Même si les infirmières et infirmiers libéraux ont énormément réagi suite à la publication du rapport de la Cour des Comptes, ils restent en attente d’un message politique clair et compréhensible. N’est-ce pas ce qu’a délivré la Ministre de la Santé, il y a quelques jours ?

Une légitimation du nombre croissant d’actes en soins infirmiers, une (fausse) bonne nouvelle !

Décidément le rapport annuel sur la Sécurité Sociale de la Cour des Comptes continue (et cela risque de durer) de susciter vagues d’indignation et sentiment de colère de la part des infirmières et infirmiers libéraux d’une part, et plus généralement de tous les professionnels de santé. Les plus hautes autorités ont pris conscience de l’ambiguïté du message délivré. Vouloir réduire les durées d’hospitalisation dans les hôpitaux publics nécessite inéluctablement d’augmenter les soins infirmiers à réaliser à domicile.

Personne ne semble remettre en cause cet axiome de la santé publique, et le ministère de la santé a, dès la publication de ce rapport si contesté, pris la mesure de la contradiction, induite par les propos des magistrats de la Cour des Comptes. Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, a elle-même souligné dans une interview accordée à France Info, le 28 septembre dernier « qu’à partir du moment où on va moins à l’hôpital et qu’on améliore la prise en charge à domicile, il est normal qu’il y ait une augmentation des actes par les kinés et par les infirmiers. »

Les IDEL(s) auraient pu se sentir défendus et pris en compte dans leurs revendications, sauf que le discours politique s’effectue toujours en deux temps, et qu’une fois de plus ils sont clairement et directement dans le viseur de la politique de santé.

Des infirmières et des infirmiers libéraux à encadrer, la (vrai) mauvaise idée !

Difficile en effet, dans ces circonstances, de légitimer et de justifier les propositions émises par ce rapport de la Cour des Comptes. Pour mémoire, les magistrats préconisent une gestion plus rigoureuse de l’installation des infirmières et infirmiers libéraux, une politique visant à réduire le coût des soins infirmiers et des contrôles renforcés, devant sanctionner les fraudes en tout genre. Les propos de Marisol Touraine étaient donc de nature à calmer la colère des IDEL(s) et autres professionnels de santé. Mais ces propos ne se sont pas arrêtés là, puisque la ministre de la Santé a poursuivi en indiquant qu’« il faut s’assurer que cela correspond évidemment à des actes nécessaires, à des actes utiles »

Débarrassé de toutes les subtilités du discours politique, ces propos tiennent à souligner que si le nombre d’actes en soins infirmiers va inéluctablement s’accroitre avec la politique de développement intensif de l’ambulatoire, les professionnels concernés eux se laissent aller à des actes inutiles. La sentence est certes plus cruelle, mais le sujet reste le même. Ce n’est donc pas la politique de santé, qui est visée mais bien celles et ceux en charge de la faire appliquer, à commencer par les infirmières et infirmiers libéraux.

En toute logique, la guerre contre les infirmières et infirmiers libéraux est ouverte !

Ce glissement anodin, qui peut passer inaperçu au premier abord, change radicalement les données du problème. Le ministère de la Santé conforte l’orientation de la politique menée depuis des années, en expliquant que si problème il y a, cela ne peut venir que de la mise en œuvre et donc des personnels concernés. Ce n’est donc plus l’organisation d’une profession comme celle d’IDEL qu’il faut revoir mais bien le contrôle de chacun des membres de cette organisation. La fin des propos tenus par la ministre de la santé confirme (malheureusement) ce constat, puisqu’elle y affirme qu’« Il faut donc des contrôles; il faut des contrôles renforcés dans certains secteurs pour s’assurer que ces actes correspondent à des réalités. »

La volonté du ministère de la santé se trouve alors étayée par les constats du rapport de la Cour des Comptes. Ainsi, le contrôle des infirmières et des infirmiers libéraux n’est plus une nécessité, mais devient bien une obligation absolue si les objectifs fixés doivent être atteints. La décision politique prise, l’organisation de ces contrôles peut alors être pensée et réfléchie, et il n’aura pas fallu attendre longtemps. Pierre Fender, directeur du service de lutte contre la fraude, a ainsi indiqué qu’en novembre 2015 (dans quelques jours donc) serait organisée une vaste campagne de contrôle des IDEL(s) et des masseurs-kinésithérapeutes.

Moins polémique (en apparence) que des analyses chiffrées, le discours politique reste bien plus important, puisqu’il définit les actions qui seront entreprises dans les semaines et les mois à venir.

Infirmières et infirmiers libéraux, considérez-vous la parole publique comme digne de confiance ? Comment pensez-vous, que les dirigeants politiques de la santé vont enfin prendre conscience de la réalité du terrain ? Et quand cette prise de conscience aura-t-elle lieu ?