Un récent jugement confirme que les infirmières et infirmiers libéraux n’ont pas à accepter des agissements illégaux de la part de structures d’hospitalisation à domicile. Une occasion de s’interroger sur ces rapports souvent tendus.

SSIAD et infirmières libérales, du partenariat durable ….

Des années que cela dure, mais le tribunal de Grande Instance de Libourne (33) vient enfin de trancher un litige opposant le Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) d’un côté et des infirmières et infirmiers libéraux de l’autre. Même si on ne peut pas considérer ce jugement comme faisant jurisprudence, il a le mérite de rappeler que les infirmières libérales aussi ont des droits.

Pour mieux comprendre, il faut remonter à 1993, date de la création de ce SSIAD par l’Association de maintien et de soins à domicile de la Haute Gironde (AMSADHG). Cette association à but non lucratif décide, à la création de cette nouvelle structure, de ne s’occuper que des soins d’hygiène des patients, laissant les soins techniques aux infirmières et infirmiers libéraux, installés sur le territoire concerné. Rien d’exceptionnel donc pour cette répartition des tâches, puisque ce type de répartition existe dans bien d’autres départements. Pendant 20 ans, les aides-soignantes du SSIAD et les IDEL(s) concernés travaillaient ainsi main dans la main, pouvant même se fier à une convention définissant ce mode de fonctionnement.

… au conflit ouvert, une question d’interprétation et de méthodes

Cette situation normalisée a brutalement pris fin en décembre 2013. A cette date, le SSIAD décide en effet de remplacer les infirmières et infirmiers libéraux par des infirmières et infirmiers salariés. Plutôt que de dénoncer dans les formes la convention signée entre les deux parties, le SSIAD s’est contenté d’envoyer une lettre aux patients, en leur demandant de choisir entre ses services ou ceux des infirmières et infirmiers libéraux. Il ne laissait que 8 jours de réflexion à ses patients pour se décider. Les infirmières libérales ne comprennent pas cette façon d’agir, alors que le SSIAD aurait pu mettre fin à leur collaboration en respectant les formes et les durées légales de rupture de contrat.

Cette façon de procéder a fort logiquement déclenché la colère des infirmiers libéraux, qui rappelaient alors que la convention stipulait que les « infirmiers responsables de secteur [du Ssiad] s’engagent à ne pas effectuer de soins infirmiers, sauf cas d’urgence et de façon exceptionnelle ». La répartition des tâches semblait claire et sans contestation possible et pourtant. Les infirmières et infirmiers libéraux contestaient donc cette manière de procéder en considérant le courrier envoyé aux patients comme un ultimatum et donc contraire à la loi. Une action en référé était engagé mais la juridiction se déclarait incompétente, amenant la poursuite de la procédure devant le tribunal de grande instance de Libourne.

Une clarification des règles au profit des infirmières et infirmiers libéraux

C’est donc ce conflit qui trouve sa conclusion travers le récent jugement du Tribunal de Grande Instance de Libourne. Il aura donc fallu plus de 4 ans pour venir à bout d’un conflit, qui aurait pu, aux dires des magistrats, être évité si le SSIAD avait respecté un préavis de 3 mois en informant les infirmières et infirmiers libéraux. Si l’objectif était de gagner du temps, il est perdu.

Le jugement fait droit à toutes les demandes des infirmières et infirmiers libéraux, condamnant sur tous les griefs le SSIAD de Saint Savin. La question n’était pas de s’interroger sur la décision de préférer des infirmiers salariés à des infirmières libérales mais de savoir si le donneur d’ordres, en l’occurrence le SSIAD, pouvait agir comme bon lui semble. La justice a tranché et les IDEL(s) peuvent s’en féliciter, même si la perte de patientèle, liée à cette violation caractérisée d’un certain formalisme, reste irréparable.

La question, qui reste toujours sans réponse, réside bien dans les motivations du SSIAD, et un argument avancé lors de la procédure en référé suscite un grand nombre d’interrogations. Le SSIAD expliquait, en effet, que le recrutement d’infirmiers salariés avait été décidé après la réception d’un courrier en ce sens émanant de l’Agence Régionale de Santé (mai 2013) …

Estimez-vous que les relations entre les SSIAD et les infirmiers libéraux soient suffisamment encadrés ? Quels pourraient être alors les pistes à creuser pour apaiser ces relations ?