Les infirmières libérales sont-elles toutes coupables de fraude ?

 

La question est provocante et gênante, et pourtant elle se pose après la lecture du dernier rapport de la Cour des Comptes. En s’appuyant sur des raisonnements réducteurs, le rapport crée une suspicion générale vis-à-vis des professionnels de santé. Et les infirmières en sont les premières victimes ?

 

 

La lutte contre la fraude, les professionnels de santé dans le cœur du viseur

 

Les infirmières et infirmiers libéraux le savent bien : chaque année, différents rapports de la Cour des Comptes ciblent précisément les professionnels libéraux de santé pour dénoncer les dérives budgétaires de l’Assurance Maladie. Cette année, les hauts magistrats ont été plus loin en répondant à la saisine du Sénat pour une étude approfondie de la fraude aux prestations sociales en France. Le 8 septembre, le président de l’Institution, M Moscovici Pierre, présentait les conclusions de cette étude devant les sénateurs et sénatrices. Ce rapport « Lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Des progrès trop lents, un changement d’échelle indispensable » a déjà fait couler beaucoup d’encre.

S’agissant de l’Assurance Maladie et des soins de santé, les professionnels libéraux de santé sont, une fois de plus, dans le cœur du viseur des magistrats de la rue Cambon. Et les infirmières libérales sont particulièrement visées par les conclusions de cette étude, et regrettent que certains raccourcis soient utilisés pour stigmatiser toute une profession. Plusieurs syndicats se sont déjà émus de ce rapport, comme Convergence Infirmière :

«  (…) on oublie une réalité, la réalité c’est la présence des Idel(s) auprès des patients 24H sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an, sur l’ensemble du territoire national. La réalité c’est notre investissement sans faille (…) « 

 

Un raisonnement trompeur et réducteur, néfaste aux infirmières et infirmiers libéraux

 

Le raisonnement de la Cour des Comptes est quelque peu réducteur, et jette le discrédit sur une profession, en quête de reconnaissance depuis des années. Autant dire que les relations entre les deux n’est pas sur la voie de l’apaisement. C’est ainsi, que la Cour des Comptes met en parallèle la dérive des comptes publics et le «nombre significatif de professionnels libéraux de santé ont une activité anormalement élevée ». Cela laisse induire, que le coupable serait déjà identifié, et que ces professionnels de santé devraient être sanctionnés. En soi, le raisonnement est injuste, condamnant, à priori, les infirmières et autres kinés, ayant une forte activité.

Et la Cour des Comptes enfonce le clou en expliquant que pour lutter contre ce phénomène, il faut multiplier les contrôles, principalement à l’encontre des principaux fraudeurs : les infirmières et infirmiers. (page 11 du rapport). Chiffres à l’appui, le rapport déplore que seulement 4 % des infirmiers soient contrôlés chaque année, tout en rapprochant ce chiffre du pourcentage d’infirmiers percevant plus de 150.000 € d’honoraires par an (8.5 % de la profession en 2018). Si on suit ce raisonnement, le seul niveau d’activité d’une infirmière libérale suffirait, selon la Cour des Comptes, à la classer définitivement dans la catégorie des fraudeurs.

 

Des infirmières stigmatisées, une profession prête à se mobiliser

 

Et lorsque le rapport détaille encore plus son raisonnement et son analyse, ce sont les IDEL(s) des Bouches du Rhône, qui se sentent directement accusés. Le rapport explique que ce département qui ne représente que 3 % de la population concentre 7.2 % des honoraires infirmiers, en regrettant que moins de 1 % des infirmiers y soient contrôlés. Si la Cour des Comptes demande que la lutte contre la fraude change d’échelle, ce changement est déjà acté en ce qui concerne les suspicions envers les infirmières et infirmiers libéraux de France.

Les réactions d’infirmières libérales et les indignations d’infirmiers libéraux se multiplient sur les réseaux sociaux. La profession toute entière déplore, que lors de la présentation de ce rapport, il ait suffit de prendre un ou deux chiffres avérés et incontestables attestant de la fraude de certains pour condamner la profession toute entière à une image de fraudeurs en puissance. Et ce n’est pas la première fois, que cela arrive. Les professionnels de santé n’entendent pas rester sans réagir, et estiment que la simple publication de ce rapport est en soin une sanction lourde, puisqu’elle porte atteinte à leur intégrité aux yeux de la population.

 

Et vous, comment percevez-vous ce nouveau rapport de la Cour des Comptes ? Vous sentez-vous visés par les accusations portées par les hauts magistrats ?