Du tiers payant à l’e-santé, la révolution des Infirmières libérales

La contestation de certaines dispositions liées à la généralisation du Tiers Payant démontre bien que infirmières et infirmiers libéraux sont inquiets de l’évolution de leur métier. Les IDEL(s) ont déjà beaucoup évolué en quelques années, et le futur proche devrait encore voir cette transformation s’accélérer.

Infirmières libérales et médecins, même situation pour le Tiers Payant ?

On sait que la généralisation du Tiers payant a fait couler beaucoup d’encre, notamment depuis le 01er juillet 2016 où le principe prend désormais une nouvelle dimension plus concrète. Les femmes enceintes et les patients de longue durée pour les soins pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie sont les premiers concernés. Si les infirmières et infirmiers libéraux proposent déjà, et depuis longtemps, le Tiers Payant, ils se sont émus auprès du Ministère de la Santé de l’accompagnement « sur-mesure » proposé aux médecins généralistes. Ces derniers, peu disposés à applaudir à cette mesure de généralisation, disposent en effet d’un Centre de Service inter-régimes (Cesi).

Ce dernier assiste les médecins dans la mise en place du tiers payant mais répond également aux réclamations, et ce indépendamment du régime d’affiliation du patient. Les autorités ont beau expliquer que le dispositif est appelé à répondre à tous les professionnels de santé d’ici les premiers mois de 2017, les infirmières libérales sont en droit de s’interroger quant à ce favoritisme et se demandent si elles pourront profiter de tous les avantages de ce service, accessible (pour les médecins) par téléphone, messagerie instantanée ou courrier électronique.

Le Tiers payant, l’annonce d’une médecine en pleine mutation

Il ne faut pas voir, dans ces revendications, un corporatisme exacerbé, mais bien une mise en garde contre l’évolution de la profession même d’infirmière. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) l’a déjà souligné dans son étude « La démographie des infirmiers à l’Horizon 2030 » : le nombre d’infirmières et d’infirmiers libéraux devrait atteindre 116.000 en 2030, représentant un doublement du nombre d’IDEL(s) en 25 ans seulement. C’est bien que l’on demande plus à ces infirmières libérales, appelées à devenir le maillon central de la télésanté. Les infirmières et infirmiers libéraux devront s’imposer comme le lien nécessaire et rassurant entre le patient d’une part et le monde médical d’autre part.

Ces nouvelles attentes vis-à-vis des infirmières et infirmiers libéraux passent aussi par le renforcement de la télésanté voire même de l’e-santé. Permettre à chaque patient de préférer voire l’infirmière libérale se déplacer à son domicile plutôt que d’être hospitalisé fait partie de ces nouveaux objectifs. Longtemps considérée comme une activité solitaire, la profession infirmière sous son statut libéral exige, de manière de plus en plus importante, un véritable « travail d’équipe ». Les relations entre les infirmières libérales elles-mêmes mais aussi avec les autres professions de santé constituent ainsi un enjeu de taille pour la profession.

Des missions de plus en plus nombreuses, mais les soins infirmiers dans tout cela ?

C’est donc ces nouvelles exigences, qui pèsent sur l’activité quotidienne des infirmières libérales. Qu’il s’agisse d’intervenir dans ces nouveaux hôtels hospitaliers ou de répondre à des expérimentations menées par des Centres hospitaliers et déléguant une partie des responsabilités aux infirmières libérales, les IDEL(s) doivent désormais être experts dans la gestion et la tenue des DMP (Dossier Médical Personnalisé).

Ces nouvelles tâches « administratives » (dans la mesure où elles ne relèvent pas directement de l’état du patient) s’ajoutent aux missions de soins des infirmières libérales, dont la prépondérance (sur tout le reste) a été sanctifiée avec la publication du code de déontologie de la profession. Si ces nouvelles obligations sont difficilement mesurables (en temps et en énergie déployée), elles ne font que s’ajouter à un emploi du temps déjà fort surchargé. Et les perspectives en matière de Big Data et d’e-santé laissent entrevoir une accélération de la mutation de cette profession d’infirmière libérale. Cela se fera-t-il au détriment du temps passé auprès de chaque patient ou au contraire, impliquera l’arrivée massive de nouvelles candidates et candidats à ce métier passionnant mais usant ? C’est aussi cela, qui se joue à travers les réflexions menées sur l’avenir du système de santé en France….

L’e-santé vous apparait-elle aujourd’hui comme une source d’inquiétudes pour votre activité ? Pensez-vous que le rôle dévolu à l’infirmière libérale va rester le même ou qu’il va évoluer avec les changements annoncés ?