Aussi étrange que cela puisse paraitre, au nombre de critiques faites depuis sa création, les infirmiers n’ont jamais autant regretté l’ONI que depuis que l’Assemblée nationale a voté sa possible disparition. Dans la nuit du 9 au 10 avril 2015, une poignée de députés a décidé purement et simplement de supprimer l’Ordre National Infirmier. « Mauvaise gestion », « manque de représentativité » ont été les arguments des 19 députés votants l’amendement contre les 10 autres, soit 29 députés… 5 % des députés votants ! En parlant de représentativité, cela laisse songeur !

L’ONI et son lien avec les infirmiers libéraux et hospitaliers : une histoire mouvementée

L’Ordre National Infirmier est né en 2006. Sa naissance a été choisie sous les bons hospices des professionnels de santé, des élus gouvernementaux comme des infirmiers qui virent tous en cet ONI la possibilité d’allier infirmiers hospitaliers comme infirmiers libéraux afin d’en faire une force digne d’être écoutée aux plus hautes instances. Les missions définies de l’ONI étaient non seulement de défendre ses infirmiers adhérents mais aussi de contrôler l’installation et le bon suivi de la réglementation des infirmiers libéraux. Comme nous vous l’avions déjà présenté l’année dernière dans un de nos articles, les objectifs de l’Ordre Nationale des Infirmiers semblaient louables et dans l’intérêt de tous les infirmiers IDEs ou IDELs.

Pourtant l’histoire a vite dégénéré. De gros soucis de gestion causés par le manque d’adhésions effectuées par les infirmiers auprès de leur organisme comme le gâchis de certaines ressources humaines ou matérielles, ont rapidement plongé l’ONI dans l’embarras.

Ainsi en 2011, l’Ordre National de Infirmiers affirmait que « L’Ordre national des infirmiers se trouve actuellement dans une situation financière extrêmement critique. Ainsi le Conseil national de l’Ordre est menacé de disparition et les missions de service public qui lui avaient été confiées ne seraient plus assurées, notamment la promotion de la santé publique et la qualité des soins, la démographie de la profession que l’Ordre construit actuellement et la promotion de la profession ». Dans ce même communiqué de 2011, on découvrait que seulement 100 000 infirmiers IDEs et IDELs confondus étaient inscrits soit « près de 25% de la population infirmière (démographie estimée par l’Ordre : 450 000 infirmiers) ». Après 6 ans d’existence et l’obligation pour tout infirmier de s’inscrire à cet Ordre, on ne peut pas dire que la représentativité était de mise…

Face à ces problèmes économiques l’Ordre Infirmier est passé « à la vitesse supérieure » afin d’obliger, quel que soit le moyen, les infirmiers à s’inscrire. Jusqu’à en arriver au scandale, en avril 2014 : 6 infirmières du Bas-Rhin convoquées à la gendarmerie car elles n’avaient pas souscrit à l’ONI, obligatoire. Traitées comme « de véritables criminelles, avec photos, empreintes digitales, et obligation d’adhérer à l’ordre sous 60 jours ».

La guerre est déclarée avec les infirmiers et même Marisol Touraine ne les soutient plus. Elle avait affirmé le 13 mai 2014  « Je le dis très sincèrement et très fermement : l’Ordre des Infirmiers est un ordre contesté, un ordre sans légitimité, et donc un ordre dont l’avenir est clairement menacé ».

Pourtant l’Ordre des Infirmiers par ses nombreuses prises de position ces derniers mois concernant la violence à l’encontre des infirmiers, sa solidarité face aux évènements tragiques en hôpitaux psychiatriques ou bien encore la nouvelle loi de Santé, semblait avoir regagné de l’estime auprès de ses infirmiers. L’ONI a par ailleurs participé à de nombreux amendements de la loi de Santé 2015 afin d’améliorer et de perfectionner le rôle indispensable de l’infirmier. Et maintenant voilà qu’on veut à nouveau le supprimer !

La suppression de l’Ordre National Infirmier, et après qui défendra les droits professionnels des infirmiers ?

La représentativité de l’ONI, même actuellement, reste très discutable comme l’a souligné la députée apparentée socialiste Annie Le Houerou, porteuse du projet de l’amendement ayant demandé sa suppression. Il est vrai que pour un ordre obligatoire, il en comporte « que » ou selon la façon dont on voit les choses « déjà », 168 000 membres infirmiers IDEs et IDELs sur 600 170 infirmiers exerçant en France métropolitaine, auxquels il convient d’ajouter 16 626 infirmiers exerçant dans les départements d’outre-mer au 1er janvier 2014 selon la DREES.

Toutefois, malgré tous les reproches qui ont pu être faits à l’encontre de l’ONI entre méthodes douteuses d’adhésions obligatoires, cotisations trop élevées, manque de communication évident avec les infirmiers, on ne peut que constater que la nouvelle équipe de l’Ordre Infirmier a, depuis maintenant plusieurs mois, clairement donné un nouveau souffle à cet organisme.

Ainsi, Marisol Touraine, qui jusqu’ici avait montré son désaccord face à de nombreux écarts de l’ONI, observe durant les débats que « La gouvernance initiale a été unanimement considérée comme préoccupante et problématique, et aujourd’hui c’est vrai qu’une nouvelle équipe se met en place, travaille mieux et un travail d’apaisement a été réalisé. Cela ne veut pas dire que l’ordre soit pour autant accepté par les infirmiers, le taux de participation aux élections le montre, il y a une contestation notamment presque exclusivement auprès des infirmières salariées ».

Désormais, une fracture s’est ouverte entre les « pour ONI » et les « contre ONI ». Certains syndicats infirmiers comme la FNI ou le syndicat Résilience se félicitent de cette bonne nouvelle, là où beaucoup d’autres s’interrogent…

Qui viendra défendre les intérêts de la profession infirmière si elle n’a plus d’Ordre ? Quelle force pour la parole des infirmiers en hôpitaux ou libéraux s’ils ne sont plus représentés face à des Ordres extrêmement puissants comme celui des médecins ou des pharmaciens ? L’avenir de l’ONI appartient maintenant au Sénat.

 

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, que pensez-vous des dernières prise de position effectuées par l’ONI ? Avez-vous peur de ne plus être représentés lors de débats gouvernementaux et donc de ne plus, ou d’être encore moins, écoutés ? Voulez-vous sauver l’ONI ou préférez-vous qu’il soit créé une autre instance du même type ?