Il ne se passe pas une semaine sans qu’une décision se propose de renforcer les services et structure d’HAD. Aujourd’hui, les soins de ville semblent tous concernés par le phénomène, comme si l’HAD était devenue à son tour comme incontournable dans le parcours de soins des patients.

L’HAD élargi aux EHPAD, c’est maintenant ou… presque !

On savait que les politiques publiques de santé seraient au centre des diverses campagnes électorales. Non seulement les candidats à l’élection présidentielle rivalisent d’imagination pour réinventer le modèle sanitaire français, en affirmant maintenir le même niveau de soins mais en maitrisant les dépenses, mais le pouvoir en place ambitionne aussi de démontrer son ambition en la matière. Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, a ainsi levé les restrictions relatives au recours à l’hospitalisation à domicile (HAD) dans tous les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ephad). La mesure sera effective au 01er mars prochain. La ministre de la santé a profité de cette décision pour préciser sa position et justifier cette décision : « J’ai pris cette décision pour offrir aux personnes âgées vulnérables des soins toujours plus adaptés, un accompagnement personnalisé, une attention de chaque instant, a soutenu la ministre dans un communiqué. L’HAD n’est pas un mode d’hospitalisation par exception, c’est un mode d’hospitalisation de droit commun. »

Les patients des Ehpad pourront donc bénéficier des soins au cœur même de leur résidence sans avoir à se déplacer à l’hôpital, ce qui constitue bien une avancée dans la politique prônée par le gouvernement depuis des années.

Les IDEL(s) écartés des Ehpad ?

La décision est prise dans cette politique générale du développement du « tout sauf l’hôpital ». Est-ce le bien-être des patients ou la réduction des coûts, qui guide ce genre de décisions ? Car là où l’infirmière libérale pouvait intervenir rapidement comme avec l’ensemble de ses patients, l’Hospitalisation à Domicile représentera une lourdeur de plus en cas de besoin la nuit, les week-ends, voire les jours fériés. Mais au-delà de l’activité des infirmières et infirmiers libéraux, les Ephad ne nécessiteraient-ils pas tout simplement le recrutement d’infirmières supplémentaires, afin de pouvoir pallier à la multiplication et à la diversification des besoins.

Faire appel à l’hospitalisation à domicile est-ce réellement plus économique que de décider d’investir durablement dans le fonctionnement de ces établissements ? La question est posée mais ne trouve, à ce jour, aucune réponse. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la décision, qui repose, n’en doutons pas, sur des études précises mais bien de souligner le manque de vision globale sur le moyen et le long terme tant en ce qui concerne les infirmières et infirmiers libéraux que pour ce qui est du système de santé.

« Tout sauf l’hôpital », une maxime à adopter par les infirmières libérales ?

La conséquence de cette décision sera bien d’écarter les infirmières et infirmiers libéraux d’une intervention directe dans les établissements concernés. En revanche, les structures d’Hospitalisation à Domicile auront besoin de ces mêmes infirmières libérales pour qu’elles puissent prodiguer les soins nécessaires. Il ne s’agit pas que d’un simple transfert de compétences mais bien d’un pas supplémentaire vers l’hégémonie de l’Hospitalisation à Domicile.

N’évoquait-on pas, il y a quelques semaines, le développement des hôtels hospitaliers ? Dans le but de réduire (encore et toujours) les durées d’hospitalisation, ces établissements d’un nouveau genre impliquent de faire appel à des infirmières et infirmiers libéraux, qui interviennent alors sous la responsabilité des organismes en charge de ces hôtels hospitaliers.

On comprend la logique générale, qui vise, pour chaque situation, à réduire de manière conséquente le temps passé à l’hôpital. Les raisons de confort et de bien-être, avancées par les autorités sanitaires, se renforcent d’arguments économiques incontestables. Toujours est-il, que l’organisation de ces soins de substitution (à l’hôpital) implique aussi une certaine lourdeur administrative notamment. A terme, les services de HAD et autres structures de soins de proximité ne risquent-elles pas d’être contreproductives en faisant disparaître les deux atouts principaux de ces soins dits de ville : la proximité et la disponibilité ?

C’est en cela, que les promesses électorales et les politiques publiques de la santé manquent de visibilité sur le long terme, en complexifiant un peu plus, à chaque nouvelle décision, l’intervention des professionnels libéraux de santé dont les IDEL(s).

Selon vous, la multiplication des structures pour éviter le recours à l‘hospitalisation est-elle de nature à simplifier ces soins de proximité ? Ou est-ce au contraire une source d’inquiétudes et de manque de réactivité ?