Les infirmières libérales sont-elles réellement indépendantes ?

Sous un tel titre provocateur, nous entendons soulever la question de l’interdiction de publicité faite aux IDEL(s) ; interdiction, reconfirmée par l’ONI dans son projet de code de déontologie. N’est-ce pas une preuve supplémentaire du manque de liberté laissée à cette profession libérale ? Libéral et encadrement excessif, les deux notions peuvent-elles coexister ?

Les IDEL(s), des professions libérales comme les autres ?

On entend souvent la question, et pourtant ils sont rares celles et ceux, qui osent apporter une réponse claire et tranchée. Vouloir savoir si les infirmières et les infirmiers libéraux doivent être considérés au même titre que l’ensemble des autres professions libérales peut se comprendre pour des questions financières, sociales ou fiscales.

Certes soigner n’est pas (en théorie) un acte commercial. On ne choisit pas son infirmière libérale, comme on choisir son coiffeur. Toujours en théorie, les infirmières et infirmiers de France proposent les mêmes compétences et le même savoir-faire. La formation (obligatoire comme pour un grand nombre de professions) d’un IDEL reste strictement encadré avec des examens communs et un parcours professionnel défini. Dans la réalité, des différences notables peuvent exister. Une infirmière libérale, fraîchement installée, ne pourra que reconnaître l’expérience d’un infirmier, exerçant depuis 20 ou 30 ans. La reconversion d’une infirmière hospitalière, employée 10 ans durant dans un service de gériatrie, pourra s’appuyer sur ce passé formateur.

Une installation réglementée pour une profession libérale reconnue !

D’autre part, une différence de taille existe entre les professionnels de santé et les autres professions libérales. Elle concerne le prix des prestations proposées, en l’occurrence la dispense de soins. Pour les infirmières libérales, les tarifs sont déjà fixés de manière précise. Les autorités sanitaires et médicales du pays déterminent non seulement le prix de chaque soin mais aussi le temps exigé par ce dernier. Cette nomenclature générale représente une différence essentielle par rapport aux autres professions libérales et implique une uniformité des offres des IDEL(s) ou même des cabinets.

Enfin, comme nous l’avons évoqué il y a à peine quelques jours, les infirmières et infirmiers libéraux se doivent de disposer de locaux conformes aux normes et autres exigences réglementaires. Les autorités sanitaires se sont, du reste, lancées dans une vaste chasse aux IDEL(s) ne respectant pas ces obligations. Bien d’autres professions libérales font l’objet de règlements spécifiques, mais en la matière, les infirmières libérales peuvent se sentir victimes de discrimination, dans la mesure où elles sont appelées à accompagner le développement de l’hospitalisation à domicile (HAD). Intervenir au domicile des patients mais disposer d’un local conforme, pour certains cette obligation reste difficile à admettre.

Les IDEL(s) condamnés à l’immobilisme ?

Il existe bien d’autres raisons, justifiant que les professions de santé en général, et les IDEL(s) en particulier, ne peuvent pas être assimilées aux autres professions indépendantes. Mais soigner un patient ne peut pas être comparé à un acte de vente ou à une prestation de service. Cela n’empêche pas, est-il utile de le souligner, que les infirmières et infirmiers libéraux doivent s’acquitter de toutes les charges réclamées aux indépendants de manière générale. En matière de taxation et de fiscalité, les différences ont alors tendance à s’atténuer.

Dans cette situation, il apparait difficile voire impossible pour une infirmière libérale de se distinguer de ses consœurs ou confrères. Elle ne pourra pas mettre en avant une politique tarifaire puisque les prix sont communs. Le concurrence existe pourtant au quotidien que ce soit avec d’autres IDEL(s) ou cabinets mais aussi avec des structures plus établies, notamment en ce qui concerne la H.A.D. Cet impossibilité de communiquer sur ses compétences et ses spécialités a fait l’objet d’une recommandation d’amélioration, émise par l’Autorité de la Concurrence. Cette dernière réagissait à la proposition du code de déontologie rédigé par le Conseil National de l’ordre des infirmiers (ONI). Ce code interdit aux IDEL(s) de promouvoir leur activité, y compris sur Internet. La création d’un site doit alors se borner à de simples généralités et les limites fixes par ce nouveau code sont innombrables. L’infirmière ou l’infirmier libéral doit s’y conformer, en sachant que le respect de toutes ces exigences n’implique aucunement la délivrance d’un quelconque label. Des contraintes mais aucune récompense donc, ce qui peut décontenancer les autres professions libérales !

Après ce rapide survol, la réponse à la question initiale semble s’imposer d’elle-même. Les IDEL(s) ne peuvent pas être considérées comme des professions libérales comme les autres. Strictement encadrée, régulièrement contrôlée, sans cesse harcelée, la profession ne peut pourtant pas prétendre à un traitement différent, dès lors qu’il s’agit de taxation en tout genre et/ou de fiscalité, …

 

Que pensez-vous de cette interdiction de publicité, faite aux IDEL(s) ? Estimez-vous que les spécificités de cette profession sont assez prises en compte dans les normes et lois encadrant le domaine des soins ? Quelle serait selon vous la décision à prendre pour rendre cette profession plus attrayante ?