Depuis plusieurs mois, les transferts de compétences semblent être une des voies privilégiées des autorités sanitaires pour transformer rapidement un système de santé en difficulté. Les infirmières libérales peuvent légitimement s’en inquiéter, et elles ne sont pas les seules concernées, comme le révèle les commentaires entourant l’arrivée du pharmacien correspondant.

 

Le pharmacien correspondant, un changement majeur dans le système de Santé en France

 

Le statut même de pharmacien correspondant n’est pas une nouveauté, puisqu’il a été introduit dans notre système de santé par la loi Hôpital Patient Santé Territoire (loi HPST) dès 2009. Pourtant, il prend une nouvelle dimension plus pratique et plus concrète aujourd’hui avec le décret paru le 28 mai dernier. Désormais, un patient pourra désormais désigner son pharmacien correspondant à l’Assurance maladie. Il faut noter, que si ce professionnel doit être un pharmacien titulaire d’officine, il peut, avec l’accord de son patient, désigner un remplaçant. Désormais, l’ordonnance médicale devra préciser si le pharmacien correspondant peut ajuster la posologie du traitement et/ou pratiquer le renouvellement. Dès lors, le pharmacien correspondant pourra alors renouveler des traitements chroniques ou le cas échéant en ajuster la posologie.

Cette évolution n’est pas anodine, puisqu’elle constitue une délégation des médecins aux pharmaciens, toujours dans le but de libérer du temps médical. La mesure est présentée pour lutter contre l’engorgement des cabinets médicaux et doit donc permettre aux patients concernés de poursuivre leur traitement sans un passage chez leur médecin traitant. Si les pharmaciens, et leur syndicat, se félicitent de cette avancée, le ton est radicalement différent du côté des médecins, qui s’insurgent contre une évolution, à laquelle ils n’ont même pas pu participer. Les syndicats de médecins dénoncent ce qu’ils considèrent être un transfert de compétences non négociés et surtout dangereux pour la santé des patients, selon eux.   Si les syndicats usent de mots peu flatteurs à l’encontre de cette évolution, l’Ordre des Médecins, plus modéré, dénonce que les autorités aient modifié « « une fois de plus le périmètre métier des professions de santé » et que cela va conduire à une complexification de « la lisibilité attendue par l’usager de santé des compétences propres à chaque métier… »

Travail coordonné ou glissement des tâches ? les infirmières libérales s’interrogent

 

Et cette difficulté de compréhension de notre système de santé publique ne concerne pas que les patients, puisque même ls professionnels de santé dénoncent la multiplication de plus en plus rapide de ces transferts de compétences, qui, le plus souvent, ne disent pas leur nom. On connait les hostilités, parfois vives, qui ont pu opposer, dans les dernières années, les infirmières libérales et hospitalières aux pharmaciens, notamment concernant le droit à vaccination. Bien que les tensions se soient depuis apaisées, la profession infirmière continue de revendiquer que la vaccination fait partie de leurs compétences propres.

ET ce glissement des tâches du médecin vers le pharmacien ravive des souvenirs douloureux pour la profession infirmière. Au prétexte de « libérer du temps médical », devenu une des priorités absolues des autorités sanitaires, n’a-t-on pas essayé, il y a quelques mois, de créer une profession médicale intermédiaire entre les médecins et les infirmières ? Proposition rejetée devant la levée de boucliers de tous les professionnels de santé. Les infirmières n’ont-elles pas dénoncé, il y a plusieurs mois, la possibilité pour les aides-soignantes de s’installer en libéral et de pratiquer certains actes, réservés jusque-là à la profession infirmière ?

La crise sanitaire a imposé de faire évoluer la pratique de chacune des professions de santé en urgence, et depuis quelques mois, ces évolutions continuent à un rythme soutenu sans que la crise épidémique ne puisse en être la justification. La grande réforme annoncée de notre système de santé va-t-elle consister à changer le périmètre d’exercice de chacune des professions concernées ? Avec quelle vision globale ? Les questions sont nombreuses, et les interrogations sur les réseaux sociaux et autres forums de professionnels se multiplient tant de la part que des infirmières libérales que des pharmaciens ou des médecins généralistes. Et cette inquiétude sur l’avenir semble bien être un des seuls points faisant consensus chez tous les professionnels de santé !

 

Et vous, que vous inspire cette multiplication des « transferts de compétences », illustrée par ce pharmacien correspondant ? Quelles évolutions craignez-vous dans les mois ou années à venir ?