. Des textes doivent préciser les moyens et les outils pour parvenir à cet objectif. On évoque un renforcement des accompagnements à destination des Ephad et des professionnels libéraux, en charge de la santé des personnes âgées. Le Ministère a également souligné la création d’équipes mobile de gériatrie et des moyens supplémentaires pour les services gériatriques existants. Il faudra attendre quelques semaines pour pouvoir prendre connaissance de l’ensemble de ces moyens et vérifier ainsi la pertinence de ceux- ci.

La Réforme des Urgences, une question de budget avant tout

Sortir les Urgences de leur situation actuelle consiste aussi à réaliser d’importantes économies, selon le Ministère de la Santé. Et les idées ne manquent pas en la matière, à commencer par un encadrement du recours à l’Intérim privé, un dispositif dont certains médecins abuseraient. De nouvelles règles devraient donc être très rapidement adoptées, et un service de mutualisation inter hospitalière devrait être créé. Remplacer l’intérim privé par une mutualisation publique.

D’autre part, le financement des Urgences sera lui aussi revu en profondeur, avec l’ambition d’élaborer une dotation populationnelle de financement, une notion relativement obscure à ce jour, qui devrait se substituer au forfait patient, jusque là utilisé pour le calcul des dotations de chaque service.

Enfin, la Ministre de la Santé a annoncé la création d’une cellule de gestion interne des lits dans tous les groupes hospitaliers, et ce avant la fin de 2020. Il n’y aura donc pas de création de lits dans les hôpitaux, la demande figurait en tête de liste des revendications des personnels soignants, puisque selon Mme Buzyn : « La fermeture de lits n’est pas une conséquence du budget, c’est un mouvement international lié à la diminution des durées moyennes de séjour dans les hôpitaux »

Voilà donc, en quelques lignes, les grandes orientations du plan de réforme du service des Urgences, proposé par la Ministre de la Santé. Les réunions, organisées dans les centres hospitaliers touchés par un mouvement de grève, attestent que ces mesures n’ont pas convaincu les contestataires, et de nombreux syndicats représentatifs des professionnels de santé se sont indignés du manque d’ambition de ce plan. Il faut dire, que pour la grande majorité des mesures, il faudra attendre des mois, et même parfois des années, pour pouvoir constater la pertinence et l’efficacité des décisions prises. Le débat est donc loin d’être clos.

Et vous, que pensez-vous de la situation des services d’Urgence ? Et plus généralement de la situation des Hôpitaux en France ?