Depuis des années, les infirmières libérales nourrissent des relations complexes et tendues avec les pharmaciens d’officine mais aussi avec les médecins généralistes. Depuis que l’exercice coordonné et la collaboration entre les professionnels de santé guident les ambitions d’évolution du système de santé des autorités publiques, les crispations se sont renforcées et de nouveaux sujets de tension sont apparus. Est-il utile de revenir sur la querelle récurrente opposant les infirmières libérales et les pharmaciens concernant la vaccination ? Ou de s’interroger sur le transfert de compétences, revendiquées par les infirmières et rejetées en bloc par les médecins ?

Pourtant, la tendance reste assumée et défendue par le ministère de la santé, et les transferts de compétences décidées à l’occasion du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 attestent de cette volonté politique. En transférant certaines compétences vers des professions paramédicales, les parlementaires ont attisé la colère des médecins, sans pour autant apaiser toutes les craintes des autres professionnels de santé. Pourtant, tous les acteurs concernés ont compris (ou renforcé leur conviction) l’importance de cette problématique, mise en avant par la crise sanitaire du coronavirus. C’est pour comprendre la perception de chacun, que 3 médias professionnels (« Le Quotidien du médecin », « Le Quotidien du Pharmacien » et « Infirmiers.com ») ont lancé une vaste consultation auprès de leur lectorat respectif. Cette enquête a été réalisée à partir de l’été 2021, soit bien avant que les nouveaux transferts de compétences aient été votés par le législateur.

 

Des infirmières libérales conscientes de la nécessaire évolution à venir

Dans leur très grande majorité, ces trois professions de santé sont pleinement conscientes que la crise sanitaire du Covid va entraîner une réorganisation du système de soins en France. 64 % des infirmières et infirmiers libéraux partagent cette conviction (contre 71 % des médecins et 82 % des pharmaciens). Près de 7 infirmières libérales sur 10 (69.5 %) s’attendent onc à de nouveaux transferts de compétences, des transferts que 79 % des médecins savent eux-aussi inéluctables. La question n’est donc plus de savoir si médecins, pharmaciens et IDEL(s) sont pour ou contre ces délégations de tâches mais bien de s’interroger sur le calendrier de ces transferts et sur leur étendue. Et c’est en étudiant le détail des réponses apportées à cette vaste enquête, que l’on mesure mieux les difficultés et les obstacles qui vont se dresser à l’occasion de ces nécessaires évolutions. Et les décisions prises en urgence au cours de l’épidémie de coronavirus soulignant que la résistance des médecins existe bel et bien. Ainsi si 96 % des infirmières libérales et 94 % des pharmaciens approuvent la décision de transférer la vaccination anti-Covid vers les IDEL, ils ne sont que 74.5 % des médecins à partager cette vision des choses.

Une répartition des rôles à revoir, un éclaircissement des missions à définir

C’est également pendant cette crise sanitaire, que les autorités publiques ont accéléré le déploiement du télésoin aussi bien au bénéfice des médecins que des infirmières libérales et de bien d’autres professionnels de santé. La différence de perception est en la matière encore plus flagrante. Les infirmières libérales estiment, dans leur très grande majorité (88 %), que cette avancée est bénéfique, alors que moins d’un pharmacien sur deux (47 %) partage ce point de vue. Pire encore, moins d’un médecin sur trois (32 %) juge ce télésoin pour les infirmières libérales comme étant une avancée. Cela témoigne du chemin qu’il reste à faire pour que chacune de ces professions puisse entendre les attentes et les revendications des autres.

On pourrait croire, que les infirmières libérales sont victimes d’une forme de corporatisme des médecins et des pharmaciens. Il faut toutefois relativiser, en prenant conscience que cette opposition à l’évolution de la répartition des rôles, n’épargne pas les infirmières et infirmiers libéraux. Ainsi, alors que les pharmaciens se félicitent, pour 55 % d’entre-eux, de pouvoir eux-aussi bénéficier de ce télésoin, les médecins (11.5 %) et les infirmières libérales (31.5 %) sont plus réservés quant à l’utilité et aux avantages d’une telle avancée.

Cette enquête d’opinion auprès des professionnels concernés a le mérite de poser les obstacles, que tous devront réussir à franchir pour faire évoluer notre système de santé.

Et vous, comment jugez-vous vos relations avec les médecins ? Avec les pharmaciens ? Identifiez-vous d’autres obstacles pour apaiser ces relations, qui peuvent parfois être tendues ?