Les Infirmières libérales jugées par rapport aux hôpitaux ?

Même si le Ministère de la Santé affirme haut et fort, que la priorité reste la qualité des soins et l’égalité de traitement pour tous les patients, il n’en reste pas moins que les infirmières et infirmiers libéraux sont de plus souvent jugées en fonction des autres formes de prises en charge. Doit-on aller jusqu’au bout de cette logique ? Et les IDEL(s) sont-ils alors condamnés à être les plus mal jugés ?

 

Les infirmières libérales comme tous les libéraux de santé devant le recul de l’hôpital  

Peut-être faut-il commencer cette réflexion par un léger retour en arrière ? Souvenez-vous, il y a quelques dizaines d’années, l’hôpital public représentait l’alpha et l’oméga de la politique de santé. On imaginait un 3ème millénaire avec des hôpitaux partout et pour tous. Puis les contingences matérielles mais aussi l’évolution démographique ainsi que sa répartition (les campagnes se vident au profit des villes, qui deviennent des métropoles) ont redistribué les cartes. Aujourd’hui, l’hôpital à moins d’une heure pour tous les habitants apparait plus réaliste, même si des établissements hospitaliers dits de proximité peinent à assurer leur survie.

Dans le même temps, les progrès scientifiques – en un demi-siècle, les avancées médicales sont spectaculaires – mais aussi les innovations technologiques ont permis une diminution constante de la durée d’hospitalisation. Les services ambulatoires ont remplacé les hospitalisations de 3, 4 ou 5 jours, obligeant cependant des infirmières libérales et d’autres professionnels de santé à prendre le relais auprès du patient, une fois rentré chez lui.

Des systèmes de prise en charge multiple pour un objectif unique ?

En une vingtaine d’années, l’hôpital s’est transformé, certains diront même que cette transformation est une véritable révolution. Non seulement, les professionnels libéraux de santé peuvent s’occuper de patients à domicile plutôt que d’envisager une hospitalisation, mais les hôpitaux savent qu’une hospitalisation express dans leur service sera suivie d’une prise en charge par ces mêmes infirmières libérales, médecins généralistes et autres spécialistes.

Parce que les patients, souffrant de plusieurs pathologies, se multiplient, et au vu de la complexification même de ces pathologies, les autorités sanitaires cherchent depuis des années à organiser et réguler ces soins de proximité. L’Hospitalisation à Domicile (H.A.D.) était née et elle prend aujourd’hui encore de multiples formes. Entre les Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD) et l’HAD, les Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) et les ESA (Equipes spécialisées Alzheimer), les patients peuvent se retrouver désemparés. Cette multiplication des structures se complexifie encore, quand elle est comparée à l’exercice des professionnels libéraux de santé, dont les infirmières libérales font partie. Car, ces derniers peuvent à la fois intervenir en tant que professionnel libéral mais aussi en tant qu’intervenant pour le compte d’une structure de HAD.

Il est donc difficile de se repérer parmi les différentes prises en charge, que nous pouvons cependant lister au nombre de trois :

  • L’hospitalisation
  • L’hospitalisation à domicile
  • Les professionnels libéraux de santé

Et quand la question du choix se pose, chacun a des arguments à faire valoir. Et pourtant, la comparaison de ces 3 prises en charge revient à reprendre les 3 questions essentielles, qui devraient être posées pour chaque patient :

  • Que souhaite le patient ?
  • Quelle solution peut garantir qualité et continuité des soins ?
  • Quel coût économique pour chacune de ces solutions ?

La volonté du patient ou des familles en faveur des professionnels libéraux de santé

Nous avons déjà souligné, à quel point une immense majorité des Français et des Françaises souhaitaient non seulement finir leur vie à leur domicile, mais plébiscitaient la possibilité d’être soignés sans pour autant être hospitalisés. Si l’hospitalisation reste la seule solution dans certaines situations, le maintien (ou le retour anticipé) à domicile peut s’offrir dans une grande part de ces patients. Des structures d’hospitalisation à domicile pourront être nécessaires pour des « cas très lourds » et les infirmières et infirmiers libéraux, au même titre que tous les professionnels médicaux et paramédicaux exerçant en libéral, seront en mesure de prendre en charge les patients concernés.

Les patients privilégieraient donc l’infirmière libérale, et notre système de santé peut dans tous les cas garantir la qualité et la continuité des soins. Les deux premières interrogations relèveraient donc plus de facteurs subjectifs, tout en plaçant les IDEL(s) dans le cœur des patients.

Enfin même si aucune étude n’a été publiée sur le sujet à l’heure actuelle, est-il si anormal d’évoquer le bien-être des patients ? Être soigné chez soi, en évitant le stress de l’hospitalisation et la peur du changement, pourrait aussi être considéré comme un facteur bénéficiant au rôle des infirmières et infirmiers libéraux.

Cependant si les réponses à ces deux questions ne permettent pas de se déterminer de façon ferme, il revient au facteur économique de trancher la situation.

Le coût économique, le critère pour sélectionner la prise en charge ?

On peut s’en désoler ou pas, mais la santé aussi se gère au regard des analyses financières et économiques. A une époque, où la Cour des Comptes est en mesure de définir, au centime près ou presque, les augmentations des soins infirmiers pour une année, aucun organisme ne peut répondre précisément et de manière fiable à la question : Entre l’hôpital, l’HAD et les professionnels de santé, quelle est la prise en charge la plus économique pour la collectivité ?

Certes, il ne peut pas exister de réponse unique, applicable à toutes les situations, mais on peut s’étonner de la lacune d’études chiffrées en la matière, à moins que ces études ne contredisent les ambitions affichées des autorités publiques. Une étude existe néanmoins pour dégager une tendance.

En effet, le cabinet de conseil JALMA avait réalisé une étude comparative à la demande du Synalam (Syndicat National des Prestataires de santé à Domicile). Même si l’étude date de mars 2012, elle reste souvent reprise tant par les syndicats d’infirmières libérales que par les autorités elles-mêmes. Cette étude comparait donc le coût économique en fonction des différentes prises en charge possible, et mettait en évidence le résultat présenté ci-dessous :

Source : Cabinet JALMA. Mars 2012

  Hôpital Hospitalisation à Domicile (HAD) Prestataire et professionnels libéraux
Parcours 1 : 2 jours de chimiothérapie toutes les deux semaines
Traitement anti douleur 43573 € 25781 € 16197 €
Nutrition parentérale 43573 € 26735 € 19503 €
Deux traitements associés 43573 € 29384 € 26278 €
Parcours 2 : 5 Jours de Chimiothérapie toutes les 3 semaines
Traitement anti douleur 33994 € 25444 € 14923 €
Nutrition parentérale 33994 € 26255 € 17933 €
Deux traitements associés 33994 € 28507 € 23956 €

Ces données chiffrées sont certes intéressantes à comparer, mais pour une vue d’ensemble plus facilement compréhensible, nous reproduisons le même tableau avec les indicateurs de comparaison. La base 100 a donc été appliquée pour l’hospitalisation traditionnelle, ce qui permet de disposer d’une échelle de valeur.

  Hôpital Hospitalisation à Domicile (HAD) Prestataire et professionnels libéraux
Parcours 1 : 2 jours de chimiothérapie toutes les deux semaines
Traitement anti douleur 100 59.16

-40.84 %

37.17

-62.83 %

Nutrition parentérale 100 61.35

-38.65 %

44.76

-55.24 %

Deux Traitements associés 100 67.43

-32.47 %

60.31

-29.69 %

Parcours 2 : 5 Jours de Chimiothérapie toutes les 3 semaines
Traitement anti douleur 100 74.85

-25.15 %

43.9

– 56.1 %

Nutrition parentérale 100 77.23

-22.77 %

52.75

47.15 %

Deux Traitements associés 100 83.86

-16.14 %

70.47

-29.53 %

 

Pour mieux comprendre, le coût d’un traitement anti douleur dans le parcours 1 est 62.83 % moins onéreux avec les professionnels libéraux de santé qu’à l’hôpital. Il ne s’agit pas de généraliser et d’étendre cette analyse spécifique à tous les soins prodigués par les infirmières libérales d’un côté et en milieu hospitalier de l’autre.

Cependant, l’étude fait mieux comprendre les raisons poussant les autorités à privilégier le développement de l’HAD plutôt que le « Tout Hôpital ». Et il souligne bien également que se soigner à domicile est aussi une décision économique, contrairement à ce qui se laisse sous-entendre ici et là.

L’hospitalisation à domicile serait donc moins couteuse que l’hospitalisation traditionnelle et le recours aux infirmières libérales et autres professions libérales de santé encore plus économiques. Bien que ne pouvant servir de socle pour la politique de santé, cette analyse du coût comparé des différentes prises en charge privilégierait donc une prise en charge de proximité directement par les IDEL(s) ou d’autres professionnels.

Estimez-vous normal de comparer le coût des différentes prises en charge ? Pensez-vous que la répartition entre hôpital, HAD et infirmière libérale doit être revue ou qu’au contraire, le système fonctionne correctement ?