Les résultats d’un récent sondage effectué par Médiascape mettent en évidence que 43 % des praticiens ne diraient pas toute la vérité sur leur état de santé à leur patient. Pourtant la loi de Santé 2015 souhaite une transparence complète du dossier médical, ce qui peut sembler difficile au vu des pratiques actuelles. Mais pour autant la vérité est-elle toujours souhaitable ? Et vous les IDELs, quel rôle jouez-vous dans l’annonce d’une pathologie ou d’un pronostic vital ?

Les obligations légales de l’IDEL en matière de communication sur l’état de santé de leur patient

Chaque patient réagira différemment face à l’annonce d’une maladie grave ou d’un pronostic fatal. Parfois la vérité sur cet état sera salutaire dans d’autres cas elle pourra être destructrice, ne laissant aucun espoir au patient. Chaque professionnel de santé a des responsabilités face à ces annonces. Dans certains cas, par manque de temps ou de disponibilité, cet acte premier de communication entre soignant et soigné revient à l’infirmier libéral ou l’IDE.

Quels sont les devoirs et responsabilités de l’infirmier ?

Conformément à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, « en cas de diagnostic ou de pronostic grave, l’infirmier peut être chargé par le médecin, de délivrer à la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l’article L. 1111 -6, les informations  nécessaires  destinées  à  leur  permettre  d’apporter  un  soutien  direct  à  la  personne malade ». Toutefois l’infirmier n’est pas tenu d’informer ces mêmes personnes s’il s’agit d’un pronostic vital.

En réalité les obligations destinées à l’infirmier par le code de la santé publique sont plutôt nuancées et de ce fait relativement « libres » à l’interprétation de chacun :

« Conformément à l’article L. 1111-2, toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. L’infirmier  met  en  œuvre  ce  droit  dans  le  respect  de  ses  compétences professionnelles. Cette information est relative aux soins, moyens et techniques mis en œuvre, à propos desquels l’infirmier donne tous les conseils utiles. Elle incombe à l’infirmier dans le cadre de ses  compétences telles  que  déterminées  aux articles  L.  4311 -1 et  R.  4311-1  et  suivants. Dans le cas où une demande d’information dépasse son champ de compétences, l’infirmier doit  inviter  le  patient  à  solliciter  l’information  auprès  du  professionnel  légalement  ou réglementairement compétent ».

Savez-vous dire « non » à un malade qui vous demande si il va vivre ou mourir ?

Donc à en suivre les cadres légaux, absolument rien n’oblige l’infirmier IDE ou IDEL à avoir à annoncer des pathologies, des maladies ou des erreurs médicales en ce qui concerne son patient. Toutefois, entre la réglementation et la réalité du terrain, les visions et les obligations ne sont plus les mêmes. Savez-vous dire non à un malade qui souhaite savoir s’il va vivre ou mourir ? Savez-vous dire non à la femme ou le mari d’un patient qui vous implore de connaître enfin la vérité ? Où commence et où s’arrête le rôle du soignant et celui du conseiller ? Comment peut-on établir une relation de confiance entre patient et soignant si elle est établie sur un mensonge ou un non-dit ? Enfin toutes les vérités sont-elles bonnes à dire ?

La moitié des médecins déclarent qu’il faut minimiser les risques des interventions pour les faire accepter aux patients.

En effet bien que légalement cela soit au médecin de diffuser l’information médicale « le malade s’adresse souvent aux infirmier(e)s, les percevant comme moins distant(e)s,  étant  donné  le  temps  qu’ils  (elles)  passent  avec  les  malades ». Et parfois aussi les médecins cachent des vérités…

Les médecins généralistes cacheraient certaines vérités alors que la nouvelle loi de Santé veut la transparence du dossier médical…

Selon le sondage Médiascape établi auprès de différents spécialistes et généralistes dans plusieurs pays (21.500 médecins praticiens, opérant dans 49 pays) « Près de la moitié des médecins français (43%) estime qu’il faut savoir relativiser les risques associés à un traitement ou à une intervention pour obtenir l’adhésion d’un patient ». Peut-on trouver cela choquant ? Cela se discute.

Tout d’abord les médecins français n’ont pas toujours l’obligation légale, actuellement, de donner toutes les informations dont il dispose à son patient. Le Code de Déontologie médicale, dans son article 35 stipule que :  « Le  médecin  doit  à  la  personne  qu’il  examine,   qu’il  soigne  ou  qu’il  conseille,  une information  loyale,  claire  et  appropriée  sur  son  état,  les  investigations  et  les  soins  qu’il propose. Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que  le  praticien  apprécie  en  conscience,  un  malade peut  être  tenu  dans  l’ignorance  d’un diagnostic ou d’un pronostic grave ».

En effet comme le souligne la psychiatre et psychanalyste Anne-Marie Merle-Béral au Parisien, le médecin ne veut pas devenir «le messager du désespoir». En effet les réponses des médecins français au questionnaire Médiascape sont argumentées par le fait que 21 % d’entre eux préfèrent agir en fonction du patient et que dans les réponses fournies « ceux-ci indiquent que leur attitude dépend du traitement, « du risque, et du rapport bénéfice/risque », mais aussi « de la psychologie du patient », « de sa capacité à comprendre » ou « à donner son consentement ».

Pourtant on entend encore beaucoup de patients se plaindre de ces secrets médicaux et la Justice rendre des verdicts sur ce droit à l’information essentielle et inaliénable.

« Le fondement de cette obligation d’informer le patient réside d’une part dans la nécessité de mettre ce dernier en situation d’exercer de façon raisonnée son droit à disposer de lui-même, d’autre part d’équilibrer une relation médecin-malade par nature inégalitaire » DAUBECH (Lin) – Le malade à l’hôpital – p.207.

Ainsi la loi de santé 2015, estimant que le patient doit avoir accès à son dossier médical dans sa totalité,  a été votée à l’Assemblée nationale le 14 avril 2015 mais reste en attente de son passage au Sénat. Elle propose d’ « Ouvrir l’accès aux données de santé, notamment celles issues des feuilles de soins, pour développer de nouveaux services, mais aussi faciliter la recherche et l’innovation, dans le respect de la vie privée ». Afin de mettre le patient au cœur de son parcours de soin, de le responsabiliser face à la maladie et lui laisser de choix de vouloir connaitre toutes les informations le concernant.

Le débat sans fin continue entre transparence et éthique, protection du patient et protection du secret médical…

Et vous, infirmières et infirmiers libéraux, avez-vous déjà rencontré une situation dans laquelle vous deviez annoncer une maladie ou pronostic vital à un patient ou sa famille ? Avez-vous été formés à ce type de communication très particulière ? Êtes-vous pour la transparence des données médicales ou pour la protection de certains secrets médicaux pouvant nuire à la sensibilité psychologique du patient et donc à son état ?