Sous ce titre volontairement provocateur se cache l’apparition prochaine d’une nouvelle catégorie d’infirmière : Infirmière à accès partiel. Permettre aux professionnels de santé de toute l’Europe de devenir Infirmiers ou Infirmières pour certains actes est-il réellement la solution d’avenir pour notre politique de santé publique ?

Infirmière libérale, une profession réglementée et exigeante

Même si les conflits entre les infirmières libérales et leur autorité de tutelle sont aussi nombreux que variés, les deux parties s’entendaient jusque-là sur un point : l’importance et la spécificité de l’exercice libéral de la profession infirmière. Cette vision commune de l’infirmière libérale vole en éclat et risque même d’imploser à en croire certains.

D’un côté, les infirmières et infirmiers libéraux se mobilisent depuis plusieurs mois avec bien d’autres professionnels de santé pour réclamer l’actualisation du décret de compétences infirmier. Une pétition a même réuni en quelques jours plus de 5300 signatures. Adressée à M François Hollande, Président de la République, cette pétition explique l’urgence et l’absolue nécessité d’ouvrir des négociations sans plus attendre :

Nous, professionnels infirmiers, posons l’exigence de l’actualisation de notre décret (n° 2004-802 du 29 juillet 2004) au regard des besoins de la population, tenant compte des évolutions de notre pratique validées dans nos référentiels de compétences et de formation infirmière ainsi que de notre engagement citoyen au service de la qualité, la sécurité et l’équité de l’accès aux soins pour tous.

Nous demandons l’ouverture urgente d’une concertation avec nos organisations associatives, syndicales et ordinale de la profession infirmière signataires de cette revendication commune.

Et si l’infirmière libérale était un métier comme les autres ?

L’exaspération des infirmières et des infirmiers libéraux s’appuie sur d’innombrables causes, dont la nouvelle adaptation du droit français au droit européen, en autorisant « l’accès partiel » à la profession infirmière. Le 27 octobre dernier, le Ministère de la Santé a soumis un projet d’ordonnance visant à permettre l’application de la directive européenne 2013/55/UE.

Cette dernière doit faciliter la circulation des professionnels de santé au sein de l’Union Européenne, et cette circulation plus aisée impliquera ainsi la création d’une carte professionnelle valable au niveau européen. Concrètement, cette liberté de circulation et d’exercice devra, dans l’esprit de cette directive, nécessiter :

  • La mise en place d’un système informatisé, permettant à chaque Etat membre de communiquer sur les professionnels, dont l’exercice a été restreint ou interdit
  • La mise en place de l’accès partiel, ce qui rendrait possible « l’exercice d’une partie seulement des activités relevant d’une profession réglementée. »

Sous réserve de pouvoir justifier d’un titre professionnel (reconnu dans le pays d’origine) ou de justifier d’un temps d’exercice suffisant, une professionnelle étrangère pourrait donc pratiquer une partie (et une partie seulement) des actes des infirmières et des infirmiers français. C’est donc bien une libéralisation de l’accès à la profession et sous toutes ces formes, qui est envisagée avec cette ordonnance.

Les infirmières libérales demandent une reconnaissance mais pas une libéralisation

Pour les infirmières libérales comme pour leurs collègues hospitalières, le risque est criant et l’opposition au projet totale. L’Ordre National des Infirmiers (ONI) a immédiatement réagi en dénonçant dans un communiqué ce projet dangereux pour la santé en France.

« Une professionnelle qui serait dénommée infirmière dans son pays pourrait venir exercer en France comme infirmière alors même qu’elle n’aurait pas été formée et n’aurait donc aucune compétence pour réaliser certains des actes infirmiers reconnus en France dans le cadre réglementaire de compétences. »

C’est le danger de la création officieuse d’un statut d’infirmière au rabais, qui a également amené le Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP) à s’opposer à la mise en place du projet. La crainte d’un glissement de tâches, la peur d’une santé à deux vitesses, ou encore les appréhensions face au risque d’un véritable dumping social restent les arguments, qui reviennent le plus tant dans les établissements hospitaliers que parmi les infirmières libérales. Car ces infirmières à accès partiel pourraient évidemment concurrencer les IDEL(s) de France en répondant aux besoins des structures de HAD par exemple. C’est bien tout le système de soins en France, qui risque d’être modifié avec cette nouvelle réglementation, qui, si elle est définitivement adoptée, concernera toutes les professions paramédicales.

Comment jugez-vous la création de ce statut d’» Infirmière à accès partiel » ? Est-ce selon vous un danger pour la profession ou au contraire une opportunité ? Quels seraient d’après vous les mesures à prendre pour éviter les dérives éventuelles d’un tel système ?