Une récente décision du Conseil d’Etat a relancé le débat sur l’utilité de l’Ordre National des Infirmiers. Ce dernier va-t-il pouvoir exercer efficacement sa mission en voyant sa demande d’inscription automatique acceptée, ou est-il voué à la disparition ?

Un Ordre pour les infirmières libérales et salariées, une création vouée à l’échec ?

La question de la suppression de l’Ordre National des Infirmiers est une question récurrente, et on voit réapparaître régulièrement de nouvelles menaces sur cet ONI, dont la création reste relativement récente. C’est en effet par la loi du 14 décembre 2006, que les infirmières libérales et salariées de France voient la création d’un ordre, qui ambitionne de représenter toute une profession. Dès le départ, un grand nombre d’infirmières et d’infirmiers n’ont pas compris l’intérêt d’une telle création et depuis lors, on voit ressurgir régulièrement un questionnement sur la légitimité de cette instance mais aussi et surtout sur son utilité. On ne reviendra pas sur l’histoire mouvementée de l’ONI, mais il apparait utile de souligner, que si Marisol Touraine, Ministre de la Santé, a défendu l’ordre infirmier ces dernières semaines, elle mettait en garde, en mai 2014, en affirmant que « l’avenir de l’ordre national des Infirmiers est clairement menacé ». La Ministre de la Santé ne manquait pas de souligner, qu’elle aurait préféré, pour pallier à la suppression d’un ordre qu’elle jugeait alors inutile, un renforcement des pouvoirs du Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCPP). La ministre actuelle de la Santé avait même, alors qu’elle n’était que député, était même à l’origine d’une proposition de loi organisant la suppression de l’ordre (Printemps 2011).

Une contestation de l’ordre, renforcée par un manque de représentativité

Autant dire que l’Ordre National des Infirmiers ne dispose pas de soutien fort et indéfectible, et que l’ordre a réussi à susciter l’hostilité des infirmières libérales. En effet, au cours du printemps – été 2016, les syndicats d’infirmières libérales mais aussi de nombreux IDEL(s) se déclaraient outrés à la réception de courriers de la CPAM, qui demandaient la justification de l’inscription à l’ordre national des Infirmiers. Ce mélange des genres donnait plus de force aux détracteurs, qui ne voyaient dans l’inscription à cet ordre qu’une dépense supplémentaire aux intérêts inexistants. On s’interrogeait alors de savoir si l’ONI était à l’origine du déconventionnement de certaines infirmières libérales ?

Les griefs ne sont pas oubliés aujourd’hui et posent le problème majeur de l’Ordre national des Infirmiers : sa représentativité. Si les infirmières libérales n’estiment pas l’inscription à l’ONI comme étant indispensable et utile, les infirmières salariées ne sont pas plus portées à soutenir leur ordre. L’Ordre national des Infirmiers a beau affirmé que les adhésions sont de plus en plus nombreuses depuis la publication du Code de Déontologie de la profession, il ne peut contester que sur les 500.000 infirmières salariées de France, seules un peu plus de 100.000 sont inscrites. Cela pose clairement le problème de la représentativité de l’ONI mais cela souligne aussi l’impossibilité pour l’ordre de mener à bien ses missions d’étude statistique et de contrôles.

Une inscription automatique à l’origine d’une nouvelle charge contre les infirmières libérales

Pour lutter contre ce désintérêt des professionnelles concernées, l’inscription automatique à l’ordre était prévue par la loi depuis la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires de 2009. Mais le décret organisant cette inscription automatique des infirmières salariées n’a jamais été préparé. Ce sera bientôt chose faite, puisqu’une décision en référé du 24 mars 2017 du Conseil d’Etat exige du Ministère de la Santé de préparer ce décret. C’est donc au futur Ministre de la Santé, qu’il appartiendra d’engager cette inscription automatique avant le début de l’été. Plusieurs syndicats, dont la Fédération des personnels des services publics et des services de santé FO (FOSPS) ont déjà manifesté leur opposition farouche à ce prochain décret. A cette occasion, ces mêmes organisations ont demandé à nouveau au Ministère de la Santé de supprimer l’Ordre National des Infirmiers. Défendant les infirmières salariées, ces organisations n’ont pas inclus les infirmières libérales à leur demande, en soulignant : « Si les libéraux veulent un Ordre, ils n’ont qu’à le financer car pour eux, le coût de l’Ordre est déductible de leurs impôts. » Il n’est pas certain, que ces arguments soient de nature à apaiser les relations entre les infirmières libérales et l’ONI d’une part mais aussi entre les IDEL(s) et les infirmières salariées d’autre part. Comme quoi la mission de représentativité de l’Ordre National des Infirmiers semble loin de se transformer en réussite ? C’est donc au prochain Ministre de la santé, qu’il conviendra de prendre une décision, qui se résumera entre le choix de la suppression de l’ordre ou celui de l’inscription automatique des Infirmières et infirmiers à un ordre de plus en plus contesté. 

Que pensez-vous de ces multiples rebondissements liés à l’Ordre National des Infirmiers ? A titre personnel, êtes-vous favorable à son maintien ou plébiscitez-vous sa suppression ?